PICARD René, pseudonymes Roux, Morel, Maurel

Par Michel Pinault

Né le 11 août 1899 à Lyon, mort le 17 janvier 1987 ; polytechnicien (promotion 1918), ingénieur civil des Mines, responsable des recherches chez Rhône-Poulenc ; résistant communiste ; chef de bataillon FFI, lors de la libération de Lyon puis commandant et chef d’escadron de réserve ; fondateur, avec d’autres, de l’UCIFC ; puis président de l’UNITEC et vice-président de l’ATS ; militant communiste ; fondateur puis directeur du BÉRIM ; alpiniste réputé, membre du CAF, du GHM et du GUMS ; cavalier ; mycologue passionné.

René Picard, était le fils de Théodore David Picard, né à Lyon, en 1859, mort le 6 août 1944, à Auschwitz, commerçant en soieries, et de Lucie Henriette Isaac, née à Perpignan, le 9 novembre 1873.

René Picard était marié à Cécile Mariette Hadamard, née le 6 février 1901 à Paris XIVe, décédée le 22 mai 1987, à Paris. Celle-ci était la fille de Jacques Hadamard, né à Versailles, le 8 décembre 1865 à Versailles, mort à Paris 14e, le 17 octobre 1963, et Louise Anna Trénel, née à Paris 11e, le 28 septembre 1868, décédée à Paris 12e, le 6 juillet 1960, dite Mère, mariés le 28 juin 1892. Cécile Hadamard était la sœur de Mathieu, le camarade de promotion de Picard à l’École polytechnique, engagé dans la France libre et qui devait mourir, en 1942, en Tunisie. Tous deux appartenaient à la promotion 1918. Picard était aussi ingénieur civil des Mines. Cécile et René Picard ont eu trois enfants, Étienne, Francis et Claire.

René Picard participa aux derniers mois de la Première Guerre mondiale, de juillet 1918 à l’Armistice, comme brigadier d’artillerie, puis à l’occupation de la Rhénanie jusqu’en décembre. Élève à l’École d’artillerie de Fontainebleau, de janvier à juillet 1919, puis à l’École polytechnique (1919-1921). Il eu successivement les grades de sous-lieutenant puis lieutenant.

Dans la vie civile, ses amis se souviennent invariablement que cet ingénieur chimiste était porté par l’esprit d’innovation et qu’il fut un découvreur et un inventeur infatigable - par exemple inventeur, dans l’entre-deux-guerres, lorsqu’il dirigeait le laboratoire central de recherches de l’ensemble du groupe Gillet, de l’éponge synthétique, dite la « Spontex » ; il avait fondé et dirigé les laboratoires de douze usines de ce groupe, aussi connu comme les Comptoirs des textiles artificiels, de 1923 à 1942, et s’intéressait à la viscose, à la rayonne et à la fibrane, à la cellophane, mettant au point des procédés de fabrication et déposant au passage de nombreux brevets ; avant la guerre, il avait travaillé successivement à l’usine de Bezons (ancienne Seine-et-Oise), dite La Cellophane, et à celle de Vénissieux, la TASE. C’est lui aussi qui a, plus tard, dans les années soixante-dix, l’idée de mettre du « pof », de la collophane, dans le matériau destiné aux semelles des chaussons d’escalade pour en augmenter l’adhérence et qui convainc son ami Robert Paragot, un des grands grimpeurs de la période, de lancer une fabrication incluant cette technique. Les premiers essais de ces « semelles antiglisse » datent d’avril 1978, 20 avril. Selon une note Paragot lui dit alors « qu’à Chamonix on est très content (et que) de nombreux grimpeurs entraînés en prennent » ; Paragot en confia une paire à Patrick Cordier un des meilleurs grimpeurs de l’époque et un des premiers promoteurs de la « grimpe propre » à Chamonix. En juin 1983, l’entente Paragot/Picard, associée au fabricant de chaussures Billard, fut mise en place. La production des chaussons « Paragot » put commencer.

