Par Julien Lucchini, Frédéric Stévenot
Né le 21 août 1898 à La Madeleine (Nord), fusillé le 27 décembre 1943 au fort de Bondues (Nord) ; mécanicien, cheminot ; militant socialiste ; syndicaliste CGT ; conseiller municipal de La Madeleine ; résistant, membre du réseau Voix du Nord et responsable de l’Organisation civile et militaire (OCM), homologué FFC (Résistance Fer).
Fils d’Eugène d’Hallendre, peigneron alors âgé de vingt-six ans et né à Lille, et d’Eugénie, Florentine Baumont, étaleuse alors âgée de vingt-et-un ans et née à Marcq-en-Bareuil, Eugène d’Hallendre naquit au domicile de ses parents, au n° 45 rue du Quai. Il se maria le 13 août 1921 dans la même commune avec Lucienne Augustine Buysse (morte le 1er novembre 1979 à Croix, Nord). Le couple eut un fils, Edgard, né le 17 janvier 1922 à La Madeleine, mort à Lille le 31 août 2016.
Au moment de son incorporation, Eugène d’Hallendre vivait dans le XIIIe arrondissement de Paris, où il exerçait en tant que mécanicien, alors que ses parents demeuraient à La Madeleine, dans les régions envahies. Le 13 septembre 1916, il s’engagea pour trois ans à la mairie du VIIIe arrondissement, et arriva au corps deux jours plus tard.IL fut affecté en tant que matelot mécanicien ajusteur. démobilisé le 15 septembre 1919, il se retira à La Madeleine, au 36 rue du Moulin. Il fut ensuite classé comme réserviste dans la marine militaire (1er dépôt de la Flotte), puis comme affecté spécial à la Compagnie des chemins de fer du Nord, comme ouvrier mécanicien à La Madeleine (1922), puis comme aide contrôleur technique (1938). La croix du combattant volontaire lui fut attribuée par décision ministérielle du 19 mai 1936 (avis du BMR de Cherbourg du 11 juin 1936).
Le registre matricule précise qu’il fut interné de la Résistance, du 20 juillet au 27 décembre 1943, « mort pour la France » ce dernier jour (certificat de validation des services n° 05 740 en date du 7 décembre 1952, décision ministérielle n° 020/DIR).
En 1921 ou 1922, il devint contrôleur technique au service Voie et Bâtiments de la SNCF. Il vivait alors à La Madeleine. Vice-président de l’Amicale laïque Victor-Hugo, il militait également à la CGT et fut un temps conseiller municipal de La Madeleine.
Dès 1940, Eugène d’Hallendre s’opposa au régime vichyste et signa pas moins de vingt-quatre tracts de novembre 1940 (voir son premier tract, non signé, sur le site du Musée de la Résistance en ligne) à septembre 1941, sous son matricule militaire (63675). C’est ce moyen qu’il utilisa également dans sa correspondance (voir l’une de ses lettres sur le site du Musée de la Résistance en ligne).
Membre du réseau de résistance Voix du Nord depuis 1940, il était devenu chef régional de l’Organisation civile et militaire à sa création. Il y fut chargé de la création des groupes locaux, ainsi que de la réception du colonel Passy lors de son parachutage. Il repérait également des terrains d’atterrissage possibles pour les forces alliées et réceptionnait les armes parachutées. Il était en lien avec les réseaux Pat O’Leary et Comète, pour lesquels il œuvra à l’organisation d’évasions de pilotes britanniques (notamment par la ligne Bruxelles-San Sebastian).
Résistant gaulliste, si l’on en croit les renseignements fournis par les travaux du musée de la Résistance de Bondues, il semble qu’il ait reçu, par l’intermédiaire du colonel Passy, des instructions émanant du général de Gaulle. Ces instructions, qui annonçaient un débarquement sur les côtes du Nord pour la fin 1943, organisaient le réseau OCM en trois branches : coups de main, sabotage, évasion. Eugène d’Hallendre fut chargé de la tête de la troisième branche.
