SERANO Charles dit André, dit Richard

Par Daniel Grason, Gérard Larue

Né le 16 mai 1925 à Marseille (Bouches-du-Rhône), fusillé le 30 mai 1944 à Bar-le-Duc (Meuse) ; manœuvre, journalier ; résistant FTP puis membre de l’Armée Secrète.

Fils d’Élie et de Cécile née Benloulou, ménagère, Charles Serano était titulaire du CEP, célibataire, vivait chez ses parents 50 avenue Edison à Paris (XIIIe arr.). La famille était juive, il avait un frère prénommé Félix. Pendant la guerre il travailla au cours de l’année 1943 comme manœuvre pour l’organisation Todt sur le chantier de Méry-sur-Oise (Oise). Il sympathisa avec Raoul Delangler âgé d’une vingtaine d’années qui habitait à Valmondois dans l’arrondissement de Pontoise (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Par son intermédiaire, Charles Serano fit la connaissance de Raoul âgé d’une soixantaine d’année qui se présenta comme un résistant.
Après une courte réflexion de vingt-quatre heures Charles Serano donna son accord à adhérer à l’organisation, Raoul lui précisa qu’il s’agissait des Francs-Tireurs et Partisans (FTP) dont l’objectif était de chasser l’ennemi de France. À cette fin des sabotages des voies ferrées étaient organisés. Raoul lui laissa entendre que le groupe de résistants était à direction gaulliste, il lui demanda s’il était communiste, Charles Serano répondit par la négative. Raoul lui conseilla de continuer à travailler pour l’organisation Todt.
Quelques jours plus tard, rencontre avec le commissaire aux effectifs de la région H 10, prénommé Olivier. Il posa les mêmes questions que Raoul. Un nouveau rendez-vous fut fixé avec Claude responsable militaire de la région. Il s’agissait en réalité de Robert Vimont, il le présenta quelques jours plus tard à Lucien pseudonyme de Raymond Thouvenin.
Charles Serano devint le matricule 3977, un pistolet de marque allemande calibre 7,65 mm lui fut dommé, il eut sous ses ordres trois hommes : Marius, Marcel et René. Il quitta son emploi à l’agence Todt, logea à l’hôtel Chez Auguste rue de Paris à Épinay-sur-Seine (Seine, Seine-Saint-Denis). Il devait être payé 2500 francs par mois, mais était payé avec beaucoup de retard et irrégulièrement.
Pour sa première mission il était accompagné de deux hommes, direction Bourg-la-Reine. La nuit tombait, en maraude, ils repérèrent un gardien de la paix… le suivirent. Charles Serano braqua son arme sur lui, le délesta de son arme, lui demanda sa carte de réquisition. Les FTP prirent la fuite, le gardien de la paix alerta à l’aide de son sifflet à roulette en vain.
Nouvelle opération récupération d’une arme quelques jours plus tard en compagnie de René et Marcel, cette fois-ci par mesure de précaution, un FTP confisqua le sifflet à roulette.
Charles Serano prit part au sabotage de la voie ferrée à Saint-Ouen l’Aumône (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Onze FTP participèrent à cette opération, deux gardes-voies furent désarmés, et deux requis civils neutralisés. Le sabotage de la voie terminé, les quatre hommes furent emmenés et libérés après une heure de marche. L’opération a été un succès la locomotive et plusieurs wagons chargés de matériel militaire se couchèrent sur la voie.
Une nouvelle action de sabotage eut lieu à Goussainville, une douzaine de FTP y participèrent, ils furent surpris par des requis civils. Les FTP avaient l’avantage des armes, cernés les civils durent donner leurs pièces d’identités. Quant au sabotage il fut interrompu, les clés utilisées pour le déboulonnage n’étaient pas adaptées.
Chef de groupe Charles Serano avait sept FTP sous sa responsabilité. Quasiment tous étaient armés de revolvers et de trois grenades. Sept requis civils les surprirent, ils furent neutralisés. Leurs pièces d’identités ont été confisquées.
Il participa à un autre attentat à Enghien-les-Bains (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Deux sentinelles de l’établissement thermal membres des Groupes mobiles de réserves (GMR) ont été neutralisées, l’un donna l’alerte avec son sifflet. Les FTP prirent la fuite.

