BLACHON Julien, Louis

Par Roger Pierre

Né le 20 janvier 1887 à Saint-Uze (Drôme), mort le 13 janvier 1960 à Bollène (Vaucluse) ; horticulteur-pépiniériste à Saint-Uze, puis à Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme) ; militant socialiste, puis communiste ; maire de Saint-Uze.

Julien Blachon appartenait à une famille d’agriculteurs de Saint-Uze bourg, mi-ouvrier, mi-paysan, où s’étaient propagées depuis le milieu du XIXe siècle des traditions de lutte et des idées avancées.

Il adhéra en 1912 à un petit groupe SFIO reconstitué, avec onze membres, sous le nom d’« Union socialiste paysanne et ouvrière », et il était avant la guerre secrétaire de la mutuelle-incendie agricole. Envoyé au front dès la mobilisation, il fut bouleversé par le ralliement des dirigeants socialistes à l’union sacrée, et dès août 1914, il écrivait au député et secrétaire fédéral Jules Nadi : « Que d’années ont passé en cette semaine ! »

À son retour, il reconstitua à Saint-Uze le groupe socialiste et créa en octobre 1919 une section de l’ARAC ; il fut un des signataires de la « motion de Valence » en faveur de l’adhésion à la IIIe Internationale, et il resta au Parti communiste après la scission.

Il avait été élu, en novembre 1919, au conseil municipal sur une liste d’union des gauches qui lui confia le poste d’adjoint ; en décembre 1923, ayant mis en minorité le maire radical qui démissionna, Julien Blachon prit la direction de la municipalité. Il constitua en 1925 une liste du Bloc ouvrier et paysan ; elle fut entièrement élue et réélue en 1929. Saint-Uze fut, jusqu’en 1939, dans la Drôme, la seule commune importante gérée sans interruption par les communistes. Bien secondé, Julien Blachon se révéla comme un excellent administrateur et réalisa des améliorations qui valurent à sa commune, en 1934, le premier prix au concours du « Village moderne ». Mais à cette date, il n’était plus maire ; dans une élection complémentaire, quatre candidats SFIO avaient, avec l’appoint des voix de droite, battu les candidats de sa liste ; affecté par les attaques dont il avait été l’objet, parce qu’il considérait comme une trahison et un échec personnel, il se démit de son mandat de maire et fut remplacé le 18 mars 1933 par son camarade Francis Tarel*.

Peu après, il alla s’établir au sud de la Drôme, à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Il avait été en 1932 le seul délégué du département au congrès d’Amsterdam dont il se fit un avocat ardent et convaincu. Mais, dans la montée du Front Populaire, ce paysan aisé, cultivé et distingué, assurant de nombreuses réunions dans les campagnes du Tricastin et des Baronnies y apparut bientôt comme le propagandiste le plus populaire du Parti communiste, dont il fut aux élections de 1936 le porte-drapeau dans la circonscription de Montélimar-Nyons. Malgré deux candidatures de diversion dont celle du « communiste dissident » Paul Rivière*, malgré la personnalité du député socialiste sortant René Brunet* auquel le parti radical n’opposait pas de concurrent, Julien Blachon recueillit au premier tour un peu plus du tiers des suffrages exprimés, 5 485 voix (en 1932, le communiste Thibon n’en avait obtenu que 1 009). Sans doute, cette progression exceptionnelle traduisait le mécontentement profond d’une région essentiellement rurale et déshéritée, la méfiance à l’égard des combinaisons politiques du député sortant ; elle était aussi le résultat d’un long et persévérant travail des militants paysans communistes (voir Albin Vilhet*, Élie Boucard*, Maurice Lagarde*) mais la revue de l’Internationale communiste, au lendemain des élections, signalait aussi « l’activité admirable et le grand sens d’organisation dont a fait preuve le camarade Blachon pour faire triompher les idées de notre Parti au cours de la campagne électorale... » (citation de La Voix populaire, 15 août 1936).

Responsable du rayon communiste créé à Saint-Paul le 31 janvier 1937, membre du comité régional, délégué de la Drôme au congrès national d’Arles, Julien Blachon fut nommé président d’honneur de la Fédération départementale de l’UJAF (Union des Jeunesses agricoles de France). Candidat du PC au conseil général dans le canton de Grignan (Drôme) en 1937, il n’y retrouva cependant que 466 voix (586 en 1936) et ne put empêcher la réélection de la personnalité sortante, Paul Loubet, conseiller référendaire honoraire à la Cour des comptes, fils de l’ancien président de la République.

En raison de la surveillance dont il se savait l’objet, Blachon ne voulut prendre de 1939 à 1944 aucune part à la réorganisation du Parti et aux activités de la Résistance, s’efforçant même d’éviter tout contact avec ses anciens camarades. Il fut cependant admis, à la Libération, à reprendre sa carte au Parti communiste, mais sous réserve qu’il n’y occuperait plus aucun poste responsable. Cette réintégration fut à la source de difficultés dans la cellule de Saint-Paul-Trois-Châteaux, dont les anciens membres, et en particulier Maurice Lagarde* ne pardonnèrent jamais à Blachon son attitude pendant la guerre.

Il quitta en 1952 Saint-Paul pour Bollène (Vaucluse) où la municipalité communiste dont le maire était Robert Ellen* l’employa au syndicat d’initiative et au foyer des vieux. Adhérant à la cellule, mais sans y manifester ni assiduité, ni activité notable, et se cantonnant dans la critique, il épousa la cause de Robert Ellen lorsque des divergences opposèrent celui-ci au Parti et quitta la cellule après l’exclusion du maire de Bollène.

Lors des élections législatives de 1959, Blachon envoya des lettres à divers membres du Parti, pour les appeler à soutenir Ellen, qui cette fois se présentait contre le candidat communiste.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16804, notice BLACHON Julien, Louis par Roger Pierre, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 29 novembre 2010.

Par Roger Pierre

SOURCES : RGASPI, 495 270 4408. — Arch. Dép. Drôme, M 90, 3 M, 35 M 318, 13 M 309. — La Drôme socialiste, 1914. — Le Travailleur alpin. — La Voix populaire (avec portrait, 15 août 1936). — Renseignements fournis par M. Michel et C. Monier.

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