BEUGNIEZ Louis, Émile

Par Bruno Béthouart

Né le 29 novembre 1907 à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais), mort le 10 février 1998 à Noyelles-Godault ; employé des mines ; syndicaliste CFTC ; député MRP du Pas-de-Calais (1946-1951).

Né d’un père ouvrier-moulineur aux mines de Dourges et d’une mère employée de maison Louis Beugniez fréquenta la même école publique de garçons qu’un illustre concitoyen, Maurice Thorez, son aîné de sept ans. En février 1922, il dut interrompre ses études à l’école primaire supérieure d’Hénin-Liétard et fut embauché aux mines de Dourges comme commissionnaire, puis employé aux écritures et comptable jusqu’en juin 1935. De 1922 à 1927, l’abbé Dubois, curé de Noyelles-Godault, lui donna une solide formation religieuse. Il devint assez vite responsable du cercle d’études de l’ACJF puis participa à l’école des conférenciers de la Fédération nationale catholique. Correspondant bénévole du journal catholique La Croix du Nord, il fut le créateur de la section jociste de Noyelles-Godault en 1929 devint président de la fédération jociste de Lens-Béthune. L’année suivante, il adhéra au Syndicat libre des mineurs, fondé par Jules Catoire et rattaché à la CFTC. En 1935, il réussit, après une campagne électorale acharnée à prendre la mairie de sa commune aux communistes et fut élu maire. Pour éviter le reproche d’être « vendu aux Houillères » il quitta la compagnie des Mines de Dourges et devint secrétaire permanent du SLM (fédération des employés) en s’intégrant à Arras et Lens dans l’équipe composée de Jules Catoire, Jules Pruvost* et Louis Delaby. En 1936, il fustigea et dénonça par des articles virulents l’attitude « stalinienne » des dirigeants locaux de la CGT dont le but était de faire disparaître le SLM sous couvert d’unité syndicale en interdisant par des arrêts de travail « spontanés » l’entrée des puits de mines aux mineurs adhérents du SLM : « Les libertés ouvrières en péril : alerte aux dictateurs » (Croix du Nord du 20 juin 1936), « les chefs du syndicat unifié affament des familles ouvrières » (le 22 juin 1936). Grâce aux interventions de Jules Catoire, du député Henri Meck*, de Jules Zirnheld* et de Gaston Tessier* respectivement président et secrétaire de la CFTC, la liberté syndicale fut peu à peu reconnue aux syndiqués chrétiens. En 1939, Louis Beugniez, Jules Pruvost, Louis Delaby et Joseph Sauty* reçurent la croix de Chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand au cours d’un grand rassemblement de travailleurs chrétiens à Béthune : la « trouée » était faite.

Démobilisé en août 1940, il revint à Noyelles Godault et décida de rester maire. Il profita de cette couverture pour se livrer à des activités résistantes telles que la fourniture de cartes de ravitaillement, de documents administratifs, de fausses cartes d’identité. Opposé comme Jules Catoire et Louis Delaby à la Charte du Travail, il poursuivit l’action syndicale chrétienne dans la clandestinité, diffusa Témoignage chrétien, puis adhéra au réseau Voix du Nord. En 1943, Jules Catoire lui fit signer son « engagement » comme journaliste du futur journal démocrate chrétien Nord Eclair en tant que rédacteur pour Lens et sa région. À la Libération, il fut élu président du comité local de Libération de Noyelles-Godault puis maire du conseil municipal issu des mouvements de libération.

De 1945 à 1951 commença pour une période d’intense activité politique sur le plan national. En effet élu député MRP du Pas-de-Calais avec Jules Catoire aux deux Assemblées constituantes puis à l’Assemblée législative, il fut alors élu le 20 décembre 1946, à l’unanimité des membres, président de la commission du travail et de la sécurité sociale de l’Assemblée nationale. Il fut réélu le 28 janvier 1948 « sur demande de M. Arthur Musmeaux », député communiste et vice-président de cette commission alors que la guerre froide était largement entamée. L’année suivante il fut encore reconduit sur la proposition du même député parlant toujours au nom du Parti communiste. A cette occasion Louis Beugniez remercia la commission « de sa confiance » et lui demanda « de continuer le travail commencé en faveur de tous ceux qui ont besoin de la protection de la loi et de l’aide de l’État ». Louis Beugniez fut également réélu en 1950.