Fin décembre 1943, les finances étaient dans les eaux très basses. Sans en référer à l’échelon supérieur des membres de groupe dont Charles Serano décidèrent de dévaliser la poste de Montmagny (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Ils étaient quatre : Simon, Bob, Jacky et Charles Serano, armes à la main, ils sommèrent le receveur de les conduire au coffre-fort et de livrer le contenu. Après avoir décroché avec 90 000 francs, Simon donna 18 000 francs aux trois autres FTP dont Serano et garda 36 000 francs. Charles Serano paya les sommes qui étaient dues aux FTP de son groupe : 2000 francs à Marius, 1000 francs à René et 3000 francs à Marcel et Simone.
Il participa au cambriolage de la mairie d’Auvers-sur-Oise avec le responsable militaire régional Claude et Marcel FTP. L’opération se déroula de nuit, à quatre heures du matin ils étaient devant la mairie. Après avoir brisé une vitre Claude et Marcel rentrèrent dans les locaux. Charles Serano armé d’une mitraillette montait la garde à l’extérieur. Le garde-champêtre habitait dans la mairie, il fut ligoté sur un banc. Les deux FTP s’emparèrent de 3500 cartes de rationnement. Ils prirent le train à la gare de Méry-sur-Oise.
Il alla avec une dizaine de FTP début 1944 à Sucy-Saint-Léger, sous la direction de Lucien une dizaine de FTP déboulonnèrent des rails. En déboulonnant les résistants firent trop de bruit, un garde-voies arriva. Maîtrisé, désarmé, il a été ligoté et attaché à un arbre.
Lors d’une opération en janvier, Charles Serano, Solange, René et Lucien, le chef de la gendarmerie juché sur sa bicyclette surprenait le groupe. Il somma le groupe de lever les mains en l’air. Un échange de coups de feu eut lieu, le brigadier une balle dans le ventre s’écroula ainsi que Lucien, tous les deux étaient morts.
L’objectif suivant a été l’attaque de l’automobile transportant la paye des ouvriers de l’usine Delaunay et Belleville à Saint-Denis (Seine, Seine-Saint-Denis). Les membres du groupe : Gérard, Claude, Jeannot et Charles Serano se retrouvèrent devant l’Église neuve. L’issue de l’opération semblait incertaine à Serano conseilla au chef du groupe d’annuler l’action, ce qu’il fit.
Un groupe de sept hommes dont Charles Serano eurent pour mission l’élimination physique à la mitraillette du couple P… qui vivait dans un pavillon à Valmondois (Seine-et-Oise, Val-d-Oise). Les FTP guettèrent pendant une heure la sortie de l’homme ou la femme de leur domicile. Personne ne sortit, le groupe renonça. Huit jours plus tard l’équipe se mit en embuscade devant le domicile, nouvelle surveillance, nouvel échec.
En février 1944 Charles Serano participa à sa dernière action à Paris avec Jeannot et Jojo se présenta chez P… présenté comme un responsable du PPF. Celui-ci habitait au 5e étage de l’immeuble du 5, square Trudaine à Paris (IXe arr.). Tous les trois étaient armés, l’un sonna, une femme se présenta, en fut neutralisée. Deux FTP tentèrent d’ouvrir le coffre-fort de petite dimension sans succès. Ils raflèrent 1800 francs de pièces de un et deux francs en argent et quinze paquets de cigarettes.
Ils emportèrent le coffre-fort. Lorsqu’il fut ouvert, l’organisation récupéra 87 000 francs, quinze paquets de cigarettes et des cigares ainsi que deux montres goussets. Avec une partie de l’argent Roger Imbert paya des FTP. Charles Serano s’éclipsa en subtilisant 70 000 francs et quatre revolvers.
Le 22 décembre 1943 Charles Serano avait été contacté pour faire partie des Groupes spéciaux, il accepta. Il rencontra Victor une première fois, puis à deux reprises. Après réflexion il refusa, fut admonesté par Claude militaire régional de la région H 18 qui le qualifia de « traître ».
