Par Michel Thébault
Né le 11 novembre 1919 en Pologne, exécuté sommairement fin 1943 à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; réfugié politique autrichien ; militant trotskiste RKD.
Selon les quelques éléments biographiques fournis par les Cahiers Léon Trotski en 1980 (op. cit.), Ignaz Duhl, de nationalité autrichienne, réfugié en Belgique à la fin des années 1930, exerçant la profession de menuisier, adhéra à Anvers au début de l’année 1940 au RKD (Revolutionären Kommunisten Deutschlands). Le groupe faisait à l’origine partie du mouvement trotskiste autrichien et avait été reconnu en 1938 comme section autrichienne de la IV° Internationale (RKO). Préconisant le défaitisme révolutionnaire dans tous les pays, il s’éloigna à partir de 1941 des courants trotskistes majoritaires.
Après l’effondrement militaire de la Belgique et de la France en mai- juin 1940, le RKD (quelques dizaines de militants au maximum) s’installa en zone libre dans le Midi de la France publiant régulièrement des journaux, le RK Bulletin (17 numéros jusqu’en 1943), puis Spartakus, dont le premier numéro (mai 1943) contenait un appel aux travailleurs du monde à briser leurs chaînes et à fonder la république internationale des conseils d’ouvriers et de soldats. Après l’invasion de la zone sud en novembre 1942, Ignaz Duhl devint le responsable de l’action R. K. envers l’armée allemande en zone sud (propagande et encouragement à la désertion en particulier). Il participa en octobre 1943 à la libération de Mélanie Berger (Anna), membre des RK et compagne de Georg Scheuer (cf. Seuls les fous n’ont pas peur - Scènes de la guerre de trente ans 1915-1945 op. cit.), principal dirigeant du groupe. Mélanie Berger avait été arrêtée à Montauban le 26 janvier 1942, et condamnée par un tribunal militaire le 18 décembre 1942 à Toulouse à quinze ans de travaux forcés et vingt ans d’interdiction de séjour, « pour activité communiste et anarchiste ». Emprisonnée à la prison des Baumettes à Marseille (Bouches-du-Rhône), elle fut hospitalisée pour un ictère dans la salle des consignés, à l’hôpital de la Conception qui accueillait les prisonniers trop malades pour continuer à être détenus dans la prison des Baumettes. Avec un soldat allemand, prêt à déserter, et trois camarades (Lotte Israël, Gustav Gronich et Ignaz Duhl), Georg Scheuer organisa un commando faussement imité de la SIPO-SD et muni de faux ordres de transfert ; ils réussirent ainsi à enlever et à libérer Mélanie Berger le 15 octobre 1943.
Ignaz Duhl fut par la suite reconnu dans la rue par un ancien camarade sous uniforme allemand. Arrêté par la SIPO-SD, il fut torturé et exécuté sommairement dans les locaux de la Gestapo à Marseille, à une date imprécise. Les sources indiquent le plus souvent 1943 (en fin d’année nécessairement) et parfois 1944.
Par Michel Thébault
SOURCES : Cahiers Léon Trotski, n°5, janvier-mars 1980 — Centre International de Recherches Sur L’Anarchisme (CRAS) de Marseille. Bulletin n° 44 citant Les internationalistes du « troisième camp » en France pendant la Seconde Guerre mondiale de Pierre Lanneret, Ed. Acratie, 1995, pages 68 à 71 — Georg Scheuer Seuls les fous n’ont pas peur - Scènes de la guerre de trente ans (1915-1945) Ed. Syllepse, Paris 2002. — Denis Cécile Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes, thèse de doctorat sous la direction d’Hélène Camarade, Université Bordeaux-Montaigne, décembre 2018. — Notes de Philippe Bourrinet.