BIONDI Jean-Pierre

Par Gilles Morin

Né le 25 avril 1929 à Creil (Oise) ; journaliste et écrivain ; militant socialiste et anticolonialiste.

Jean-Pierre Biondi disait être « né dans une urne » : à l’âge de six ans, en février 1936, vêtu d’une chemise bleue et d’une cravate rouge, il défilait en tête des partisans du Front populaire fêtant la victoire de son père, élu député socialiste puis maire de Creil, à l’occasion des élections partielles consécutives au décès de Jules Uhry*. Son enfance fut baignée par les combats politiques et les discussions avec des amis de ses parents, comme Berthe Fouchère*. Son éveil politique personnel date de l’Occupation. Après l’école primaire de Creil, il fut envoyé à Paris et fréquenta le lycée Rollin (actuel Jacques Decour). Son père, enseignant et franc-maçon, fut révoqué par Vichy de tous ses mandats. Résistant actif de Libération-Nord et du PS clandestin, il fut déporté au camp de Mauthausen. J-P Biondi fut lui-même caché chez Mérigonde* dans l’Oise, chez Bastianaggi* à Paris puis au lycée de Saint-Germain en Laye sous le nom de Georges Batelier. Dans ces lycées, il eut comme enseignants Jean-Françis Rolland, le communiste Baby* et Lucie Aubrac*. Parmi les camarades qui le marquèrent, figure le jeune militant trotskiste Lucien Danon*. Après la Libération, J-P Biondi poursuivit ses études. Licencié es Lettres, il passa, en 1954, un DES d’Histoire avec Georges Bourgin* sur « La presse parisienne sous la Commune de Paris ».

De sensibilité trotskiste sans être affilié à une organisation, J-P Biondi fréquenta les milieux surréalistes et des hommes situés à la gauche de la SFIO, comme Roger Clair*, Léon Boutbien*, plus tard Marcel Rousseau*, et Jean Rous* dont il fut particulièrement proche. Hostile à la Troisième force, il participa activement à l’aventure du Rassemblement Démocratique Révolutionnaire en 1948 et, d’opinion anticolonialiste dès ce moment, était présent à la réunion du Congrès des peuples, animée par Jean Rous et Marceau Pivert*. Son père étant décédé en novembre 1950 dans un accident, les socialistes de l’Oise lui demandèrent de militer dans le département. Il s’inscrivit à la section de Creil, devint secrétaire adjoint de la fédération en 1952 et fut élu conseiller municipal en mars 1953, à vingt-quatre ans, l’un des plus jeunes de France. En 1954, il fut minoritaire sur la CED qu’il désapprouvait. Pour les élections législatives de janvier 1956, Mérigonde fut désigné tête de liste. J-P Biondi s’est alors opposé à ce dernier qui, contre Dassault, avait accepté l’apparentement avec Hersant.
J-P Biondi entra comme journaliste à Combat en 1950, en charge de la page Étudiant. Il passa ensuite à la Société Générale de Presse, au service politique dirigé par Jean Ferniot, et participa à la réalisation des fiches Documents et Informations Parlementaires et à l’Index quotidien de la presse. Il collabora à Collectivités-Express, à la Revue de l’Économie, à L’Union de Reims, à l’hebdomadaire socialiste Le Travail, occasionnellement au quotidien Le Monde et aux publications Ventillard. En septembre 1955, Albert Gazier* et Jacques Robin* l’appelèrent à l’hebdomadaire Demain, lancé par des socialistes pro-européens qui cherchaient à concurrencer l’Express et France-Observateur. L’aventure de ce journal administré par André Ferrat* et dirigé par Charles Ronsac* dura deux années, associant des journalistes issus de l’extrême gauche, tels Paul Parisot*, rédacteur en chef adjoint, et Jean Rous, des cadres socialistes, comme André Philip*, Robert Marjolin*, Gérard Jaquet*, Henri Gironella*, avec des membres du MRP comme Lecourt et de Menthon. Le financement était assuré par le socialiste belge Paul-Henri Spaak. Européen résolu, le journal adopta une ligne éditoriale anticoloniale sur la question algérienne, favorable aux Messalistes, ce qui le mit bien vite en porte-à-faux avec la SFIO et la politique du ministre résident, Robert Lacoste. J-P Biondi contribua à la rupture, en publiant dans Demain des articles sur le retour des rappelés et le débarquement franco-britannique sur le canal de Suez. Il fut avec Pierre Vidal-Naquet, Pierre Stibbe et Claude Gérard l’un des premiers à dénoncer la torture. Dans le même temps, Jean Rous l’associa à Franc-Tireur comme pigiste. En 1957, il débuta à la RTF, radio d’État, dans l’émission « Paris vous parle » de Pierre Desgraupes. En rapport avec Bourguiba, qui l’avait déjà invité en 1956, il collabora à Radio-Tunis avec Jean Daniel* et Jean Lacouture* et relata l’affaire du bombardement de Sakhiet-Sidi Youssef par l’armée française en février 1958, ce qui lui valut une demande de licenciement à l’Assemblée Nationale par le député d’Oran Roger De Saivre.
Exclu par la commission fédérale des conflits de la SFIO du 27 octobre 1957, pour avoir tenu un meeting unitaire contre la guerre d’Algérie avec le communiste André Mercier à Montataire, J. P. Biondi se tint éloigné des milieux socialistes, mais reprit contact avec les minoritaires de la SFIO après le 13 mai. À la scission de la SFIO, en septembre de la même année, il rejoignit ses camarades pour former une fédération du PSA dont il fut désigné secrétaire fédéral en janvier 1959. Il fut délégué au 2e congrès national du PSA en mars 1960 qui décida de la fusion et appartint au PSU à Creil, puis à partir de 1962 à la 14e section de Paris. En novembre 1962, il fut candidat de ce parti aux élections législatives à Cherbourg dans la Manche, affrontant le député sortant, René Schmitt, membre du bureau national de la SFIO.

