SUTTER Marcel

Par Frédéric Stroh

Né le 3 janvier 1919 à Mulhouse (Haut-Rhin), guillotiné après condamnation à mort le 5 novembre 1943 à Halle-an-der-Saale (Allemagne) ; "malgré-nous", Témoin de Jéhovah, insoumis à l’incorporation de force dans l’armée allemande.

Marcel Sutter était né d’un père employé des chemins de fer, qui avait été blessé sous l’uniforme allemand durant la Première Guerre mondiale. Il suivit une formation d’électricien et de technicien radio, et devint un fervent adepte des Témoins de Jéhovah, comme le reste de sa famille. À la suite de l’annexion de fait de l’Alsace au IIIe Reich en 1940 et des décrets d’incorporation d’août 1942, il fut convoqué en février 1943 par les autorités allemandes dans un centre de recrutement en vue de son incorporation dans la Wehrmacht. Mais il ne s’y rendit pas et expliqua aux policiers qui l’interrogeaient que « pour des raisons de croyance religieuse, il ne peut pas faire son service militaire ». Il fut arrêté par la Gestapo et incorporé de force le 29 mars 1943 au sein du 342e bataillon de grenadiers à Neuhaus (Bohême, Autriche). Après quelques semaines d’hospitalisation pour une scarlatine (peut-être feinte), il réitéra son refus auprès de ses supérieurs en arguant des mêmes motifs.
Il fut arrêté et conduit à la prison militaire Fort Zinna de Torgau (Allemagne). Le 8 octobre 1943, il maintint son refus devant le 3e sénat du Reichskriegsgericht dirigé par le docteur Schmauser. Il y fut reconnu coupable de « défaitisme » et fut condamné à la peine de mort, à la perte de la dignité militaire et des droits civiques. Le tribunal justifia sa sentence par l’obligation qui était faite à l’accusé de servir dans l’armée allemande et par l’absence de reconnaissance des cas de conscience religieuse dans le droit militaire allemand. Le cas de Marcel Sutter fut reconnu comme particulièrement grave par le tribunal en raison de son « obstination » et de sa « force de propagande ». Le jugement fut confirmé le 26 octobre par le lieutenant-général von Hase. Cette sentence est à replacer dans un contexte d’intense répression des Bibelforscher (Témoins de Jéhovah), puisqu’entre le 26 août 1939 et le 30 septembre 1940 le Reichskriegsgericht avait fait exécuter cent douze d’entre eux pour refus du service militaire.
Marcel Sutter fut guillotiné, le 5 novembre 1943 à 17 h 08, à la prison Roter Ochse de Halle par le bourreau Herr. Peu avant, il avait écrit à sa famille : « Ne pleurez pas, car j’ai vaincu. J’ai achevé la course et conservée ma foi. Que Jéhovah me soutienne jusqu’à la fin ! »
Son corps a été incinéré et l’urne déposée dans la tombe no 1293 de la section 4 du Gertraudenfriedhof de Halle. Elle a été déterrée le 6 novembre 1946 pour être envoyée en France, où elle a été enterrée le 27 avril 1953 à la nécropole nationale de Montauville (Meurthe-et-Moselle).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article166969, notice SUTTER Marcel par Frédéric Stroh, version mise en ligne le 28 octobre 2014, dernière modification le 24 novembre 2018.

Par Frédéric Stroh

SOURCES : Jugement de Marcel Sutter par le Reichskriegsgericht (Arch. militaires de Prague, copie au Mémorial « Roter Ochse » de Halle). – S. Arnold Liebster, Facing the Lion, Memoirs of a Young Girl in Nazi Europe, 2000, p. 407. – A. Gerhards, Morts pour avoir dit non, La Nuée bleue, Strasbourg, 2007, p. 83-85. – F. Stroh, Les Malgré-Nous de Torgau, 2006, p. 82.

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