La personnalité, le « style » de Picard, étaient marqués par son appartenance à un milieu social « bourgeois ». À côté de ses talents d’alpiniste de haut niveau, c’était aussi un bon cavalier et un joueur de tennis averti, un bon amateur de musique et un pianiste apprécié. Entré, en 1927, au Groupe de haute montagne (GHM), un club d’alpinistes de haute volée décidés à promouvoir une pratique sportive de haut niveau, proche de la compétition et en rupture avec l’activité de loisir pour riches amateurs alors dominante au Club alpin français (CAF), il en fut un des animateurs dans l’entre-deux-guerres. Il y avait, comme amis et camarades de cordée, Jean et Georges Vernet et le docteur Hector Descomps, avec lesquels il réalisa de nombreuses ascensions, en particulier dans l’Oisans, y compris de grandes « premières ». Jean Vernet a créé, avec Descomps, la première section alpinisme de la FSGT. Cécile et René Picard pratiquaient aussi le canoë avec d’autres comme Jean Langevin et Henri Grandjouan qui l’été préféraient la mer à la montagne et fréquentaient une autre bande, celle de l’Arcouest.

Toute cette bande d’amis alpinistes avait acquis de fortes convictions communistes. Chez les Picard c’était une affaire de famille car les membres de la belle-famille Hadamard avaient suivi une évolution parallèle. La maison des docteurs Paulette et Hector Descomps, « où l’on recevait beaucoup », devint le lieu de formation et de maturation de carrières militantes que ces intellectuels d’origines très bourgeoises n’étaient pas préparés à épouser a priori.

Picard avait adhéré à la CGT chimie en 1936. Avant la guerre, il se définit comme électeur communiste dès 1935 et antimunichois et déclarait, après la guerre, avoir en son temps considéré que « le pacte germano-soviétique était juste ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, Picard fut lieutenant dans l’Artillerie (36e RA). Il était au front de septembre 1939 au 20 juin 1940 (Sarrebourg). Il finit cette campagne avec le grade de capitaine. Fait prisonnier à Charmes - le 23 juillet 1940 toute la famille Picard était à Toulouse, 28 de ses membres, et son fils Étienne écrit à son père prisonnier à Sarrebourg-, il fut interné en Allemagne (Oflag III). Entré dans la Résistance en janvier 1941, il s’occupa dans son oflag de l’organisation de nombreuses évasions (il est « chef d’évasion » de cet oflag). Libéré en août 1941 au titre d’ancien combattant 14-18 (dans les documents de famille, figure une fiche de transport : « Rapatriement des prisonniers de guerre », départ de Chalons le 13 août 1941 pour Paris puis Toulouse, pas de nom).

Au retour, il a, avec sa femme, juive comme lui, une intense activité de résistant dans les rangs communistes dans la région lyonnaise et dans l’Ardèche, sous les pseudonymes de Roux, de Morel et Maurel.

Il s’occupa d’abord de l’organisation d’évasions avec des anciens combattants, de août 1941 à janvier 1942, puis d’un office de faux papiers, de janvier 1942 à début 1943. Il fut responsable de l’hébergement du journal clandestin Le Patriote lyonnais pendant un an, fait du renseignement industriel et militaire pour divers groupes dont Combat, le Front national. Ensuite, il participa au déraillement du train militaire allemand de La Voulte (action, sans date, de l’UCIFC) et au sabotage de l’usine de Vaulx-en-Velin, avec le docteur Chamouton et l’ingénieur Bonnet.

Sur cette période d’activités clandestines, René Picard a écrit : « De retour à Lyon, je reprends mon métier d’avant-guerre de directeur de recherches au CTA (Comptoir des textiles artificiels, devenu ultérieurement Rhône-Poulenc). Je réussis à avoir un appartement rue Duguesclin, à Lyon, où se trouve une usine du CTA (à Vaulx-en-Velin). Je dirige dans cet appartement un bureau de faux papiers, en particulier pour le passage de zone libre en zone occupée et réciproquement. J’héberge dans cet appartement Madeleine et Jean Braun. Je prends contact avec de nombreux résistants. Nous recevons Georges Marrane. Avec Madeleine et Jean Braun, nous fondons le Front national. Je suis chargé d’organiser, avec Mosnier, la résistance des cadres et je fonde avec lui l’UCIFC. J’établis des rapports avec Paris (Houet, Gateau). Les résistants avec lesquels j’eus à Lyon des contacts importants sont Mosnier, Bouchard, R. Pontremoli, le capitaine Chabert, Bounin, Max Barel. Ce dernier est chargé par moi du secteur de St Etienne pour l’UCIFC. En partant à St Etienne, il est arrêté à la gare Perrache, torturé jusqu’à la mort À Lyon, je réussi à obtenir du maire, Villiers, qui était mon camarade au lycée Ampère, son adhésion à la résistance. Il me fournit en particulier d’importantes sommes d’argent d’industriels lyonnais que j’utiliserai pour les maquis de la région Sud-Est du FN. »