J-P Biondi fut associé aux débuts de l’ORTF. Le pouvoir gaulliste voulant contrer la presse régionale dominée par l’opposition, créa des bureaux régionaux d’information. J-P Biondi fut envoyé, en 1963, diriger le bureau de Strasbourg, où il recruta Jean-Marie Cavada. La presse locale le présentant comme « gauchiste », il fut rappelé fin 1964. Il entra à la direction des stations régionales de l’ORTF. Animateur de la section interentreprises des journalistes du PSU, avec Georges Fillioud* et Victor Fay*, il était délégué en 1968 du syndicat SNJ-FO et membre de l’intersyndicale de l’ORTF. Après les grandes grèves, ne pouvant être licencié parce que représentant syndical, il fut muté durant un an et demi à la rédaction de nuit des émissions en charge des DOM-TOM, puis choisi comme responsable du secteur Information de la Recherche dirigé par Pierre Schaeffer.

S’étant rapproché de la tendance de Jean Poperen*, comprenant Collette Audry*, Georges Conchon, Alain Geismar, Guy Desson*, Roland Florian*, Yves Jouffa*, il quitta le PSU en 1966 et rejoignit l’UGCS. Il appartint au bureau national de cette petite organisation, mais, avec Desson, Florian, Jouffa et Gomez, rompit en 1969 lorsque l’UGCS rallia le Parti socialiste dirigé par Alain Savary*. En contact avec Pierre Joxe, J-P Biondi demeura inorganisé jusqu’en 1972, année à laquelle il entra au PS à la section du Plessis-Robinson. Mais il n’était alors qu’occasionnellement en France, étant parti en septembre 1971 au Sénégal. Il demeura huit ans conseiller pour l’audio-visuel auprès du président Léopold Sédar Senghor et du premier ministre de l’époque, Abou Diouf. Il fut également directeur de la rédaction de la revue Éthiopiques qui associait des écrivains européens et africains.

J. P. Biondi anima le groupe des socialistes français au Sénégal et participa à tous les congrès du PS de 1972 à 1979. Il écrivit un ouvrage, le Tiers-Socialisme, qui parut dans la collection « La Rose au Poing », chez Flammarion. Mais, il quitta le PS après le congrès de Metz en 1979, opposé à François Mitterrand, à son entourage et à leurs pratiques politiques.
De retour en France en 1979, il réintégra l’ORTF et fut affecté durant deux ans à Antenne 2. Sans emploi de 1981 à 1983, il fut ensuite de 1983 à sa retraite en 1989, directeur de cabinet du secrétaire général de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (agence internationale de la Francophonie). Depuis, éloigné de l’activité politique, il a entrepris une carrière d’écrivain, produisant des romans, des recueils de poèmes et des essais historiques.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16753, notice BIONDI Jean-Pierre par Gilles Morin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 12 janvier 2011.

Par Gilles Morin

ŒUVRE : Le Tiers socialisme, Paris, Flammarion, 1976. — Saint-Louis du Sénégal, mémoires d’un métissage, Paris, Denoël, 1987 (couronné de l’Académie Française). — 16 pluviôse an II, les colonies de la Révolution (en collaboration avec François Zuccarelli), Paris, Denoël, 1989. — Les anticolonialistes, (en collaboration avec Gilles Morin), Paris, Robert Laffont, 1992 et Hachette Pluriel, 1993. — Senghor ou la tentation de l’universel, Paris, Denoël, 1993. — La mêlée des pacifistes, Paris, Maisonneuve et Larose, 2000. — Clio et les grands-blancs. La décolonisation inachevée, Terra Incognita, Libertalia, 2010.

SOURCES : Bulletin Intérieur de la SFIO, n° 99. — Archives A. Seurat. — Gilles Morin, L’opposition socialiste à la guerre d’Algérie et le Parti socialiste autonome (1954-1960), thèse d’histoire, Université de Paris I, 1992. — Entretiens avec Jean Pierre Biondi.

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