TILLET Louis, Henri, Émile dit Laon

Par Daniel Grason

Né le 4 août 1913 à Héricourt (Haute-Saône), mort le 15 janvier 1944 à Mauthausen (Autriche) ; ajusteur-outilleur ; communiste ; résistant FTP membre du groupe Valmy ; déporté.

Louis Tillet
Louis Tillet

Fils de Louis et de Marie, née Barthélémy, tous deux cantinier et cantinière, son père au 47e Régiment d’Artillerie, Louis Tillet épousa Yvonne Carry, le 24 octobre 1931 à Pont-de-Roide (Doubs). Le couple eut deux enfants, la famille vivait 4 rue du Docteur-Labbé à Paris (XXe arr.). Il adhéra au parti communiste en 1936, ajusteur-outilleur il travailla jusqu’en janvier 1942 aux Établissements Bull 92 bis avenue Gambetta à Paris XXe arrondissement.
Il milita au sein de l’organisation clandestine tout en poursuivant son activité professionnelle. En juillet 1941 il accepta de donner une leçon à Alexandre Delobelle, ex-dirigeant de la CGTU en rupture avec le parti communiste, celui-ci collaborait avec le régime de Vichy. Il le matraqua le 30 juillet, fut arrêté par la gendarmerie de Boulogne-Billancourt. Il comparut devant le tribunal correctionnel, était condamné à six semaines de prison et à seize francs d’amende pour « coups et blessures volontaires et port d’une matraque », le 10 septembre 1941 il était libre.
En mars 1942 il intégra le groupe Valmy, bras armé des FTP parisiens chargé des opérations contre les collaborateurs et ceux qui étaient considérés comme des traîtres du parti communiste. Au printemps 1942 Louis Tillet fut chargé du service des renseignements, il s’agissait de repérer les habitudes de têtes connus et moins en vue de la collaboration. Il repéra Paul Ferdonnet qui parlait régulièrement à Radio-Stuttgart, devait localiser Pierre-Antoine Cousteau, journaliste à Je suis partout
Le 17 mars 1942 Georges Déziré responsable interrégional de Normandie suivait Louis Tillet jusqu’à un pavillon au 12 avenue Gambetta à Chatou (Seine-et-Oise, Yvelines). Au sous-sol trois autres FTP attendaient : Marius Bourbon, Fosco Focardi et Marcel Cretagne, Bourbon et Tillet menèrent l’interrogatoire pendant plusieurs heures. Déziré était accusé d’avoir trahi et d’être le responsable de nombreuses chutes. L’organisation vivait dans la croyance qu’elle était infaillible, les arrestations ne pouvaient donc être que le résultat de la trahison.
Le sort de Déziré était fixé avant l’interrogatoire qui dura plusieurs heures, les nombreuses questions avaient été préparées par Roger Dubois, responsable des cadres. Déziré était accusé par Bourbon de trahison, il protesta… en vain. Marcel Cretagne lui tira une balle dans la nuque, Déziré tomba à terre, cria son innocence, demanda une cigarette, puis tenta de fuir. Tillet et Bourbon l’assommèrent à coup de briques. Déziré dans un dernier sursaut cria « Vive l’URSS ! Vive Staline ! », Cretagne tira une deuxième balle.
Le 8 septembre 1942, Louis Tillet était dans l’équipe qui posa une bombe dans le cinéma le Palace Garennois, 53 boulevard de la République à La Garenne-Colombes (Seine, Hauts-de-Seine). La séance était réservée au personnel qui travaillait pour les Allemands, l’engin explosa au milieu de la salle à 21 heures 20, un allemand fut tué, huit furent blessés dont un grièvement et cinq civils français.
Louis Tillet était dans le groupe qui lança un engin explosif le 4 octobre 1942 vers 10 heures 15 contre la devanture de la permanence du Francisme 25 rue Dareau à Paris (XIVe arr.). Le souffle de l’explosion brisa les vitres de la boutique et des immeubles voisins, il n’y eut pas de blessés.
La police municipale effectuait une rafle le 21 octobre 1942 sur l’avenue de la Porte de Montreuil, Louis Tillet était appréhendé vers 21 heures 15 devant le n° 1 par deux gardiens de la Brigade spéciale d’intervention (BSi) du XXe arrondissement. Il présenta une carte d’identité au nom de Lucien Tarnier, palpé au corps, le policier se rendit compte que Tillet serrait une arme dans la poche droite de son pantalon.
Emmené au poste de Charonne, outre le pistolet automatique 6,35 m/m, les policiers saisissaient une note manuscrite : « Le fameux Ferdonnet de la Rose des Vents habite 53 rue de Belleville, ainsi que trois autres salauds de son espèce. On pourrait peut-être leur faire des courants d’air entre le menton et les épaules ». Quant à la présence du pistolet, c’était « pour descendre des Allemands ».
À 23 heures 20 des inspecteurs de la BS2 venaient chercher Tillet. Interrogé, il déclara habiter 9 rue Marbeuf, VIIIe arrondissement sous le nom de Louis André. Les policiers saisissaient une grenade Mills, deux cartes d’identité en blanc, un carnet annoté, des tracts récents édités par le parti communiste, un chargeur vide. Les photographies d’Armand Pillot ex-député communiste de la Seine qui vota les pleins pouvoirs à Pétain et Léon Piginnier ex-député-maire communiste de Malakoff qui désapprouva la signature du pacte germano-soviétique, tous deux étaient considérés comme des traîtres. Lors d’un interrogatoire par la BS2 probablement battu, il indiqua que le dépôt d’armes du groupe était dans le XVe arrondissement au 105 Boulevard Lefebvre : grenades Mills, bombe à l’hexogène, crayons détonateurs, plastic…
Livré aux Allemands, interrogé à l’hôtel Bradford par la Geheime Feldpolizei (GPF), police secrète de campagne, il fut incarcéré à Fresnes dans une cellule individuelle, les membres du groupe Valmy eurent droit au même traitement. Louis Tillet était le 27 mars 1943 avec seize autres membres du groupe Valmy dans un wagon aux fenêtres grillagées au départ de la gare de l’Est à destination de Mauthausen, matricule 25549 il y mourut le 15 janvier 1944 selon la mention transmise le 2 avril 1946 par le ministère des combattants et portée sur son acte de naissance. La mention « Mort pour la France » figure sur son acte de décès.
Louis Tillet a été homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF), et Déporté interné résistant (DIR).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article165792, notice TILLET Louis, Henri, Émile dit Laon par Daniel Grason, version mise en ligne le 3 octobre 2014, dernière modification le 16 février 2020.

Par Daniel Grason

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SOURCES : Arch. PPo. BA 1752, PCF carton 13 activité communiste pendant l’occupation, GB 114 BS2 carton 22, 1W 0807. – Bureau Résistance GR 16 P 571475. – Liquidez-les traîtres. La face cachée du PCF 1941-1943, Jean-Marc Berlière, Franck Liaigre, Robert Laffont, 2007. – Livre-Mémorial, FMD, Éd. Tirésias, 2004. – JO, n° 001 du 2 janvier 2001. – Site Internet GenWeb. – État civil, Héricourt.

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 189 cliché du 31 juillet 1941.

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