CHAMBONNET Albert, Marius

Par Jean-Sébastien Chorin, Claude Pennetier

Né le 4 octobre 1903 à Bessèges (Gard), fusillé sommairement par les Allemands le 27 juillet 1944 à Lyon (Rhône) ; officier de l’armée de l’Air ; chef régional des FFI de la région R1 ; Compagnon de la Libération.

Fils de Louis Chambonnet, mineur de fond et militant syndicaliste, et de Joséphine Lacroix, Albert Chambonnet se maria le 18 septembre 1926 à Saint-Sébastien-d’Aigrefeuille (Gard) avec Yvonne Forest. Il eut cinq enfants avant 1936.
Albert Chambonnet s’engagea dans l’armée à dix-huit ans. Il fut promu sous-officier mécanicien en 1924, puis instructeur de l’École des mécaniciens d’aviation de Nîmes (Gard). De mars 1924 à janvier 1926, il fut affecté à la 6e escadrille et participa aux opérations dans le Djebel Druze. Libéré en 1926, il devint mécanicien dans un garage puis réintégra l’armée en septembre 1930. En octobre 1932, Albert Chambonnet réussit le concours d’entrée à l’École des élèves-officiers de l’aéronautique de Versailles, dans la division des mécaniciens. En 1933, il fut nommé sous-lieutenant mécanicien puis promu au grade de lieutenant en octobre 1935. Il fut affecté à la base aérienne de Tours (Indre-et-Loire). En 1937, il servit à la direction du matériel aérien militaire au ministère de l’Air. À cette époque, il se sentait proche de l’aile gauche de la SFIO.
Nommé capitaine en mars 1940, il fut affecté à l’état-major général en mai. Il travailla au service de ravitaillement de l’armée de l’Air. Lors de la débâcle de juin 1940, il suivit un état-major itinérant à Amboise (Indre-et-Loire), Bordeaux (Gironde) et Aulnat (Puy-de-Dôme).
Appartenant à une loge maçonnique, il fut muté à la section technique du dépôt de stockage de la base aérienne de Bron (Rhône) en mars 1942. Il rentra en contact avec Lucien Degoutte et Claudius Billon et devint membre du mouvement Coq Enchaîné. Il correspondit avec le journal clandestin Les Petites Ailes, s’occupa de passages vers l’Espagne, participa au sabotage des commissions d’armistice.
Il intégra le mouvement Combat. En juillet, sous le pseudonyme de Védrines, il fut nommé chef de l’état-major régional de l’Armée secrète (AS) en formation. Avant d’être mis en congé d’armistice en novembre 1942, il profita de sa position à Bron pour organiser les différents services, recruter des cadres, fédérer les groupes armés des différents mouvements de Résistance. Pour cela, il effectua des tournées d’inspection.
Après l’arrestation du chef régional Claudius Billon le 1er février 1943, son remplaçant Robert Ducasse lui donna les missions spécifiques d’organiser l’AS et de mettre en place les premiers maquis de l’Ain, du Jura et de Saône-et-Loire. En mars 1943, la police étant à sa recherche, Albert Chambonnet dû s’éloigner de Lyon. De retour en mai, il participa à la création des MUR et à la mise en place du NAP et de la SAP.
Albert Chambonnet remplaça Robert Ducasse après son arrestation le 19 octobre 1943. Il prit le pseudonyme de Didier. Il fusionna l’AS et les maquis au sein d’un commandement unique. Il réalisa l’unité avec l’ORA, donnant ainsi naissance à l’ASU. Suite aux accords avec les FTP, il devint le chef régional des FFI de la région R1 au début de l’année 1944.
Il organisa des Troupes spéciales insurrectionnelles (TSI) dans les usines auxquelles il fournit les moyens matériels de lutter.
Albert Chambonnet était incessamment recherché par la police française et la Gestapo. Son état-major clandestin dut souvent déménager à Lyon, Villeurbanne (Rhône) et Bron. Sa famille fut contrainte de quitter l’appartement du 259 rue Garibaldi à Lyon (IIIe arr.). Celui-ci fut occupé et pillé par la Gestapo.
Dans une note du 24 février 1944, il s’inquiéta des conséquences de la mise en place du maquis du Vercors.
