BISAULT Marcel, Maurice, Georges

Par Thérèse Burel

Né le 16 octobre 1901 à Bourré (Loir-et-Cher) ; exécuté sommairement le 13 août 1944 à Bourré ; instituteur ; militant syndicaliste (syndicat d’instituteurs et syndicats ouvriers) ; militant antifasciste et communiste.

Fils de républicains à tendance socialiste, Marcel Bisault fit ses études à l’EPS de Saint-Aignan (Loir-et-Cher), avant d’être élève de l’École normale d’instituteurs de Blois de 1917 à 1920. Instituteur adjoint à Selles-sur-Cher, puis à Montoire, il fut nommé directeur d’école à La Ville-aux-Clers en 1927, puis à Saint-Georges-sur-Cher en 1938. Il se maria le 14 septembre 1926 à Vendôme (Loir-et-Cher) avec Marcelle, Céline Renard, institutrice. Selon les archives du Parti communiste français, il vivait avec Yvonne Touzeau, institutrice, fille de sympathisants communistes, qui adhéra à l’Union des femmes françaises après la guerre.

De 1926 à 1930 environ, il anima le Groupe des Jeunes de Loir-et-Cher ; toute une génération d’instituteurs y subit son influence : Paul Berthereau, Crespin*, Jallon*, Rousseau*, Mlle Moriet (Mme Marianne Delanoue). À l’assemblée générale du SN du 29 novembre 1928, il y eut une discussion orageuse sur l’appartenance du groupe des Jeunes : SN ou CGTU ; en 1929 Bisault demanda la reconnaissance du groupe des Jeunes au bureau de la section départementale du SN, qui l’accepta par 8 voix et 5 abstentions. En octobre 1929 Bisault était radié du SN par défaut de cotisation ; il avait, en effet, quitté le SN et devint, en 1930, secrétaire du syndicat des membres de l’enseignement laïc de Loir-et-Cher (CGTU). En novembre 1931, Bisault proposait à Ruche*, secrétaire du SN, la création d’un comité d’unité pour œuvrer à la reconstruction de l’unité syndicale dans une CGT unique ; Ruche accepta le 4 décembre 1931. La réunion des deux conseils syndicaux eut lieu le 14 janvier 1932 : à cette réunion commune, le président, Petit* proposa et fit adopter une motion affirmant : « Les conseils syndicaux des deux organisations expriment leur volonté d’union et de fusion pour la construction d’une nouvelle organisation. En attendant, les deux organisations travailleront à défendre nos intérêts communs », mais la motion finale soulignant « leur commune volonté d’unité en vue de la fusion des deux organisations fédérales de l’enseignement, prélude à la constitution d’un congrès de fusion des deux CGT existantes » était récusée par Bisault. Il assista, en tant que secrétaire loir-et-chérien du syndicat de l’enseignement CGTU au congrès de Marseille et de Limoges (1930 et 1931). Il participa à deux réunions du Cartel départemental des services publics. D’abord à Blois, le 27 novembre 1932, Bisault à qui la parole avait été accordée, voulut, sans succès, la passer à Boursicot, de la Fédération autonome que [Georges Vignals_>134546] et lui avaient fait venir de Paris. A la suite de la réunion, quatre-vingts membres de la CGTU environ entonnèrent l’Internationale et écoutèrent une harangue devant les grilles de la préfecture « contrairement au désir unanime des organisations confédérées participant à ce meeting. Puis, le 15 avril 1934, à une manifestation du Cartel des services publics à Blois, Bisault et la CGTU qui voulaient faire une contre manifestation afin de répondre à la manifestation fasciste organisée ce jour-là à Blois par Philippe Henriot et n’avaient pu s’en approcher, obtinrent l’entrée d’une délégation unitaire dans la salle où se tenait la réunion du Cartel. Bisault était appelé au bureau « dans une confusion extrême » et décidait qu’une manifestation de rue aurait lieu sans les dirigeants du Cartel. Cette manifestation de rue groupa 300 à 400 personnes, dont certains adhérents CGT : ils défilèrent en ville derrière des drapeaux rouges en chantant l’Internationale et furent arrêtés par une cinquantaine de gardes mobiles avant d’arriver à la préfecture. Bisault resta secrétaire du syndicat d’enseignants CGTU jusqu’à la fusion le 25 octobre 1934 à Blois des deux syndicats d’instituteurs CGT et CGTU. Il fut alors élu membre du nouveau conseil syndical par 372 voix sur 384 votants et 652 inscrits. Il fut élu en 1936 conseiller départemental par 199 voix sur 227 suffrages exprimés. Au congrès du SN de Nantes, en août 1938, alors que le secrétaire départemental du SN était Berthereau, c’est Bisault qui présenta la motion du Loir-et-Cher condamnant la « non intervention » et la politique à l’égard de la Tchécoslovaquie ; cette motion obtint 78 mandats : deux départements, l’Indre-et-Loire et les Deux-Sèvres, lui avaient donné la majorité ; un département, le Loir-et-Cher, l’unanimité. Enfin, à l’assemblée générale du SN du 9 mars 1939 pour l’élection du nouveau bureau syndical, Bisault fit encore figure de chef de file.