Picard, évoquait, sans la dater, son arrestation par la Gestapo, avec Villiers lors d’un rendez-vous place St Pothin ou rue d’Helvétie. Il fut libéré mais Villiers, emprisonné à Montluc, fut envoyé à Dachau.

En zone sud, passé dans la clandestinité, Picard fut donc, à la fin de 1942, un des fondateurs et des animateurs de l’UCIFC (Union des cadres industriels de la France combattante), une des branches catégorielles du Front national. À la mi-1943, il en devint, sous le pseudonyme de Roux, responsable pour toute zone sud-est : Lyon Saint-Étienne Grenoble, vallée du Rhône. C’est à Paris qu’en juillet 1943 est créée l’UCIFC, comme organisation de la France combattante (voir Y. Farge, Rebelles, soldats et citoyens, Souvenirs d’un commissaire de la République, Grasset 1946). Dès le mois d’octobre 1943, cette organisation est présentée, par [Pierre Le Brun-<107753], à l’habilitation du Conseil national de la résistance. Celui-ci la reconnait en novembre. Elle devient alors l’UCIF.

Sur les circonstances de la création de ce mouvement, René Picard écrivait, dans un document de 13 pages manuscrites, 4 pages imprimées et 2 pages dactylographiées, non daté mais probablement écrit avant la fin de l’occupation, conservé dans ses papiers et titré : « La Résistance dans l’industrie française » : « En 1943, grâce au Comité d’action contre la déportation, naquit dans quelques esprits de camarades de Paris, l’idée de l’UCIF qui fut d’abord d’aider le Comité d’action contre la déportation mais qui rapidement s’élargit : l’UCIF, étant la seule organisation de résistance dans l’industrie, prit en mains toute la coordination des actions de résistance qui touchaient les milieux industriels. À Lyon j’eus, avec mon ami Mosnier, la tâche de mettre en place l’UCIF et l’idée de cette organisation qui nous avait été exposée par notre camarade Roger, actuellement disparu, nous enthousiasma d’emblée - comment n’avait-on pas pensé plus tôt à agir résister d’une façon systématique aux pressions de l’ennemi pour mettre à son service l’industrie française ? (…) Notre organisation fut suscitée par le Comité d’action contre la déportation du CNR, en vue de l’aider dans sa tâche. La collaboration des patrons en particulier lui était nécessaire. Il apparût rapidement que d’autres tâches pouvaient lui être confiées et une collaboration active s’établit avec la Commission d’action immédiate du CNR, puis avec les EM des FFI. Enfin, l’UCIF (Union des cadres industriels de la France combattante) fut reconnue par le CNR comme une de ses commissions et seule habilitée pour rassembler en une organisation rationnelle l’ensemble des patrons et ingénieurs patriotes, en vue d’en tirer toute l’aide possible à la Résistance. »

Dans un autre manuscrit peu rédigé et non daté, conservé dans ses papiers qui, selon le contexte, semble aussi dater de la fin 1944, René Picard, revenait sur les circonstances de son intégration dans ce mouvement de résistance : « En 1943, création, avec trois autres camarades, de l’UCIFC, en zone sud, pour…. Et enfin secrétaire national zone sud. Membres UCIFC proposés : décédés : Max Barel fusillé, Claude Perrichon, déporté : Villiers ; actifs : Bouchard, Picard. » Selon le Bulletin de l’UNITEC n°4, juillet 1948, les « 3 camarades » évoqués peuvent avoir été Picard, Barel et Bouchard. » (archives Picard, 13pages manuscrites dont 2 dactylographiées, titrées : « Nous remercions le FN d’avoir invité l’UCIFC ») 

