KREUTTER Charles

Par Frédéric Stroh

Né en 1926 à Waldighofen (Haut-Rhin), pendu le 18 août 1944 à Cerreta (Italie) ; incorporé de force dans la Waffen-SS.

Charles Kreutter fut contraint de servir comme Luftwaffenhelfer (auxiliaire de l’aviation) en 1943 puis, après avoir effectué le Reichsarbeitsdienst (Service du travail du Reich), d’intégrer la division SS Totenkopf en Pologne. Il passa ensuite en Hongrie, fut versé dans la 16e division blindée Reichsführer-SS, enfin il fut envoyé en Toscane (Italie). À la suite de l’échec de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Adolf Hitler, Charles Kreutter et Jean-Pierre Zimmermann, autre Alsacien incorporé d’office dans la SS, exprimèrent publiquement leur regret : « dommage qu’il n’ait pas crevé ! », « ce salaud a toutes les chances ! ». Ils furent alors dénoncés à leur Obersturmführer et ils furent condamnés à mort pour défaitisme (Zersetzung der Wehrkraft) le 15 août 1944 par un tribunal SS de campagne, Feldgericht-Feldpostnummer 36 800, présidé par le Dr. Sammer, SS-Hauptsturmführer (capitaine) et juge SS de réserve. Un recours en grâce ayant été repoussé, ils furent pendus publiquement le 18 août 1944 devant la compagnie, y compris leurs camarades incorporés de force. Ils furent enterrés au cimetière de Cerreta (Italie). Le corps de Kreutter fut transféré à Waldighofen en 1946.

Dans sa lettre d’adieu, Charles Kreutter écrivit (extrait) : « Mes très chers, Je vous écris pour la dernière, oui, pour la toute dernière fois, parents bien-aimés. Lorsque vous lirez cette lettre, mon cœur aura cessé de battre. Mon sang jeune et frais aura étanché la soif de la terre. Mon corps aura été enfoui n’importe où. Pour moi, les duretés de cette vie auront cessé. Mais pour vous mes bien-aimés, pour vous la douleur restera, je le sais [...]. Songez cependant que la vie est courte, qu’elle n’est qu’un instant, une époque, une souffrance, un calvaire. Le Seigneur nous réunira, quelle que soit la dureté des Hommes. Nos peines et nos souffrances prendront fin et nous serons dans la joie. Chers parents, j’avais espéré, comme vous, en d’heureuses retrouvailles dans ma patrie bien-aimée. Dieu en a décidé autrement. Il nous sera interdit de nous revoir, nous ne vivrons plus le bonheur de cette terre et la paix entre les Hommes [...]. Aujourd’hui, le 15 août 1944, jour de l’Assomption, j’ai été condamné à mort. Quelques jours encore, quelques heures peut-être, mon cœur battra pour l’amour de vous [...]. Je suis avec vous à cette heure, de toute mon âme. Je suis au village, dans notre église, je vois notre curé debout à la chaire et je l’entends dire à ses paroissiens : ``Mes chers frères, souvenons-nous de ceux qui nous ont été enlevés et qui souffrent loin de nous.’’ Je pleure en prenant congé de tout ce qui fut beau et à quoi il me faudra renoncer. Je vois chaque maison, je vois ceux qui m’étaient chers, que j’aime et que j’aimerai jusqu’au dernier souffle [...]. »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article167851, notice KREUTTER Charles par Frédéric Stroh, version mise en ligne le 21 novembre 2014, dernière modification le 12 mars 2020.

Par Frédéric Stroh

SOURCES : N. Mengus, A. Hugel, Entre deux fronts, les incorporés de force alsaciens dans la Waffen-SS, t. 1, 2007, p. 188-190. – Plaquette Récits vécus et écrits par des camarades de l’Amicale des anciens d’Italie. – Classe 1926 du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, 1989.

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