Parallèlement à son action syndicale chez les instituteurs, Bisault menait une action politique antifasciste et communiste. En 1933 il avait assisté à Paris au congrès européen antifasciste de la salle Pleyel, où il représentait le syndicat des instituteurs CGTU, ainsi qu’au congrès international d’unité du personnel enseignant ; le 10 février 1935, secrétaire général du comité départemental de lutte contre la guerre et le fascisme (Mouvement Amsterdam-Pleyel), il organisait à Blois une manifestation populaire où était créé le comité de coordination des forces antifascistes ; en 1938, il était toujours secrétaire général du Mouvement Amsterdam-Pleyel qu’à partir de l’automne 1938 Georges Larcade anima seul.

Son activité professionnelle en milieu rural aux côtés d’autres instituteurs partageant ses convictions, sa participation au mouvement antifasciste départemental, son expérience syndicale en milieu enseignant devaient l’amener à s’intéresser au sort du monde rural et à prendre des responsabilités directes dans le monde ouvrier. En effet il présida à la naissance des syndicats d’ouvriers agricoles de la Beauce et du Perche, des syndicats de bûcherons qui se formèrent en 1936-1937 ; mais c’est surtout des syndicats ouvriers de Vendôme dont il s’occupa directement de 1936 à 1938. Le 16 février 1936, en effet, Bisault était élu secrétaire de l’UL de Vendôme, à l’issue d’une réunion des délégués des syndicats de l’arrondissement ayant pour but la réorganisation de l’Union locale ; cette réunion était présidée par Bothereau, délégué national de la CGT ; les nouveaux statuts, présentés par Deniau* représentant de l’UD étaient adoptés. De juin 1936 à la fin novembre 1937, Le Progrès de Loir-et-Cher publia, chaque semaine, une rubrique syndicale de l’UL Vendôme, la plupart du temps tenue par Bisault. Le syndicalisme ouvrier était, jusque là, à peu près inexistant à Vendôme ; le 19 juin 1936, Bisault pouvait annoncer qu’étaient constitués les syndicats du bois, du papier, des métaux, des cuirs et peaux, des transports, du textile. Deux entreprises de Vendôme avaient été occupées par les ouvriers ; les Pelleteries vendômoise, durant la journée du 18 juin seulement, et l’entreprise Banderitter-Oury-Suard, fabricant d’emballages légers, utilisant de la main-d’œuvre féminine, pendant quelques jours. Les salaires étaient si bas qu’une collecte, faite à l’instigation de Bisault, auprès des travailleurs et des commerçants de cette ville pourtant peu ouvrière, donna d’appréciables résultats. Les grèves sur le tas se succédaient : début août, des syndicats s’étaient constitués ou avaient recruté à Vendôme, Fréteval, Mondoubleau, Le Plessis-Dorin ; de nouvelles corporations étaient représentées à l’UL (verrerie, bâtiment) qui comptait alors 1 300 membres. C’est Bisault qui dirigea du côté ouvrier les discussions entre patrons et ouvriers, durant l’été 1936, et qui signa les conventions collectives.

