SCHMERBER Claude, Charles [prénom germanisé en Karl par les nazis]

Par Frédéric Stroh

Né le 14 juin 1914 à Mulhouse (Haute-Alsace annexée, Haut-Rhin), guillotiné le 19 juin 1944 à Halle (Allemagne) ; instituteur.

Fils de Jules Schmerber, employé de bureau mort le 25 mai 1918 sous l’uniforme allemand, et de Joséphine Kress, Claude Schmerber, né allemand, acquit la nationalité française à la suite du traité de Versailles de 1919. Il entama des études religieuses à Paris et Belfort (Territoire de Belfort) dans l’intention de devenir missionnaire catholique, mais il y mit fin en 1938 et obtint un poste d’instituteur adjoint dans une école privée. Il effectua son service militaire dans l’armée française en 1934-1935 et fut mobilisé en septembre 1939 dans un régiment d’infanterie de Belfort en charge de la défense de la ligne Maginot. Il fut prisonnier de guerre des Allemands jusqu’à la signature de l’armistice du 22 juin 1940. Il retourna alors chez lui, dans une Alsace annexée de fait au IIIe Reich. Après une période de chômage, il trouva un poste d’instituteur à Karlsruhe (Allemagne), pour lequel il dut se reconnaître allemand et jurer fidélité au Führer. Reconnaissant qu’il n’était pas apte à devenir un instituteur nazi, il tenta de s’engager dans la Légion des volontaires français contre le bolchevisme mais en vain. Renvoyé, il aurait été par la suite vendeur.
À la suite des décrets d’incorporation en Alsace d’août 1942, il a été contraint d’intégrer l’armée allemande. Mais n’ayant pas répondu à sa convocation en date du 25 février 1943, il fut détenu au « camp de sûreté » de Schirmeck-Vorbrück (La Broque, Bas-Rhin). Il y passa son conseil de révision le 18 mars 1943, bien qu’il ait refusé de signer son livret militaire, et fut transféré au 342e Bataillon de grenadiers à Neuhaus (Bohême, Autriche), où il refusa à nouveau d’endosser l’uniforme allemand en arguant de sa citoyenneté française et en rappelant sa demande de servir dans la LVF. Il fut arrêté et envoyé à la prison militaire Fort Zinna de Torgau (Allemagne). Le 5 octobre 1943, il maintint sa position devant le 4e sénat du Reichskriegsgericht dirigé par le docteur Reuter. Le tribunal justifia son obligation au service militaire par ses origines généalogiques et par les décrets d’incorporation en Alsace d’août 1942. Il fut alors condamné à la peine de mort pour « défaitisme » et à la perte de la dignité militaire. Le jugement fut confirmé le 26 octobre 1943 par le lieutenant-général von Hase.
Le 19 juin 1944, à 17 h 12, Claude Schmerber fut guillotiné à la prison Roter Ochse de Halle par le bourreau Roselieb, après avoir rédigé une dernière lettre à l’attention de sa mère. Sur demande du professeur von Studnitz de l’Institut de zoologie de l’Université de Halle, qui menait des recherches sur la captation des couleurs, Claude Schmerber et dix-huit autres détenus se virent poser un bandeau sur les yeux quinze à trente minutes avant l’exécution, puis leurs yeux furent prélevés sous une lumière rouge pour que les rétines soient étudiées. Son corps a été incinéré le 21 juin au Gertraudenfriedhof de Halle. L’urne, déposée dans la tombe no 1385 de la section 4, a été déterrée le 6 novembre 1946, puis remise au cimetière de Mulhouse le 15 mai 1948. La Légion d’honneur et la Croix de guerre lui ont alors été décernées à titre posthume.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article167740, notice SCHMERBER Claude, Charles [prénom germanisé en Karl par les nazis] par Frédéric Stroh, version mise en ligne le 18 novembre 2014, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Frédéric Stroh

SOURCES : Jugement de Claude (Karl) Schmerber par le Reichskriegsgericht (Arch. militaires de Prague, copie au Mémorial « Roter Ochse » de Halle-an-der-Saale). – Auguste Gerhards, Morts pour avoir dit non, Éd. La Nuée bleue, 2007, p. 87-96. – Frédéric Stroh, Les Malgré Nous de Torgau, 2006, p. 76-77 et 231-235. – Auguste Gerhards, Tribunal de guerre du IIIe Reich, Paris, Éd. Le Cherche-Midi, 2014, p. 144, p. 444-446.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable