Par Claude Pennetier
Né le 13 juillet 1887 à Chârost (Cher), mort le 12 août 1969 à Vierzon (Cher) ; instituteur à Vierzon ; secrétaire de la section départementale SNI ; membre du bureau national du SNI ; pacifiste.
Il était le fils naturel de Marie-Louise Charbonnier, couturière de 21 ans, reconnu par Joseph Beuzelin lors de leur mariage le 9 février 1889. Ramond Beuzelin fit ses études à l’École normale d’instituteurs de Bourges, de juillet 1905 à septembre 1907, avec une interruption d’un an, d’octobre 1905 à septembre 1906, pour accomplir son service militaire.
Il enseigna un an à Saint-Florent-sur-Cher puis six ans à Aubigny-sur-Nère, avant d’être nommé en 1913 à Vierzon-Forges où il termina sa carrière comme directeur.
Mobilisé dans l’infanterie en août 1914, il fut blessé le 3 juillet 1916 et revint aux armées un mois plus tard. Il épousa le 22 novembre 1916 à Bourges, Georgette Dubois. Sous-lieutenant, il passa le brevet de pilote d’avion en 1917 et fut affecté au Groupe d’aviation d’Oujda au Maroc. Il fut démobilisé en mars 1919 au grade de lieutenant de réserve.
En 1920, Raymond Beuzelin se déclarait « syndicaliste indépendant » et militait à l’Amicale des instituteurs. Il créa un cercle d’instituteurs à Vierzon « malgré l’opposition très nette de certains directeurs qui crièrent « Aux soviets ! » ». (Lettre à Charbonnier, 14 février 1920, Arch. SNI). Il en assura le secrétariat. Beuzelin encouragea l’Amicale à se transformer en syndicat adhérent à la CGT et concurrent du syndicat de l’enseignement laïque animé par Gaston Beauvois. Il en fut secrétaire adjoint puis secrétaire.
Raymond Beuzelin demanda son initiation à la Loge maçonnique « Travail et Fraternité » de Bourges en mars 1921 : admis au Grand Orient en juin, il accéda au grade de maître en décembre 1923. Il affirma, en 1941, avoir abandonné la franc-maçonnerie en 1931.
Les idées politiques de Beuzelin sont difficiles à saisir. Selon un rapport préfectoral, il aurait adhéré vers 1927 au Parti communiste, pour le quitter six mois après. Cette incursion dans un parti hostile à la franc-maçonnerie et au SNI est inexplicable. Il se définissait lui-même comme un « syndicaliste révolutionnaire » et un « vieux socialiste libertaire » (intervention congrès du SNI de Paris, 1937) mais ses collègues du syndicat unitaire de l’enseignement le qualifiaient de « dictateur » réformiste. Ses propos antimilitaristes entraînèrent sa révocation du grade de lieutenant de réserve. Les rapports de police soulignaient souvent le ton « agressif » de ses discours, ainsi au meeting du 12 février 1934 à Bourges : Cet orateur a fait le procès du régime capitaliste et bourgeois, dont « l’impuissance et la nocivité sont définitivement démontrées, et qu’il y a lieu de remplacer par un ordre nouveau pour l’avènement duquel il ferait volontiers le sacrifice de sa vie ». (Arch. Dép. 33 M 113).
La section du SNI se renforça en 1932 par l’adhésion de dissidents de la Fédération unitaire de l’enseignement. En 1935, il resta secrétaire du syndicat unifié mais Raymond Goreau constatait dans une lettre à Philippon datée du 21 décembre 1935 : « Jeudi dernier au conseil syndical, Beuzelin a fait ce qu’il voulait comme d’habitude. C’est un vrai dictateur. J’ai réclamé en vain la répartition proportionnelle des mandats pour le congrès » (Arch. Synd. unitaire). Beuzelin était également secrétaire du Cartel des services publics.
Dans son Journal d’un militant, à la date du 29 novembre 1934, Claude Jamet, professeur à Bourges, traçait un portrait critique de Raymond Beuzelin « vieil homme robuste, à cheveux blancs, chevronné, secrétaire d’un peu tout, sur la brèche depuis le début du siècle (au moins) ; on ne la lui fait pas ! Il en a vu d’autres ! Dans chacune de ses phrases qui sont longues, il ouvre une parenthèse pour y fourrer son propre éloge ; c’est un indépendant, lui, qu’on se le dise ! » (p. 30).
Pendant le Front populaire, il mena une critique de gauche de la politique gouvernementale et de l’appui donné par la CGT et le SNI. Il approuva Blum sur un seul point : la non-intervention en Espagne. Pour le secrétaire de la section SNI, la situation était « pré-révolutionnaire », aussi demandait-il que l’action du syndicat « soit orientée vers la Révolution nécessaire, pacifique peut-être, mais jacobine tout de même » (Bull. SNI, octobre 1937). À partir de l’automne 1937, les thèmes du refus de l’Union sacrée et de la lutte pour la paix dominaient dans ses articles. Il fut désigné par le conseil national du SNI en mars 1938 pour siéger au bureau national. Il y était toujours à la veille de la dissolution du SNI à la fin de 1940.
Son pacifisme sans réserve le conduisit à des prises de positions vichystes pendant la Seconde Guerre mondiale. Beuzelin fut relevé de ses fonctions le 16 avril 1941 puis réintégré le 7 juillet 1942 après une intervention en sa faveur du dirigeant syndical Georges Dumoulin. En 1942, il devint secrétaire de la section de Vierzon du Comité ouvrier de secours immédiat. Dans une lettre à un attaché au cabinet du ministre de l’Éducation nationale, datée de janvier 1943, il écrivait : « Les querelles entre Américains et Anglais, entre Giraud et De Gaulle nous permettent de gagner quelques points dans notre effort de rapprochement franco-allemand » (Arch. Dép. 6 T 265).
Lors de la réunion du conseil national du SNI à la fin de 1944, il figurait parmi les huit membres du BN qui furent « épurés ». Il ne joua plus de rôle syndical, ni politique, après la Libération mais constitua un groupement pour le Planning familial à Vierzon. Il se remaria le 9 juin 1949 à Vierzon avec Marcelle Denoël. En 1960, il figurait parmi les adhérents de la section du Parti socialiste unifié de Vierzon.
Par Claude Pennetier
SOURCES : Arch Nat. 581AP/106. — Arch. Dép. Cher, 25 M, 6 T ; état civil, registre matricule. — Arch. Grand Orient. — Arch. sect. Cher SNI. — Arch. Syndicat unitaire de l’enseignement du Cher. — Bulletin section SNI. — L’Émancipateur. — Témoignages de syndicalistes enseignants du Cher. — L’École Libératrice, 25 février 1945. — Notes d’ Alain Dalançon et de Jacques Girault.