NICOLI Jean, André, Napoléon

Par Hélène Chaubin

Né le 1er septembre 1899 à San-Gavinu-Di-Carbini (Corse), exécuté à Bastia (Corse) le 30 août 1943 ; instituteur ; militant de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) à partir de 1937 ; résistant membre du Front national et membre du Parti communiste clandestin en Corse en 1942-1943.

Jean Nicoli et sa fille Francette en 1937
Jean Nicoli et sa fille Francette en 1937
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Né dans une famille de petits commerçants – des épiciers –, fils de Don Jacqueq Nicoli et d’Angèle Marie Nicoli, il eut trois frères et une sœur. Il fut élève au Cours complémentaire de Levie puis à l’École normale d’instituteurs à Ajaccio. Il y demeura jusqu’en 1920 et, dans cet intervalle de temps, accomplit son service militaire à Avignon dans le Génie. Son premier poste fut à Sorio dans le Nebbio, le suivant à Sainte-Lucie de Porto-Vecchio où naquit son fils Don Jacques. En 1922, il épousa une institutrice, Marie-Jeanne Olivieri. C’est en 1924 qu’il obtint enfin un poste dans son village d’origine à San Gavinu.
Cependant, le couple qui avait sollicité un poste double en AOF, fut nommé d’abord à Kayes dans le Haut-Sénégal (aujourd’hui le Mali) puis à Bamako où naquit un deuxième enfant, Francette, en avril 1925. Les deux enfants furent ramenés en Corse en 1927 mais le séjour des parents en Afrique se prolongea jusqu’en 1934 alors que Jean Nicoli fut nommé directeur d’école à Mopti. Il ne prit fin qu’en raison des problèmes de santé de Marie-Jeanne Nicoli. En Afrique, Jean Nicoli tint un journal riche en remarques critiques sur les modalités de la colonisation, plus que sur son principe. En particulier, il s’intéressa vivement aux problèmes pédagogiques : comment adapter l’enseignement aux jeunes Africains ? Il publia ses observations et réflexions dans le Bulletin de l’enseignement de juillet-décembre 1929 sous le titre « Enquête sur l’enfant noir de l’AOF ».
En 1935 et 1936, c’est à Paris, où fut soignée Marie-Jeanne, que résidaient les Nicoli : Jean était en poste dans une école de la rue Lepic quand vint le temps du Front populaire. Il adhéra en 1936 à la SFIO. Il retourna en Corse après la mort de sa femme en 1937. Il fut nommé successivement à Olmeto puis à Propriano où il occupa la fonction de directeur d’école. Mais une grave opération de la gorge mit fin à sa carrière d’enseignant. Il s’engagea dans les problèmes d’aménagement de son village natal, et, surtout, réagit aux revendications de l’Italie fasciste sur la Corse en donnant des articles au Journal de la Corse.
Il fut mobilisé dans le Génie en 1939-1940 à Corte puis à Rodez. Démobilisé et rentré en Corse, il s’engagea tout de suite dans les premiers groupuscules résistants de San Gavinu et de Casalabriva. À la fin de 1942, il intégra le Front national et, en décembre, adhéra au Parti communiste clandestin. Il fut proche des dirigeants communistes, Nonce Benielli et Arthur Giovoni. Dans le Sartenais il fut, avec Jérôme Santarelli, un des responsables en 1943 de la réception des armes qui arrivaient soit par parachutages soit par la voie maritime grâce aux sous-marins – le Français Casabianca et aussi des sous-marins britanniques. Le transport des armes et leur dissimulation comptaient parmi ses tâches principales. En effet, depuis l’arrivée d’une mission giraudiste qui avait pu trouver des accords dès janvier 1943 avec le Front national, les résistants recevaient armes et munitions. Une autre mission organisée à Londres, commandée par Fred Scamaroni, n’avait pas réussi à nouer des liens avec le Front national et, en mars 1943, elle fut découverte par le contre-espionnage italien. Fred Scamaroni fut arrêté et choisit le suicide. En mai 1943, le Front national, lors d’une réunion à Porri, en Casinca, se dota de structures rigoureuses et d’une direction dont fit partie Jean Nicoli, désormais responsable de l’armement au niveau du comité départemental de l’organisation. Il échappa de peu à une arrestation le 17 juin, quand une réunion des responsables du Sud à Ajaccio, à la Brasserie nouvelle, fut interrompue par les hommes du contre-espionnage. Deux résistants furent tués. Dix jours plus tard, Jean Nicoli fut arrêté avec Jérôme Santarelli. Les Italiens l’identifièrent. Il avait été dénoncé.
Incarcéré à Ajaccio, il dut être transféré à Bastia pour y être jugé par le tribunal militaire italien. Les transferts se faisaient ordinairement par chemin de fer et les cheminots résistants avaient préparé son évasion près de Tavera. Mais les Italiens choisirent la route au dernier moment. Son procès eut lieu le 28 août et il fut condamné pour espionnage militaire à être « fusillé dans le dos ». Une disposition dont les motifs n’ont pas été éclaircis car ce traitement est celui des traîtres. Il y avait ce jour-là deux autres condamnations à mort. À Bastia, ses amis tentèrent encore de le sauver grâce à la complicité déjà nouée en juillet avec l’officier qui commandait les Chemises noires. Ce fut aussi un échec car le peloton d’exécution était changé. Pendant la nuit du 29 au 30 août qui précéda son exécution, Nicoli écrit plusieurs billets. Il y exprima avec passion son attachement à la Corse, au Parti communiste, et aussi à la France puisqu’il écrivit : « Nous mourrons en Corses français et le procureur du roi l’entendra de ses oreilles », et aussi « Vive le Parti communiste français ! » Sa fin fut tragique. Nicoli fit face au peloton d’exécution, et refusa d’être tué le dos tourné. « Vous n’avez pas le courage de me regarder dans les yeux, vous êtes des lâches », aurait-il déclaré. Les Chemises noires le frappèrent à coup de crosse et le poignardèrent jusqu’à le décapiter. Il fut enterré, la tête entre les pieds. Cela a été constaté quand son corps fut ramené en 1944 à San Gavinu di Carbini où une stèle rappelle sa mémoire. Son nom est également inscrit en Corse-du-sud sur le monument aux morts de Casalabriva, sur le Livre d’or de Sartène et sur la plaque apposée en 2013 lors du 70e anniversaire de la libération, à l’entrée de la caserne Battesti d’Ajaccio,où le Cours Prince impérial a été renommé Cours Jean Nicoli. En Haute-Corse, à Solaro, sur la Plage de la marine, une stèle a été érigée à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de la Corse en 1993 - sur cette plage, en avril et juin 1943, Dominique Poli, maire de Sari de Porto-Vecchio, avait organisé la réception des sous-marins alliés chargés d’armes et de munitions venus en mission pour le général Paulin Colonna d’Istria et livrés à l’équipe de Jean Nicoli. Son nom est également gravé à Bastia sur le monument aux morts et une plaque , à Corte et sur le continent sur le monument aux morts d’Hyères (Var).