Le 2 février 1944 il rencontra la famille Lebourgeois à Bessancourt (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Serge Lebourgeois lui proposa d’entrer dans l’Armée secrète (AS), il accepta. Il eut pour mission de constituer un groupe de résistants de l’Armée secrète dans la région de Viéville-sous-les-Côtes dans la Meuse.
Un parachutage devait avoir lieu entre la forêt de la Montagne à deux kilomètres de la commune de Creuë dans l’arrondissement de Commercy (Meuse). Cinq gaullistes chacun porteurs de 50 kg d’armes, de munitions et d’explosifs devaient être parachutés, un sixième radio apporterait un poste radio émetteur.
Charles Serano se rendit dans la Meuse, il entra en contact avec des membres et sympathisant de l’Armée secrète, recruta quelques hommes pour assurer la sécurité du parachutage. Il rencontra des prisonniers de guerre russe qui s’étaient évadés des kommandos de travail de la région minière de Briey (Meurthe-et-Moselle). La police allemande décida d’effectuer des battues avec le concours de l’armée dès que les prisonniers évadés auraient été repérés.
Charles Serano a été arrêté le 2 avril 1944 par la Feldgendarmerie de Saint-Mihiel dans l’arrondissement de Commercy dans la Meuse pour « menées communo-terroriste ». Un échange de coups de feu eut lieu au moment de son interpellation, Charles Serano a été blessé grièvement à la cuisse droite.
Il portait une somme de 50 000 à 55 000 francs, lors de son interrogatoire il déclara que cette somme provenait d’un cambriolage effectué chez Yvonne et P… 5, square Trudaine à Paris (IXe arr.)
Charles Serano a été incarcéré à la prison allemande de Bar-le-Duc, deux inspecteurs des Brigades spéciales de Paris se rendirent à la prison. Il fut interrogé le 8 avril 1944 par deux inspecteurs de la BS2, un inspecteur de la Sureté de Nancy interrogea Charles Serano sur son action dans la Meuse. Le 30 mai 1944, il fut condamné à mort par le tribunal militaire allemand FK 627 de Bar-le-Duc. Charles Serano a été fusillé le jour même à Bar-le-Duc par les autorités allemandes.
Un article publié dans L’Écho de Nancy le lendemain de son exécution indiquait qu’il était Juif et qu’il avait participé en région parisienne à plusieurs reprises à des attentats sur des soldats allemands.
Après la guerre le corps de Charles Serano a été ré-inhumé dans le carré des corps restitués dans le carré 17 du cimetière intercommunal de Thiais (Seine, Val-de-Marne).
Charles Serano a été homologué Interné Résistant et membre de la Résistance intérieure française (RIF).
Son frère Félix a été interné le 15 janvier 1944 au camp de Drancy sous le matricule 11646, déporté par le transport n° 67 le 8 février 1944 à Auschwitz en Pologne, il y a été assassiné le 8 février 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article166619, notice SERANO Charles dit André, dit Richard par Daniel Grason, Gérard Larue, version mise en ligne le 14 avril 2019, dernière modification le 12 juin 2020.

Par Daniel Grason, Gérard Larue

SOURCES : Arch. PPo. GB 124. – Bureau résistance GR 16 P 545223. – AVCC, Caen, Liste S 1744 (Notes Thomas Pouty). – Notes de Julien Lucchini. – Site internet GenWeb.– Site internet CDJC. – Site internet Legi France. – Nos remerciements à Adam H. petit neveu de Charles et Félix Serano pour les précisions qu’il nous a transmises concernant Félix Serano.

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