Arrêté le 20 juillet 1943 avec son fils à La Madeleine par la Gestapo, pour « activité en faveur de l’ennemi » et « menées gaullistes », il fut condamné à mort le 12 décembre par le tribunal militaire allemand FK 678 de Lille (Nord), et fusillé le 27 au fort de Bondues.
Son fils Edgard, chargé de la formation de groupes de résistance étudiante, fut incarcéré à la citadelle de Huy (Belgique). Il y fut dirigé avec les convois classés I.184, à destination des prisons de Belgique et du Reich en février 1944 (celui du 12 février, plus exactement). La libération de la citadelle par les troupes américaines, le 5 septembre 1944, empêcha probablement sa déportation. Edgard d’Hallendre fut homologué au titre des FFC, FFL (réseau Pat O’Leary) et des DIR (GR 16 P 183534).
Lucienne d’Hallendre (née Buysse), née le 1er septembre 1899 à Roubaix (Nord), épouse d’Eugène et mère d’Edgard, fut condamnée à trois ans de travaux forcés et envoyée à Gross-Rosen (Pologne), quoi que cette affirmation ne figure dans les bases du Fonds pour la mémoire de la déportation ni les Archives Arolsen. Le 15 mai 1944, elle fut dirigée vers la prison Saint-Gilles, à Bruxelles (convoi I.218), puis dans des prisons allemandes. Elle fut envoyée à Aix-la-Chapelle, premier lieu de détention des femmes françaises Nacht und Nebel en attente de jugement à Cologne (mais il semble que les bombardements de l’été 1943 aient déjà provoqué le déplacement du siège du tribunal à Breslau, en Silésie ; Lucienne d’Hallendre fut très probablement enregistrée à la prison de Klingelpütz, lieu de nombreuses exécutions). Elle fut enfermée à Gotteszell (il s’agit en réalité de la prison de Schwäbisch-Gmünd) puis à Gommern, près de Magdeburg (c’est là qu’aboutirent les femmes classées Nacht und Nebel venant de Flussbach, Prum et Cologne). Elle put en être libérée le 5 mai 1945. Lucienne d’Hallendre fut homologuée au titre des FFC, DIR et FFL (GR 16 P 98864 et GR 28 P 11 30), comme appartenant aux réseaux Pat O’Leary (MI 9) et Centurie (BCRA).
Edgard d’Hallendre (décret du 15 juin 1946, publié au JO du 11 juillet 1946, sous le nom de Dhallendre ; décret du 31 mars 1947 publié au JO du 13 juillet 1947 sous son véritable état civil) et sa mère (décret du 31 mars 1947 publié au JO du 13 juillet 1947) reçurent la médaille de la Résistance.
Homologué au titre des FFC (Résistance Fer) et des DIR (GR 16 P 183535), Eugène d’Hallendre a reçu la Légion d’honneur (non retrouvé dans la base Léonore) à titre posthume, ainsi que la Croix de guerre, la Médaille de la Résistance (décret du 31 mars 1947 publié au JO du 13 juillet 1947) et la Medal of Freedom. Son nom figure sur le monument commémoratif du fort de Bondues, ainsi que sur plusieurs plaques et monuments de La Madeleine. Il fut donné à une école maternelle et une rue de La Madeleine.
Par Julien Lucchini, Frédéric Stévenot
SOURCES : SHD Vincennes ; DAVCC, Caen, B VIII 4/B VIII 5 (Notes Thomas Pouty). Arch. dép. Nord, reg. matr. (matr. n° 1537)— Musée de la Résistance de Bondues, Ils étaient 68, 2010. — Sites Internet : Mémorial GenWeb ; Fonds pour la mémoire de la déportation (Lucienne d’Hallendre ; Edgard d’Hallendre) ; Mémoire des hommes ; Musée de la Résistance en ligne. — État civil de La Madeleine, Arch. dép. Nord, 1 Mi EC 368 R 003 (acte de naissance n° 233).