GRINBAUM Bernard

Par Annie Pennetier, Claude Pennetier

Né le 15 décembre 1921 à Paris (XXe arr.), fusillé le 30 avril 1942 comme otage à Biard (Vienne) ; sténo-dactylo ; militant communiste.

D’origine juive, russe et polonaise, Bernard Grinbaum travaillla à quinze ans et suivit des cours de sténodactylographie. Il adhéra aux Jeunesses communistes dans le Xe arrondissement de Paris et à un club de la Fédération sportive gymnique du travail FSGT dans le XIIe arrondissement. Il y organisa dès l’été 1940, un groupe clandestin. Domicilié chez ses parents 74 rue du Faubourg Saint-Denis, Paris Xe, célibataire, il travaillait comme sténo-dactylo.
Bernard Grinbaum fut arrêté le 1er décembre 1940 à Paris par la police française lors d’une distribution de tracts et donc accusé d’être un propagandiste d’une organisation communiste clandestine.Condamné à trois mois de prison, emprisonné à Fresnes (Seine, Val-de-Marne) à l’expiration de sa peine, le préfet de police de Paris prononça son internement administratif.Il fut interné au camp d’Aincourt ( Seine-et-Oise, Val-d’Oise) du 1er février 1941 au 1er février 1942, puis transféré dans le centre de séjour surveillé de Rouillé (Vienne) jusqu’en avril 1942.
Un train de permissionnaires allemands reliait régulièrement Maastrich (Allemagne) à Cherbourg (Manche) en passant par Caen (Calvados). Le 16 avril 1942 vers trois heures du matin, des résistants communistes le firent dérailler à hauteur d’Airan près de Moult-Argences (Calvados). Vingt-huit marins furent tués, dix-neuf autres blessés. Un nouvel attentat eut lieu au même endroit dans la nuit du 30 avril au 1er mai, dix soldats périrent, il y eut vingt-deux blessés.
Dès le 21 avril 1942, le commandant en chef des forces d’occupation en France et chef de l’administration militaire Karl Heinrich von Stülpnagel dressa une première liste de trente otages juifs et communistes à fusiller en représailles à l’attentat contre le « SF-Zug 906 » (le train 906).
Bernard Grinbaum fut désigné otage avec cinq autres camarades dont Fernand Bréant, Pierre Déjardin, René François, Isidore Pentier, Maurice Veldzland. Le peloton d’exécution les fusilla sur le champ de tir de Biard le 30 avril 1942.
Son nom est inscrit sur le monument érigé à la mémoire des 128 fusillés sur le champ de tir de Biard, inauguré le 8 mai 1949.
Une plaque commémorative a été apposée sur le mur de son immeuble parisien.

Ses parents Henoch, né le 5 août 1890 à Kenchitz (né à Łęczyca, Pologne, une localité à 40 km au nord de Łódź, Poland et appelée par les Allemands Lentschütz, déformé en Kenchitz dans les listes de déportations), et Buma dite Blanche née Ferdman le 20 mars 1900 à Poscourof (à Proskurów déformé en Poscourof dans les listes de déportations, aujourd’hui appelée Khmelnytskyi, une grande ville d’Ukraine) avaient fuit les pogroms de l’Empire tsariste. Ils furent arrêtés en passant la ligne de démarcation en juillet 1942 puis déportés à Auschwitz par le convoi du 13 février 1943.
Son frère Gaston, résistant, fut emprisonné à la prison de Saint-Paul à Lyon et libéré par l’insurrection en août 1944.