Avant son exécution, il a écrit sur un paquet de cigarette ce mot à ses enfants :
« A mes enfants,
Tout à l’heure je partirai. Si vous saviez comme je suis calme, presque heureux de mourir pour la Corse et pour le parti. Ne pleurez-pas, souriez-moi. Soyez fier de votre papa. Il sait que vous pouvez l’être, la tête de Maure et la fleur rouge, c’est le seul deuil que je vous demande. Au seuil de la tombe, je vous dis que la seule idée qui, sur notre pauvre terre, me semble belle, c’est l’idée communiste.
Je meurs pour notre Corse et pour mon Parti ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article167116, notice NICOLI Jean, André, Napoléon par Hélène Chaubin, version mise en ligne le 20 janvier 2015, dernière modification le 30 août 2021.

Par Hélène Chaubin

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Jean Nicoli et sa fille Francette en 1937
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 Jean Nicoli
Jean Nicoli
Plaque Nicoli à Bastia

SOURCES : DAVCC, Caen. – Francis Arzalier, Jean Nicoli, un instituteur républicain, de la colonie à la Résistance, éditions Donniya, Bamako, 2000, 187 p. – Maurice Choury, Tous bandits d’honneur, éditions Alain Piazzola, Ajaccio, 2011, 291 p. – Hélène Chaubin, La Corse à l’épreuve de la guerre, Vendémiaire, Paris, 2012, 287 p. – Général Fernand Gambiez, Libération de la Corse, Hachette, 1973, 318 p. – Entretiens d’Hélène Chaubin avec Jérôme Santarelli. – La vie à en mourir, op. cit. – Antoine Laurent Serpentini, Dictionnaire historique de la Corse, Albiana.. — MémorialGenweb. — Francis Arzalier, Héroïsme politique et désir de pouvoir. Destins militants parallèles  : de la diaspora corse au Panthéon sacrificiel de la nation française, Colonna éditions, 2013. — Note de Jean-Pierre Ravery.

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