CHALAVON Raymond, Marie, Baptiste

Par Delphine Leneveu, Maurice Bedoin, Michel Ganier, Gilbert Thollet

Né le 28 mai 1921 à Firminy (Loire), fusillé le 5 août 1943 à Brottes (Haute-Marne), militant jociste, ouvrier métallurgiste aux Aciéries et Forges de Firminy, puis à la SCEMM (Société de Construction d’Équipements de Mécanisations et de Machines) à Saint-Étienne, résistant, membre du réseau « Lorraine »

Raymond Chalavon, né de François Chalavon, métallurgiste aux Aciéries et Forges de Firminy, et d’Anne Bernaud, sans profession, était l’aîné d’une fratrie de quatre. Après avoir déménagé de Firminy à Unieux, ils habitèrent au 17 rue Élisée Reclus, une maison à proximité du château Holtzer, et à 1 km des ateliers où travaillait le père. Raymond fréquenta l’école de Côte-Quart avec ses frères et sœurs, il y partagea le milieu simple et populaire des ouvriers. En octobre 1937, il s’embaucha lui-aussi, aux Aciéries et Forges de Firminy, âgé de 16 ans et demi, en tant qu’aide-monteur. Il rencontra alors le Père Robert Ploton, vicaire à l’église Sainte-Barbe du Soleil à Saint-Étienne, par l’intermédiaire de sa sœur Marie-Rose, enseignante et membre active de la JOCF sur Saint-Étienne et Firminy. Le mouvement de la JOC connaissait alors une période florissante, ponctuée par le grand rassemblement de 1938 à Saint-Étienne.

Survint la guerre. Raymond Chalavon, appartenant à la classe 41, fut affecté au 8ème Régiment d’Infanterie. Le régiment fut dissous après la défaite, et intégré à l’Armée d’Armistice, en garnison à Montpellier. Au bout de 8 mois de service, Raymond Chalavon fut libéré le 16 novembre 1941. Les Aciéries et Forges de Firminy le virent revenir avec satisfaction en une période où l’activité productive était désorganisée, faute de main d’œuvre. Durant les mois qui suivirent, Raymond Chalavon maintint les contacts avec les amis de la JOC et notamment le Père Robert Ploton qui se déplaça fréquemment à la maison d’Unieux pour parler en toute confidence. À plusieurs reprises, Raymond reçut dans la maison familiale de Haute-Loire, des « amis » de Savoie, venus des Saisies. Le choix de la Résistance s’imposa comme une évidence. Comment interpréter la démission de Raymond Chalavon aux Aciéries et Forges de Firminy pour s’engager le 7 septembre 1942 à la SCEMM de Saint-Étienne, en vue d’exercer le métier d’ajusteur ? Peut-être voulait-il se rapprocher des réseaux de Résistance de Saint-Étienne, peut-être assura-t-il la diffusion des Cahiers de Témoignage chrétien à partir de la cure de la Nativité, là où résidait désormais le Père Robert Ploton ? Tout aussi difficiles à expliquer sont « les absences répétées » et prolongées, signalées par l’Inspecteur du Travail, dans sa nouvelle entreprise. Soucis de santé liés à une alimentation insuffisante et à un allongement de la durée du travail ? Hypothèse qui serait confirmée par les statistiques fournies par Monique Luirard à propos de l’état sanitaire des ouvriers de la SCEMM. Ou plutôt, faut-il invoquer de fréquents déplacements pour transporter des armes, pour faire circuler les informations clandestines, pour rencontrer des jeunes qui veulent s’engager ? Depuis fin 1942, et le retour des Allemands dans la Loire, les réseaux locaux de Résistance se structurèrent. À la maison, la sœur de Raymond, Janine avoue que l’atmosphère devint lourde depuis l’arrivée d’un détachement allemand qui stationnait sur la colline de Côte Quart. Raymond fut obligé de calmer son frère René qui voulait injurier les soldats allemands qui défilaient dans la rue.

Finalement, Raymond Chalavon semble avoir fait ses choix : il cassa son contrat de travail par courrier le 1er avril 1943, et quitta son emploi le 16 avril. Il souhaitait désormais consacrer toute son énergie et son temps aux actions patriotiques sur le terrain. C’est à ce moment que survint l’appel des classes 1940, 1941 et 1942 pour le STO. Comme le firent quelques uns de ses camarades, Raymond s’échappa, lors de son transfert vers l’Allemagne. Il prit le maquis près de Chaumont (Haute-Marne) pour s’intégrer dans le « mouvement Lorraine ». Pendant 83 jours, il fut caché 163 rue Jules Tréfousse à Chaumont par Henri Laborde, manoeuvre. Sous couvert de la profession d’ouvrier agricole, Raymond Chalavon se déplaçait dans les départements voisins, relayant les informations et assurant le passage d’armes. Mais son souhait était de se rapprocher du Comité français de la Libération Nationale à Alger. Sans doute a-t-il trop bavardé. Un certain (Henri) Noël, domestique agricole, domicilié à Buxière-les-Villiers vint le rencontrer sous prétexte de lui faciliter le voyage vers l’Algérie. L’entrevue suffit à Noël pour dénoncer Raymond Chalavon et Henri Laborde. Ils furent incarcérés ainsi qu’un autre compagnon le 22 mai 1943. Henri Laborde, déporté en camp de concentration en Allemagne, reviendra vivant. Au cours de sa détention à la Maison d’Arrêt de Chaumont, Raymond Chalavon se confia à l’un des co-détenus, Paul Baillache, à qui il remit une lettre destinée à un correspondant de Barcelone, en zone libre. Cette lettre a bien été postée. Quant à Noël, il fut condamné après la Libération aux travaux forcés à perpétuité par la Cour de Justice de Dijon. Toutes ces informations ont été recueillies, en octobre 1955, par la gendarmerie de Chaumont.