En novembre 1942, l’Union des Ingénieurs et Techniciens Français (UITFC ou UITF) (Bulletin de l’UITF n° 1, décembre 1943, archives Picard) avait été créée, à Londres, par le lieutenant-colonel Aristide Antoine, un polytechnicien, dirigeant d’entreprises d’électricité du groupe du Baron Empain et alors responsable des affaires civiles de la France Libre, à Londres (voir Jean Bouchard, ingénieur ECIL, secrétaire général de l’Union des ingénieurs et techniciens français, L’UNITEC au service de la France, avril 1945, brochure imprimée 31 p., archives Picard). Puis, le 15 octobre 1943, à Alger, avait été créée, toujours sous l’impulsion d’Antoine, l’UITF, sans doute appelée aussitôt UNITEC (Bulletin de l’UITF n° 1, décembre 1943, archives Picard). Son président était le lieutenant-colonel Antoine. La composition de son comité directeur témoignait de la continuité avec l’UITFC. Son action fut alors « provisoirement limitée aux Territoires de l’Afrique du Nord et de l’AOF ». En septembre 1944, une fusion de l’UCIF et de l’UNITEC fut enfin opérée.

En mai 1944, René Picard, devenu "Morel", rejoignit les FTP (maquis de l’Isère, région de Bourgoin) et, après des opérations militaires (Bourgoin, La Verpillière), il entra dans Lyon, le 1er septembre 1944, à la tête du 2e bataillon du Rhône (chef de bataillon, quartiers de Villeurbanne et Brotteaux). Le 10 septembre, il entra à l’état-major régional des FFI, 3e bureau. Il était chef du 3e bureau en novembre 1945. René Picard reçut une Citation à l’ordre de l’armée, le 14 janvier 1948. Il obtint la Médaille de la résistance (JO du 31 mars 1947) et la Croix de guerre avec palmes. Il fut fait Chevalier de la Légion d’honneur le 27 juin 1954.

Le certificat d’appartenance aux FFI de René Picard, dit Roux et Morel ou Maurel, indique qu’il avait servi à l’état-major départemental des FTPF du Rhône, du 1er mai 1944 au 3 septembre. Son maintien définitif dans l’armée au grade de Commandant est daté du 12 juillet 1945. Il participa à des stages de combat dans la 4e DMM, à Mulhouse (décembre 1944), rejoignit la 2e DB, à Strasbourg, le 15 janvier 1945. Il entra à l’École supérieure de guerre. Il participa à la reconnaissance et aux combats de nettoyage de la poche de Jons.

Sur ordre de mission du commandant en chef français en Allemagne, René Picard se rendit à Stuttgart, visites des usines pour la direction de la Production industrielle-Textile. Il fut affecté, du 1er août 1945 au 28 juin 1946, à Baden-Baden, avec le grade de commandant chef d’escadron de réserve. Il fut en mission en avril et en juin 1945 à Berlin, du 1er au 31 août 1945 à Innsbruck, avec le commandant Hector Descomps, en décembre à Fribourg, en mars 1946 à Francfort. Enfin, sur ordre de mission du ministre de l’Armement Charles Tillon, Picard, participe, en novembre 1946, comme ingénieur et comme membre de la commission d’échanges économiques franco-polonais, au congrès sur l’aviation de Katowice, en Pologne et retourne plusieurs fois dans ce pays, accompagné par Aubrac. Il quitte l’arme en décembre 1946.