Sympathisant communiste, Bisault soutint Tessier en 1932 quand celui-ci se présenta aux élections législatives à Vendôme. II adhéra au Parti communiste en 1936 à la cellule de Thenay. Enseignant à Savigny-sur-Braye en octobre 1936, membre de la cellule, il créa un comité Amsterdam-Pleyel dans la commune. Candidat au conseil général dans le canton de Vendôme, le 10 octobre 1937, il obtint 456 suffrages sur 2 863 exprimés. En novembre 1936, il pouvait annoncer que les ouvriers de la fonderie Genevée à Fréteval, après huit jours de grève, avaient obtenu une augmentation de salaire, mais il faisait observer que tous les salaires du Vendômois étaient inférieurs à ceux de Blois, Tours, Orléans, Chartres. En février 1937 Bisault était membre de la commission exécutive de l’UD avec le titre de secrétaire adjoint, les secrétaires d’UL étant membres de droit de la CE de l’UD. Le 1er mai 1937, le chômage était complet à Vendôme. Courant 1937, l’UL semble avoir eu un conseil juridique et Bisault, dans sa chronique syndicale, renseignait les ouvriers sur leurs droits (salaires, congés payés), et leurs devoirs (ne pas faire de travail au noir...) ; en septembre 1937 l’UL obtenait une subvention du conseil municipal qui lui permettait de louer un local : c’était la première Bourse du Travail à Vendôme et une permanence y était bientôt installée (novembre 1937). À la même date, les syndicats saluaient comme une victoire la nomination d’un inspecteur du travail pour le département de Loir-et-Cher ; Vendôme dépendait auparavant de l’inspection du travail d’Indre-et-Loire, qui ne pouvait surveiller l’application par les patrons de Vendôme des diverses lois sociales. En décembre 1937, Bisault tentait d’implanter le syndicalisme à Montoire. Il tint aussi quelques réunions communistes à Vendôme et apporta, en 1936, la contradiction au candidat de droite aux élections législatives. Bisault était membre du comité de la région communiste Loiret/Loir-et-Cher en mars1938.

En septembre 1939, la CGT ayant décidé d’exclure tous ceux qui ne récusaient pas le Pacte germano-soviétique, Bisault en fut exclu comme tous les communistes. Mobilisé du 10 décembre 1939 au 19 juillet 1940, avant et après l’armistice, il fit l’objet d’enquêtes et de perquisitions. Militant dans le Front national dans le nord du Loir-et-Cher, il participa à la reconstitution illégale du syndicat et fit partie du triangle de direction du syndicat. Actif pour regrouper les communistes dans la clandestinité, plus spécialement à la lutte armée : organisation des FTP de la vallée du Cher (sabotages de la voie ferrée Tours-Vierzon...). Dans les FTPF, son pseudonyme était Firmin. Le 13 août 1944, comme il se rendait à bicyclette de Saint-Georges-sur-Cher à Saint-Aignan, avec André Delaunay, il tomba sur un barrage établi sur la route, à Faverolles (Loir-et-Cher) par l’armée allemande en retraite : trouvé porteur d’un pistolet automatique américain, il fut fusillé. Par décision de justice, la date du décès fut transcrite à la mairie de Saint-Aignan (Loir-et-Cher) le 16 décembre 1947. Mais sa dépouille ne fut retrouvée qu’en 1950 dans les caves de Valagon à Bourré. Sur le registre de naissance la mention « Mort pour la France » fut indiquée.

Bisault put mener à bien tant de responsabilités parce qu’il était unanimement respecté en raison de la dignité et de la simplicité de sa vie ; très bon orateur, il attirait la sympathie et, dès ses débuts, il avait su en outre constituer autour de lui des équipes et former des disciples.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16772, notice BISAULT Marcel, Maurice, Georges par Thérèse Burel, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 7 janvier 2020.

Par Thérèse Burel

SOURCES : Arch. Dép. Loir-et-Cher, série M, élections et fonds de la Bourse du Travail de Blois. — RGASPI, 517,1, 1893. —Archives du Comité national du PCF. — Livre d’or de l’enseignement public de Loir-et-Cher, 1939-1945 (notices de M. Rousseau). — Bulletin des syndicats d’instituteurs CGT et CGTU. — Le Progrès de Loir-et-Cher. — Renseignements fournis par Mme Bisault, M. Crespin, M. Vrillon, M. Dubois. — Notes de Jacques Girault.

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