Par Alain Dalançon
Née le 20 avril 1924 à Loudenvielle (Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Atlantiques), morte le 15 septembre 1999 à Bordeaux (Gironde) ; professeure d’espagnol ; militante socialiste ; militante associative à Bordeaux.
Fille d’un couple d’instituteurs laïques, d’opinions radicales-socialistes, adhérents du Syndicat national des instituteurs et de la Ligue des droits de l’Homme, Jeanne Salette suivit la voie tracée par ses parents. Après l’école primaire à Loudenvielle, elle fit toutes ses études secondaires comme interne au lycée de jeunes filles de Tarbes où elle obtint le baccalauréat série « philosophie ».
En classe préparatoire au lycée Pierre Fermat de Toulouse – où elle eut comme professeur de philosophie Jean-Pierre Vernant dont l’enseignement la marqua –, elle prépara le concours d’entrée à l’École normale supérieure de l’enseignement technique qu’elle intégra en 1947 dans la section EF. Elle en sortit munie du professorat lettres-espagnol, et fut nommé à la rentrée 1949 au collège technique de Bordeaux, futur lycée Gustave Eiffel.
Elle épousa en juillet 1953 à Bordeaux un collègue divorcé, récemment rentré du Maroc, Maurice Rabau-Daudon. Ils eurent trois filles, dont seule la cadette, Sophie, née en 1964, survécut, et était en 2014 maître de conférences en littérature comparée à l’Université Paris3.
Tout au long de leur vie commune, le deux époux militèrent pour les mêmes valeurs. L’étude de l’espagnol renforçait sa sensibilité et ses idées de gauche, et la conduisit dans les années 1970 à accueillir et à aider aussi bien des réfugiés espagnols fuyant le franquisme que des Chiliens fuyant le régime de Pinochet.
Adhérente du Syndicat national de l’enseignement technique puis du Syndicat national des enseignements de second degré, elle n’y prit jamais de responsabilités comme son mari, mais assistait à toutes les réunions, participaient à toutes les manifestations et toutes les grèves, étant particulièrement respectueuse de la « discipline syndicale ».
Peu après le congrès d’Epinay, elle adhéra au Parti socialiste avec son mari, et y milita jusqu’à sa mort en soutenant toujours François Mitterrand. Militante de base, à la Fédération des œuvres laïques, à la Ligue de l’enseignement, à la Ligue des droits de l’Homme, elle préférait toujours les seconds rôles. Mais elle s’impliquait toujours beaucoup dans ses engagements.
Elle fut surtout une militante laïque et pédagogique qui ne séparait jamais son engagement politique de sa pratique enseignante. Elle accepta ainsi d’être chargée de mission auprès du recteur Martin à partir de 1982, pour étudier et mettre en place la réforme du collège souhaitée par Alain Savary, cadre privilégié pour la lutte contre l’illettrisme, l’exclusion, et pour promouvoir la diffusion des savoirs réciproques. Pour elle, il n’y avait pas seulement un enseignant et un enseigné mais chacun devait apprendre de l’autre. Cette expérience fut interrompue en 1986, avec la première cohabitation. Elle retourna dans son établissement durant une année et y prit sa retraite au grade de professeure agrégée d’espagnol, obtenu par promotion interne. Elle eut alors l’occasion de monter une exposition Picasso et de prôner que, comme l’élève ou l’enseignant, « l’artiste dit plus qu’il ne le sait lui-même. »
Dans la continuité de son engagement, elle mit en place avec son mari l’association APTES (Association pour le travail des enfants dans la solidarité) qui avait pour but d’apporter une aide à la réussite scolaire des jeunes (scolarisés, mais en difficulté scolaire, et sortis du système scolaire, mais sans emploi). Au terme de deux années de fonctionnement, la suppression de subventions conduisit la structure à mettre un terme à l’expérience.
Le couple n’abandonna cependant pas le terrain et créa en 1994 l’association DEFI (Défense des exclus par la formation et l’information). Jeannette Rabau-Daudon, tout en soutenant la démarche de son mari, s’engageait pendant ce temps au Cercle Condorcet dont elle devint la secrétaire générale. Elle fut aussi à l’origine de la création d’INFO 2000 aînés, en 1999, association pour partager les savoirs réciproques des enseignants et des élèves, traverser les barrières entre les âges et les savoirs.
« Jeannette », comme on l’appelait couramment, ne cessait de se remettre en question politiquement, professionnellement, et intellectuellement : elle croyait au progrès personnel – le sien comme celui de ses élèves – comme au progrès social, tout en restant lucide sur les difficultés à surmonter. Elle avait reçu la Légion d’honneur, pour son engagement dans la lutte contre l’échec scolaire et plus généralement pour son engagement militant et pédagogique.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Actes du colloque « Pour une pédagogie de la réussite, démarches et méthodes », organisé les 27, 28, 29 février 1984, Académie de Bordeaux, Centre régional de documentation pédagogique de Bordeaux, 1984 (4 volumes). — Lettre du Cercle Condorcet http://ccbx.free.fr/LETTRES/L14Sep99.PDF. — Renseignements fournis par sa fille.