Picard considérait qu’il était devenu communiste à la date de son entrée dans la résistance lyonnaise. Il a adhéré à une cellule Paul Appell, probablement dans le XIVe arrondissement de Paris. À une « biographie militaire » qu’il a remplie pour la commission des cadres du PCF en décembre 1945 est jointe une note de Jean Bouchard, ingénieur communiste actif à l’UNITEC, qui propose de faire de Picard « un rouage de la Production industrielle ». Ce responsable souligne son « tempérament de chercheur ; discute posément, pose le problème et le solutionne ». Dans le questionnaire biographique qu’il complète en janvier 1948, Picard écrit : « Je connais "par l’intérieur" la façon d’agir des trusts ayant été pendant 20 ans en contact direct par mes fonctions (directeur des recherches d’un grand trust) avec leurs dirigeants. Ils sont comme des gangsters qui, habillement et hypocritement, essaient de se servir de tout – religion et patriotisme compris – pour arriver à leurs fins qui se résument par : conserver leurs privilèges. Ils ont réussi, comme il était forcé, à faire agir pour eux tous les partis et "rassemblements", sauf le nôtre. »

Sa voie est donc tracée et c’est ainsi qu’après la Libération, il reste un militant de l’UCIFC, devenue l’UNITEC et qu’on le retrouve, en 1948, à la Section centrale économique du PCF, membre des commissions Industrie et nationalisations, Charbon, Industrie, Recherches.

En septembre 1944, on trouve au comité directeur de l’organisation des personnalités aussi diverses que Marcel Bergeron, Paul Bergeron, Marcel Bloch, Marcel Clicques, Daniel Florentin, Pierre Le Brun, Roger Schwob. Une présidence alternée Antoine/Le Brun fut mise en place. Le secrétaire général est Clicques. Picard n’était alors pas membre du comité directeur de l’UNITEC mais il assistait à des séances de février ou avril 1946 selon divers numéros du Bulletin. En octobre 1945, il était devenu le président de la commission des Affaires allemandes de l’UNITEC et il créa, le 1er février 1946, la Section textile à la Production industrielle. Il fonda ensuite la Mission de l’UNITEC en Allemagne (avril 1946) et partit aussitôt.

Le Congrès technique français se réunit à Paris à la fin juin 1946 et l’assemblée générale de l’UNITEC se tint dans la foulée à Versailles, sous la présidence effective d’Émile Labeyrie, ancien gouverneur de la Banque de France du Front populaire et maire de Versailles depuis 1944. Dans le même temps, se tint aussi le Congrès de la pensée française, à la salle Pleyel, sous l’impulsion de l’Union nationale des intellectuels, issue de la Résistance. Les premières dissension apparaissaient alors à l’UNITEC ; Clicques venait d’être remplacé par Jean Bouchard, ingénieur ICIL et, lors de la réunion de Versailles, tandis que Picard devient membre du comité directeur, Antoine démissionna de la présidence, remplacé par Florentin ; trois vice-présidents l’accompagnent : Bergeron, Mosnier et Picard. Lavallée devint secrétaire général adjoint. En juin 1947 juin a lieu, à Lyon, le second Congrès technique français à Lyon, consacré au Plan Monnet. Picard était membre de la commission du Plan et de la commission des Recherches scientifiques et techniques de l’UNITEC. Il devint secrétaire général de la Conférence technique mondiale. En avril 1948, se développa une nouvelle crise interne de l’UNITEC : Schwob devint président, Picard resta vice-président avec Bergeron et Vignal. Bouchard reste secrétaire général et Florentin devient trésorier.

En mars 1949, René Picard fut le délégué général de la Conférence technique mondiale et il représente l’UNITEC au second Congrès technique mondial, réuni au Caire. Le premier Congrès technique mondial s’était réuni à Paris, sous la présidence d’Antoine, du 16 au 21 septembre 1946 et avait donné lieu à la création de la Conférence technique mondiale. Selon l’ouvrage de F. Charpier et d’autres, il était membre d’une Commission des industries nationalisées, instance proche du secrétariat du PCF, qui aurait eu un rôle dans le développement de son appareil commercial et financier. F. Charpier et al., Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, Paris, La Découverte, 2014.)

L’épuration des cadres dirigeants de l’économie et de l’État issus de la Résistance et liés au Parti communiste ou proches compagnons de route provoque alors une série de révocations : par exemple celle de Daniel Florentin de la direction des Poudres et celle Bouchard lui aussi ingénieur des Poudres, celle de R. Lescuyer, secrétaire général d’EDF, celle de Marcel Weill, directeur général de la SNECMA, celle de Marcel Mosnier, directeur de Berliet, celle de Raymond Aubrac, ingénieur des Ponts et Chaussées et secrétaire général du ministère de la Reconstruction, et celle de Picard. Picard est lui aussi licencié de son poste à la tête de la direction des recherches de son entreprise à cause de ses engagements politiques.

