Par Alain Dalançon
Né le 25 février 1885 à Auxerre (Yonne), mort le 26 mars 1973 à Paris (XIe arr.) ; professeur agrégé des lettres puis inspecteur d’Académie ; militant syndicaliste, président du SNALCC (1939-1940), co-secrétaire général du SNES (1944-1945).
Fils d’Hippolyte Binon, maçon, et de Marie Henry, sans profession, Raoul Binon, bachelier (lettres, philosophie) en 1904, poursuivit des études supérieures à la Faculté des Lettres de Lyon où il obtint une licence de lettres en 1907. Après son diplôme d’études supérieures (Lyon 1908), il réussit à l’agrégation des lettres en 1910 (19e/22). Il exerça comme professeur de lettres quelques mois au lycée de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) en 1912, puis fut affecté successivement aux lycées de Chaumont (Haute-Saône) en 1912-1913, de Tours (Indre-et-Loire), de Besançon (Doubs) en 1913-1914, et enfin à celui de Tourcoing (Nord) en 1914.
Réformé temporaire à deux reprises, en 1910 et en 1911, Raoul Binon fut tout de même affecté d’office au service armé au 4e régiment d’infanterie à la fin octobre 1915, mais ne se rendit pas à la convocation et fut déclaré insoumis le 13 novembre suivant. Etant « demeuré par ordre en pays occupé », il fut rayé des contrôles de l’insoumission le 19 février 1917, et fut considéré par les Allemands comme prisonnier civil.
De 1919 à 1925, il enseigna au lycée Faidherbe de Lille (Nord), avant d’accéder au cadre parisien au lycée Voltaire à Paris. Il se maria le 14 septembre 1920 à Tourcoing avec Germaine Labbé, avec laquelle il eut deux fils.
Raoul Binon militait dans les années 1930 au Syndicat des professeurs de lycées de garçons et du personnel de l’enseignement féminin (S3) et était membre de la délégation de la section académique (S2) de Paris à la commission exécutive à partir de 1936. Il combattit le projet d’adhésion du syndicat à la Fédération générale de l’enseignement-CGT et participa à la création du Syndicat national autonome des lycées, collèges et cours secondaires en 1937, tandis que les « cégétistes » créaient le Syndicat du personnel de l’enseignement secondaire. Etant en outre membre de la direction de la Franco-ancienne, il sortit vainqueur de la compétition électorale au Conseil supérieur de l’Instruction Publique, qui l’opposa à Maurice Lacroix (candidat du SPES) par 169 voix contre 147, le 4 janvier 1938, et fut réélu le 1er juin 1938. Il présida le S2 de Paris du nouveau syndicat autonome, de 1937 à 1939, et, après la déclaration de guerre qui amputa une partie de la direction nationale, fut président du syndicat national jusqu’à sa dissolution à l’été 1940. Au cours de cette année, il invita un délégué du SPES dans toutes les démarches importantes auprès du ministère.
Sous l’Occupation, à partir d’octobre 1940, il resta en contact avec le ministère pour « réorganiser notre association professionnelle » selon les termes d’une lettre envoyée au Ministre le 7 avril 1941, lors d’une demande d’audience pour lui soumettre les projets de statuts. Il accompagna son nom de la mention « ancien président du Syndicat des professeurs de lycée, S3 » et résidait alors à Toulouse (Haute-Garonne). Le ministère lui répondit en lui demandant d’envoyer les projets sans se déplacer à Vichy.
Raoul Binon participa en 1943-1944 au Comité de résistance de l’enseignement secondaire comprenant les anciens responsables du SPES (René Maublanc, Maurice Janets, Maurice Lacroix, Jacques Pastor, Lucien Mérat) et des anciens responsables du SNALCC, Eugène Cossard et lui-même. Ainsi, selon lui, fut constitué un syndicat unique, sans que disparaissent les particularités du S3.
À la Libération, Raoul Binon présida le comité de Libération du lycée Voltaire constitué essentiellement par des membres du Front national universitaire auquel il n’avait pas adhéré, et assura, du 25 septembre à décembre 1944, les fonctions de proviseur, le titulaire J. Dubled étant révoqué. En novembre 1944, le Directeur de l’enseignement du Second degré, Gustave Monod, soutint sa candidature à la fonction d’inspecteur général, mais précisait qu’un ordre ministériel avait fait « écarter de la haute classe pour laquelle il était proposé par tous les inspecteurs généraux » ce « résistant de la première heure ».
Co-secrétaire général du nouveau Syndicat national de l’enseignement secondaire, affilié à la Fédération générale de l’enseignement-CGT à l’automne 1944, avec Maurice Janets, ancien secrétaire général du SPES, il fut désigné pour faire partie du conseil académique d’enquête de Paris et présida la section du second degré. Il siégea aussi au Comité consultatif provisoire du second degré en 1945. Il signa un article dans le premier numéro de L’Université syndicaliste (30 décembre 1944) pour appeler tous les personnels à dépasser les divisions d’avant-guerre. Justifiant son attitude pendant le conflit, il appelait à soutenir l’action du général de Gaulle « qui, le premier lança le mot d’ordre de la résistance et de l’espoir », indiquant que les membres du comité de la résistance universitaire, dans lesquels il se comptait, « étaient d’accord pour lutter contre Vichy, pour soutenir le général de Gaulle ».
Le 13 avril 1945, Raoul Binon devint inspecteur d’académie à Paris. Au début de 1948, Edmond Lablénie refusa de se faire inspecter par lui, au motif qu’il aurait porté la francisque au lycée Voltaire pendant la guerre. Le 15 avril 1948, il écrivait au Directeur de l’enseignement du second degré, lui rappelant qu’il avait obtenu une promotion en hors classe en 1945 avec effet rétroactif en janvier 1942 comme « réparation accordée à un fonctionnaire résistant victime de Vichy ». Or la presse, en mars 1948, l’accusait d’être « un inspecteur mal blanchi ». Il se demandait si le ministère allait lui retirer la « réparation » accordée en 1945 et ainsi « fortifier les insultes » le concernant. Il avait porté plainte et un jury d’honneur rendit ses conclusions, en octobre 1948, qui le lavèrent de tout soupçon.
Raoul Binon dut cesser son activité en novembre 1948, alors qu’il avait été maintenu en fonction par « nécessité de service » six mois au-delà de son admission à la retraite. Le 30 novembre, il protesta, appuyé par une lettre du secrétariat général (Denise La Fleur et Roger Allègre) de l’Association des anciens combattants de la Résistance de l’Éducation nationale. Le ministre Yvon Delbos répondit, le 10 décembre 1948, qu’il ne s’agissait pas d’« une sanction déguisée » mais de l’application de la réglementation sur les retraites.
Il ne doit pas être confondu avec son fils aîné, Jean, Raoul, haut-fonctionnaire au ministère de l’Éducation nationale dans les années 1960-1970, qui termina sa carrière comme inspecteur général et fut l’auteur dans les années 1980 de plusieurs rapports sur le collège.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. Nat., AJ/16/ 5873, F17/25242, 27599. — Arch. IRHSES (dont L’Université syndicaliste) — La Quinzaine Universitaire 1936-1939.— Etat civil en ligne et registre matricule, AD Yonne. .— Notes de Jacques Girault.