Camp de Rouillé (Vienne)
 
Poitiers, le 30 avril 1942
Mes chers Maman, Papa Gaston, Denise
Nous le savons depuis ce matin, mais c’est confirmé, nous seront fusillés dans deux heures, par représailles contre deux attentats.
Je suis à côté de mon cher vieux Maurice, ainsi que quatre autres copains, calmes, sereins. Oui, nous sommes tranquilles, et notre plus grand vœu, que nous nous sommes bien souvent répété, Maurice et moi, c’est que notre mort ne vous cause pas trop de chagrin, surtout à toi, ma chère Maman.
Nous ne serons plus sur terre. Bah ! peu importe, nous ne sommes même pas angoissés, mais vous, vivez, vivez pour l’avenir merveilleux.
Je veux vous remercier en particulier, mes chers Maman et Papa, pour tous les soins, la sollicitude dont vous m’avez entouré depuis ma naissance, et qui n’auront pas été inutiles, puisque j’ai vécu vingt heureuses années, exemptes de tout souci matériel. Merci aussi pour tout ce que vous avez fait pour moi depuis mon emprisonnement, des témoignages incessants de votre affection.
Le long de notre voyage en camion, j’ai pu voir la route, la belle route de France si ensoleillée, fraîche, que nous avons parcourue joyeusement dans nos équipées de camping auxquelles je suis tellement heureux d’avoir participé.
Oui, mes courtes années de jeunesse ont été heureuses, et je les quitte avec la pensée que Gaston et Denise profiteront pleinement des joies que la vie offre. Que Gaston et Denise qui sont jeunes, regardent vers l’avenir, que bientôt ils ne pensent plus à leur frère disparu, mais n’aient qu’une seule pensée, vivre.
À mes chers frère et sœur, aussi je vous demande d’être courageux et d’entourer notre maman, qui a été frappée si terriblement, de votre sollicitude constante, afin d’alléger le poids de son chagrin. Papa sera fort, et il supportera sans défaillance sa douleur.
Je regarde l’avenir, si plein de promesses pour la jeunesse car je pense [passage censuré]. .
Enfin, pour terminer, je suis fort, courageux devant cette. dernière épreuve. Et je vous demande de l’être aussi, mes chers parents, c’est une blessure qui se guérira, pour vous.
Soyez courageux.
J’ai devant moi toutes vos photos et c’est avec plaisir que je
contemple vos visages chéris que je ne reverrai plus jamais.
Ma vie a été droite, honnête, et je suis fier de mourir ainsi.
Ma chère maman chérie, mon cher papa chéri, mon cher
vieux frangin, ma chère petite sœur, de tout mon cœur.
ADIEU, SOYEZ COURAGEUX.
Bernard.
P.-S : Merci à l’oncle Simon et à la tante Louise pour tout ce qu’ils ont fait pour moi. Je vous rends sous ce pli les photos, la montre, le portefeuille, la bague. J’espère que les autres affaires vous parviendront de Rouillé.
 
Cher vieux frangin, chère petite sœur, papa chéri,
Ce mot pour recommander une dernière fois de vous instruire en général, et aussi de devenir maîtres dans votre métier.
Cultivez aussi votre corps. Pratiquez le sport, basket, athlétisme, et aussi la culture physique. La vie s’ouvre devant vous et il faut que vous sachiez en profiter, tant au point de vue intellectuel que corporel.
Ne pleurez pas. Je meurs, un dans les quelques millions qui le sont ou le seront dans ces événements. Je ne tremble pas, ce n’est qu’une dernière épreuve, le dernier voyage et après c’est le néant, la fin... Je n’aurai pas souffert avant et pas davantage après, bien entendu.
Adieu à tous mes amis, que je quitte avec quelques regrets. Nous avions encore quelques moments joyeux à passer ensemble.
Je pense à vous, chers frangin et sœur, et encore une fois,soutenez sans défaillance notre pauvre Maman.
Je pense à toi, Papa chéri, qui as tant travaillé pour moi et que j’aurais voulu revoir encore.
Bernard

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article166745, notice GRINBAUM Bernard par Annie Pennetier, Claude Pennetier, version mise en ligne le 18 octobre 2014, dernière modification le 21 janvier 2022.

Par Annie Pennetier, Claude Pennetier

SOURCES : DAVCC, Caen, B VIII dossier 3. – Guy Krivopissko, La vie à en mourir, op. cit.. — Site internet CDJC . — MémorialGenweb. — Recherche iconographique par Jean-Pierre Ravery.

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