Survint le jugement le 26 juillet, Raymond Chalavon fut condamné à mort par le Tribunal militaire allemand pour « vol d’un revolver à un militaire allemand, intelligence avec l’ennemi et dépôts d’armes ». La demande de grâce fut refusée. De ses derniers moments, il reste un courrier de Monseigneur Louis Desprez, archiprêtre de la basilique Saint-Jean à Chaumont, confiant combien Raymond Chalavon l’avait « reçu avec joie » pour lui parler de sa famille et de son idéal patriotique. Il se dit surpris par « tant de calme, de lucidité, de paix, de maîtrise de soi ». Raymond Chalavon profita de l’occasion pour lui remettre une lettre adressée à sa tante Marguerite-Madeleine, religieuse au Puy-en-Velay. À l’intérieur, il confiait le soin d’annoncer à ses parents son décès : « J’ai une triste mission à vous confier et ce n’est pas sans émotion que je vous adresse ces lignes. J’avais l’intention de n’en jamais rien laisser savoir à ma famille, mais j’oubliais que l’Administration se chargerait de ces formalités et sans délicatesse pour la santé de ma mère (…) Dites aux miens que si je retourne à Dieu, c’est avec bonheur et qu’ils ne me pleurent pas. J’aurai une grande satisfaction : celle de mourir jeune et pour une belle cause. Je paie ainsi le tribut du sang qui avait été épargné à notre famille pendant les deux guerres, et c’est bien juste. »

Après qu’il a été fusillé, le 5 août, sur le champ de tir de Chaumont, à « la Vendue », près de Brottes, le corps de Raymond Chalavon resta à l’abandon. Les habitants de Brottes lui donnèrent une sépulture provisoire, qui dans un premier temps, est restée anonyme. Madame Pierre ( Eugénie), marchande foraine a confié qu’elle avait entretenu sa tombe jusqu’à l’exhumation du corps en 1946. Elle avait ainsi fait connaissance de la famille Chalavon qui était venue la voir à plusieurs reprises. Le corps a été inhumé dans le cimetière d’Unieux le 24 octobre 1949. La reconnaissance de Raymond Chalavon comme « interné résistant » date de 1961, suite à la démarche entreprise par le Comité d’Entente des Anciens Combattants du canton de Firminy. Raymond Chalavon a reçu la Médaille Militaire, la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance à titre posthume. Un square et une plaque commémorative ont été inaugurés dans la cour de l’église Saint-Paul sur l’Ondaine, dans les années soixante. Suite à la désacralisation de l’église Saint-Paul sur l’Ondaine, le 15 septembre 2019, la plaque commémorative a été installée dans un nouveau square sur le côté droit de l’église Saint-Thomas d’Aquin au bourg d’Unieux, avec l’accord du Maire. Ce square a été inauguré le 11 novembre 2021.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article168378, notice CHALAVON Raymond, Marie, Baptiste par Delphine Leneveu, Maurice Bedoin, Michel Ganier, Gilbert Thollet , version mise en ligne le 10 décembre 2014, dernière modification le 12 septembre 2022.

Par Delphine Leneveu, Maurice Bedoin, Michel Ganier, Gilbert Thollet

SOURCE : DAVCC, Caen (Notes Thomas Pouty), 21 P 724621, Chalavon Raymond — SHD, Ministère des Armées, Vincennes : GR 16 P 117094 — Arch. Dép. Loire : 3E96_35, registres des naissances de Firminy de 1921 — 6M533_317, recensement, Unieux, 1936 — Archives des ressources humaines de la SCEMM (devenue SCEMM PCI ), archives privées — Courrier de Raymond Chalavon du 5 août 1943 à sa tante Marguerite-Madeleine Chalavon — Courrier du Chanoine L. Desprez du 16 août 1943 — Témoignage de Janine Chalavon, sœur de Raymond, 2021 — Bulletin paroissial de l’Ondaine n°30, décembre 2021
BIBLIOGRAPHIE : Luirard, Monique, La région stéphanoise dans la guerre et dans la paix ( 1936-1951), Centre d’études foréziennes, 1980 — Chambon Pascal, Les Résistances dans le département de la Loire ( 1940-1944 ), De Borée, 2016 — Depeyre Michel, Aventurier Gérard, Rojas Luc, Bouligaud Richard, Entre ombre et lumière. Le département de la Loire de 1939 à 1945, Actes graphiques, 2018 — Gentgen René, La Résistance civile dans la Loire, Lyon, ELAH, 1996

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