Aubrac, Weill, Mosnier et Picard, les trois derniers membres du parti communiste, créérent alors ensemble, à l’été 1948, un bureau d’études, le BERIM (Bureau d’études et de recherches pour l’industrie moderne). Picard et Aubrac s’étaient connus sous l’Occupation, à Lyon, par l’intermédiaire du docteur Descomps. Marcel Weill est un polytechnicien communiste comme Picard. Mosnier et Picard sont issus de la résistance lyonnaise. Mosnier avait été nommé à la tête de Berliet par le commissaire de la République lyonnais, Yves Farge, pour en organiser la nationalisation. Épaulés par la Banque commerciale de l’Europe du Nord et son principal dirigeant, Charles Hilsum, tous quatre se mettent, avec le BERIM, à la disposition des mairies de la banlieue rouge et des gouvernements des démocraties populaires pour tout ce qui concerne la reconstruction. En 1953, ils créent une société commerciale, la SORICE (Société de représentation industrielle et de commerce pour l’Europe), adossée au BERIM, qui servait d’intermédiaire pour les échanges entre l’Ouest et l’Est et qui était en particulier en charge du rétablissement des relations commerciales de la France avec la République de Chine populaire (témoignage de Raymond Aubrac, recueilli le 22 septembre 2008, et R. Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 244-261). C’est Picard qui en est, avec Weill, le principal responsable.

René Picard est membre des Combattants de la Paix et de la Liberté dès leur création et sa carte d’adhérent porte le nom de Commandant Morel. Il est alors président de l’Association des Amis de Max Barel. Il est aussi, en 1948, vice-président des Amitiés franco-polonaises que préside Joliot-Curie. Il continua de militer à l’UNITEC qu’il représenta pour une « Rencontre internationale économique » à Moscou, en avril 1952, au sein d’une délégation d’industriels et de commerçants, d’économistes et syndicalistes dans laquelle on trouvait en outre Paul Bastid (Institut Delprat et revue Économie et humanisme), Jean Duret (CGT), Jacques Bounin et Jacques Armel (voir L’Observateur du 3 avril 1952).

René Picard reprit, après la guerre, ses activités d’alpiniste de haut niveau. Il suivit de près les débuts du GUMS (Groupe universitaire de montagne et de ski), groupe de jeunes étudiants adhérent de l’UJRF, créé en 1948, dont son fils Étienne était un des animateurs avant d’en devenir le président. René Picard en fut même « le parrain », selon le mot d’une des jeunes fondatrices, Monique Selle. Selon les témoignages, celui-ci a en effet une forte personnalité, attractive ou attirante, pour ne pas dire charismatique : « Il était actif par sa simple présence » dit un autre jeune fondateur, Jacques Labeyrie (entretien du 25 août 2008). Très souvent présent à « Bleau » - c’est-à-dire en forêt de Fontainebleau - aux rendez-vous de week end du GUMS, toujours avec sa femme désormais rivée à un fauteuil roulant par la sclérose en plaques, participant à l’encadrement de stages en montagne et à la formation des jeunes cadres de l’association, il joua un rôle essentiel dans les premières années du GUMS. Comme il fut aussi un mycologue passionné, il contribue à orienter les premiers Gumistes vers la récolte des champignons.

Picard décéda en 1987 des suites d’une chute de cheval.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article168521, notice PICARD René, pseudonymes Roux, Morel, Maurel par Michel Pinault, version mise en ligne le 16 décembre 2014, dernière modification le 3 novembre 2022.

Par Michel Pinault

SOURCES : Papiers de la famille, questionnaires biographiques de la commission des cadres du PCF (6 décembre 1945, 18 janvier 1948), entretiens avec Claire, Dominique et Alain Picard et avec Raymond Aubrac, menés par Michel Pinault en 2008. M. Pinault, « GUMS 1948-1955, Une association dans l’air du temps », Le Crampon, la revue du GUMS de Paris, hors-série, octobre 2008.

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