L’accession de ce député ouvrier à un poste de haute responsabilité dans le cadre d’un régime parlementaire s’expliquait notamment par l’activité manifestée durant la première Constituante. Il avait pris en charge dans un délai très court l’examen et le rapport du projet de loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il reçut à cette occasion l’hommage du ministre communiste du Travail et de la Sécurité sociale Ambroise Croizat. En tant que président de la commission il sut faire preuve d’une courtoisie reconnue de tous mais également d’une réelle fermeté pour éviter les dérapages, les écarts de langage. Il sut à plusieurs reprises protéger le droit de grève remis en cause en 1948-1949 par certains députés de la commission au nom de leur parti. Il eut à cette époque des contacts fréquents et approfondis avec tous les ministres concernés ainsi que les présidents du conseil qu’il accueillait dans la commission, mais la mission essentielle du président d’une commission importante dans le contexte de reconstruction de l’époque fut de soutenir en commission, à la conférence des présidents et en séance publique les projets qui lui paraissaient essentiels pour l’avenir de la Nation. Louis Beugniez intervint donc à de multiples reprises entre 1946 et 1951 sur les projets ou propositions de loi concernant les conventions collectives, la Sécurité sociale, notamment dans les mines, les prestations familiates, toute la législation se rapportant aux conditions de travail, aux retraites (l’allocation temporaire aux vieux) aux congés payés, aux délégués du personnel, aux comités d’entreprise mais aussi sur le statut du mineur, le mode d’élection des délégués mineurs et le reclassement des instituteurs des écoles des Houillères dans la fonction publique.

En 1951, victime à la fois des apparentements, à la fois de son activité de président de commission qui le tenait éloigné de sa circonscription, Louis Beugniez fut battu aux élections et se retrouva « au chômage ». Il fut alors chargé par Robert Buron, secrétaire d’État aux Finances, de lancer le CIERP (Centre intersyndical d’études et de recherches de productivité d’entreprises) regroupant trois centrales syndicales (CFTC, FO et CGC) composé d’experts chargés de faire des études prospectives. C’est ainsi qu’il prépara en 1955 un rapport sur la récession minière dans l’ouest du bassin du Pas-de-Calais. Ce travail permit de créer un Comité d’action pour la défense et l’expansion de la région minière (CADERM) dont il devint aussitôt le secrétaire général. Neuf mois plus tard, le comité fut dissous et Louis Beugniez reprit jusqu’en juin 1968 une activité au sein des Houillères. Le 27 octobre 1968, Maurice Schumann, ministre du Travail remit à ce père de quatre enfants la Croix de la Légion d’honneur dans sa commune dont il fut le premier magistrat jusqu’en 1971.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16629, notice BEUGNIEZ Louis, Émile par Bruno Béthouart, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 23 février 2012.

Par Bruno Béthouart

SOURCES : Arch. Assemblée Nationale : procès verbaux des réunions de la commission du Travail et de la Sécurité sociale. — Journal officiel des débats parlementaires, 1945-1951. — Interview et témoignage écrit de Louis Beugniez. — La Jeunesse ouvrière, mai 1935. — La Revue du Nord, tome LXXIII, n° 290-291, avril-septembre 1991, p. 517-521. — Bruno Béthouart, Le MRP dans le Nord-Pas-de-Calais 1944-1967, Dunkerque, Éditions des Beffrois, collection « Documents », 1984. — Dictionnaire des parlementaires, 1940-1958, t. 2, p. 363-365. — Serge Berstein, Jean-Marie Mayeur, Pierre Milza (dir), Le MRP et la construction européenne, Bruxelles, Éd. Complexe, 1993. — Robert Bichet, La Démocratie chrétienne en France. Le MRP, Besançon, Jacques et Demontrond, 1980. — François Calot, Un parti de la démocratie chrétienne en France. Le MRP, Rivière, 1978.

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