WITZ Théodore, Émile

Par Léon Strauss

Né le 9 janvier 1922 à Amnéville (Moselle), guillotiné ou fusillé le 22 septembre 1944 à Bruchsal (Bade, Allemagne) ; ajusteur ; résistant.

Issu d’une famille alsacienne, Théodore Witz a habité Strasbourg toute son enfance, marquée très tôt par des crises d’asthme périodiques.
Revenu d’évacuation durant l’été 1940, il trouva du travail à l’usine d’aviation Juncker qui s’était installée dans les locaux de l’usine d’automobiles Mathis.
Selon l’acte d’accusation à son procès, patriote français, « il n’a pu se satisfaire des nouvelles conditions bien qu’il eut un bon salaire et des possibilités de promotion ». Envoyé en formation par son entreprise en Allemagne pour trois mois, il fut convoqué par la Gestapo de Magdebourg pour des propos hostiles à l’État, mais il s’en sortit moyennant 5 reichsmarks d’amende.
Après l’introduction du service militaire obligatoire en Alsace en 1942, il fut ajourné provisoirement comme inapte par le conseil de révision, mais fut finalement incorporé fin novembre 1943. Une très violente crise d’asthme aboutit à son renvoi à son domicile au bout de deux jours de service sans même avoir porté l’uniforme. Confiné à son domicile jusqu’en février, il écoutait régulièrement les informations de la radio anglaise et de la radio suisse et acquit la conviction d’un prochain débarquement des Alliés accompagné de parachutages massifs et en Alsace.
Il conçut alors un plan parfaitement farfelu d’insurrection patriotique des Strasbourgeois dont il prendrait la tête et qui libérerait la ville en liaison avec les armées alliées. Il semble n’avoir pris contact à cette fin qu’avec un soldat alsacien, un cheminot, une ouvrière et une serveuse et n’avoir disposé que d’un petit pistolet comme arme.
Il fut, il est vrai, arrêté le 17 février 1944 peu après avoir repris son travail. L’acte d’accusation reconnaissait que ses projets étaient sans valeur militaire. Il ajoutait cependant que le danger ne devait pas être négligé. « L’expérience des chefs partisans dans les Balkans et en France a montré que justement celui qui, sous-estimant les réalités des forces militaires, tente par les moyens les plus primitifs de gagner des adhérents et de les amener à des actes de violence qui ne peuvent guère causer de tort en temps de paix, deviennent des foyers dangereux conséquents. Dans la population d’une grande ville comme Strasbourg, parmi laquelle se trouvent de nombreux éléments politiquement peu sûrs ou communistes, dans l’atmosphère chargée de la plus forte tension, une petite étincelle peut déclencher une décharge de dimension dangereuse... ». Witz fut donc condamné à mort. Le Gauleiter Wagner, chef de l’administration civile en Alsace, saisi d’une demande de grâce, écrivit sur la jaquette du dossier : « Oui-Exécution rapide-Urgent ! ».
Le premier crime imputé à Wagner dans l’acte d’accusation pour le tribunal militaire français de Strasbourg établi le 9 avril 1946 est ainsi formulé : « 1. De s’être rendu complice du crime d’homicide volontaire sur la personne du jeune Alsacien Théodore Witz en septembre 1944 à Strasbourg, en dictant la sentence à prononcer par les juges ; « 2. Avec la circonstance que ce meurtre a été commis avec préméditation... ».
Théodore Witz fut donc transféré à la prison de Bruchsal (Bade) où il fut exécuté le 22 septembre 1944. L’arrêté du 19 août 2002 a porté apposition de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article168386, notice WITZ Théodore, Émile par Léon Strauss, version mise en ligne le 11 décembre 2014, dernière modification le 31 mars 2020.

Par Léon Strauss

SOURCES : Arch. Dép. Bas-Rhin, 153 J 12. – Jean-Laurent Vonau, Le Gauleiter Wagner. Le bourreau de l’Alsace, La Nuée bleue, Strasbourg, 2011, p. 134-137, 153, 252. – Strassburger Neueste Nachrichten, 15 septembre 1944.

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