À partir de la fin mai 1944, il se préoccupa de l’organisation de la libération de Lyon. Il resta donc à Lyon pour mener ce travail à bien malgré les risques qu’il encourait. Il savait sa tête mise à prix par la Gestapo pour la somme d’un million de francs. Le 1er juin, il prit le pseudonyme d’Arnold. Le 8 juin, il échappa de peu à une arrestation. Le 10 juin 1944, suite à une dénonciation, la police française arrêta Albert Chambonnet place des Terreaux (Lyon, Ier arr.). Il fut remis à la police allemande, torturé et interné à la prison Montluc (Lyon). Il fut jugé et condamné à mort mais, en juillet 1944, grâce à un ultimatum lancé par la Résistance, sa peine fut commuée en détention perpétuelle.
Dans la nuit du 26 au 27 juillet 1944, une bombe explosa dans l’établissement Le Moulin à Vent. Étant donné l’heure tardive, il n’y eut aucune victime. Ce café-restaurant, situé à l’angle de la place Bellecour et de la rue Gasparin (Lyon, IIe arr.), était réservé aux Allemands et aux collaborateurs. D’après certaines sources, il était notamment fréquenté par Klaus Barbie. Le 27 juillet, vers midi, Albert Chambonnet, Léon Pfeffer, René Bernard, Gilbert Dru et Pierre Chirat furent extraits de la prison Montluc et conduits devant le lieu de l’attentat, place Bellecour. Trois hommes de la Gestapo (Frantz, Barthelmus et Mishker, agents de la section IV commandée par Klaus Barbie) les fusillèrent à coups de mitraillettes devant un grand nombre de passants. Les cinq corps furent abandonnés sur le lieu de leur exécution, et laissés en exposition trois heures durant afin d’être vus par le plus grand nombre. Cette exécution (ordonnée vraisemblablement par Klaus Barbie ou par Werner Knab, selon un rapport de police) fut justifiée par un communiqué publié le lendemain dans la presse locale : « Châtiment rapide d’un attentat. Lyon, 27 juillet. – Une bombe explosait dans un restaurant de Lyon, place Bellecour, dans la nuit du 26 au 27 juillet 1944. Cet établissement était principalement fréquenté par une clientèle allemande. Une opération rapide permettait peu après l’arrestation de cinq personnes faisant partie du groupe terroriste responsable de l’attentat. Elles ont été exécutées sur les lieux de leur forfait, le lendemain même de l’explosion. » En réalité, Albert Chambonnet et ses compagnons d’infortune, arrêtés bien avant le 26 juillet, n’avaient aucune responsabilité dans l’attentat contre le café Le Moulin à Vent. D’après le rapport du médecin légiste, Albert Chambonnet reçut cinq blessures par balles : « trois à la partie postérieure du thorax et à l’épaule droite, une au bras droit, une à la jambe gauche ».
Les cendres d’Albert Chambonnet furent inhumées le 10 septembre 1957 au cimetière militaire du Val-d’enfer à Cerdon (Ain).
Il fut décoré de la Croix de guerre 39/45 avec palme de bronze, fait chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume et il reçut le titre de compagnon de la Libération par décret du 28 mai 1945.
Le 10 juin 1945, fut inaugurée la rue Colonel-Chambonnet située à l’angle nord-ouest de la place Bellecour. La promotion 1955 de l’École de l’Air de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône) et la base aérienne 278 d’Ambérieu-en-Bugey (Ain) portent son nom. Le Veilleur de Pierre, un monument situé place Bellecour, fut élevé en 1948 en hommage aux cinq fusillés du 27 juillet 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article168235, notice CHAMBONNET Albert, Marius par Jean-Sébastien Chorin, Claude Pennetier, version mise en ligne le 16 décembre 2014, dernière modification le 16 janvier 2022.

Par Jean-Sébastien Chorin, Claude Pennetier

SOURCES : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty). – Arch. Dép. Rhône, 3335W22, 3335W13 (dossiers d’Albert Chambonnet et de Gilbert Dru), 31J159. – Bruno Permezel, Résistants à Lyon, Villeurbanne et alentours : 2 824 engagements, 2003. – Patrick Veyret, Le colonel Albert Chambonnet, chef régional de l’Armée secrète à Lyon (1942-1944), 2000. – Pierre Mazel, Mémorial de l’oppression, Fasc. 1, Région Rhône-Alpes, 1945. – Vladimir Touplin, Dictionnaire des compagnons de la Libération, Bordeaux, Elytis, 2010. — Site Internet de l’Ordre de la Libération. – État civil.

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