BLANCHO François, Marie, Valentin

Par Claude Geslin

Né le 20 juin 1893 à Saint-Nazaire (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), mort le 2 février 1972 à Saint-Nazaire ; militant syndicaliste et socialiste ; député-maire socialiste de Saint-Nazaire, ministre.

Fils d’un mécanicien sur les paquebots de la Compagnie générale transatlantique et d’une mère couturière, orphelin de père à deux ans, F. Blancho habita Redon (Ille-et-Vilaine) jusqu’à la mort de sa mère, sept ans plus tard. De retour à Saint-Nazaire et recueilli par une tante, il fréquenta l’école Jules-Ferry jusqu’à douze ans, âge auquel il entra comme mousse à la chaudronnerie du Chantier de Penhoët. Il y apprit le métier de traceur en chaudières. Il quitta le Chantier de Penhoët à la suite d’une grève en 1913 pour travailler au Chantier de la Loire comme chaudronnier et soudeur autogène. En 1916, il entra à la maison Fichter comme pointeur sur les quais. Puis il fut mobilisé en qualité de mécanicien dans l’aviation.

Très vite, il se passionna pour les questions sociales et fut attiré par les organisations syndicales. Adhérent à seize ans aux Jeunesses syndicalistes, il en devint très vite le secrétaire. En 1914, il était secrétaire du puissant syndicat des métallurgistes de Saint-Nazaire et le bras droit d’Henri Gautier, leader incontesté du mouvement socialiste et syndicaliste nazairien, qui l’avait remarqué très tôt et dont il fut le véritable fils spirituel.

Dès sa démobilisation, il reprit son poste de secrétaire du syndicat des métallurgistes. Cependant, l’estime dont il jouissait déjà, son intelligence et son énergie devaient le conduire à occuper des postes plus importants encore. En 1921, il devint secrétaire de l’Union locale en remplacement de H. Gautier. Il redoubla alors d’activité et créa de nombreux syndicats portant les effectifs de l’UL à 12 000 membres. La même année il fut élu secrétaire de l’Union départementale de la Loire-Inférieure en remplacement de Cassin obligé de démissionner devant les attaques multiples dont il était l’objet depuis l’échec de la grève de mai. Son but était de maintenir l’unité du mouvement et il fut élu largement par 52 voix contre 8 seulement au candidat des révolutionnaires, Leberre. Il joua un rôle prépondérant au moment de la scission syndicale et contribua pour une large part à maintenir les positions de la CGT. Le 25 mai 1921, il prit une part active à la réunion du comité général de Nantes et d’une délégation de l’Union des syndicats de Saint-Nazaire qui se prononça à une large majorité (49 voix contre 9) en faveur du programme de la CGT. La même année, il fit de multiples tournées de propagande, organisa des manifestations et des réunions en faveur des fonctionnaires, des chômeurs (particulièrement nombreux dans le secteur de la métallurgie et dans le port), contre la guerre et lança de nombreux appels en faveur des affamés russes, des grévistes du Nord, des métallurgistes de Lille... Les années suivantes, il parcourut inlassablement le département, parfois au détriment de sa santé. Il s’était marié à Saint-Nazaire le 8 octobre 1921.

Il occupa tous ces postes délicats avec bonheur jusqu’en 1925 et obtint la conclusion de la première convention collective que l’on connaisse en France fixant un salaire minimum et prévoyant l’élection de délégués d’atelier. Il était un des principaux acteurs de la commission paritaire qui établissait les bordereaux de salaires.

Mais en 1925, il abandonna toutes ses activités syndicales pour prolonger son action sur le plan politique. En août, il fut remplacé par Jouvance comme secrétaire des métallurgistes de Saint-Nazaire et en septembre, le XIIIe congrès de l’UD confiait le poste de secrétaire de l’organisation départementale à Péneau.

Cependant son passage à la tête des organisations syndicales du département lui avait gagné l’amitié de la classe ouvrière qui tint à le remercier en lui offrant un cabinet de travail (bibliothèque garnie de livres offerte par l’UL de Saint-Nazaire, table et fauteuils offerts par celle de Nantes).

D’ailleurs Blancho continuera à s’intéresser en permanence à la classe ouvrière comme en témoigne son action à tous les niveaux, en particulier son discours sur le Droit au Travail prononcé en avril 1930 lors de la visite du Président de la République à Saint-Nazaire et sa participation, en 1933, à la marche des chômeurs de Saint-Nazaire sur Nantes suivie d’un discours à la Chambre pour mettre en lumière les difficiles problèmes que connaissait sa ville.

Blancho était entré de bonne heure au Parti socialiste SFIO et, avec Henri Gautier, il avait, avant 1914, travaillé au développement de la section. Lors du congrès de Tours, il se prononça pour la vieille « maison » dont il poursuivait l’implantation à Saint-Nazaire. La même année, il se mariait avec Léone Leroux, fille d’un militant socialiste, très connu dans la région.

Candidat du Parti dans de nombreuses élections à partir de 1919, il entra en décembre de cette même année au conseil municipal de Saint-Nazaire avec six autres socialistes, mais au deuxième tour, après avoir échoué aux élections législatives du 14 novembre dans le deuxième secteur de la Loire-Inférieure. Cependant ses tentatives de 1920 à 1924 se soldèrent par des échecs : lors de l’élection au conseil général dans le canton de Saint-Étienne de Montluc le 14 mai 1922 et lors des élections législatives du 1er décembre 1923 et de 1924 dans la première circonscription de Saint-Nazaire.

1925 devait être le point de départ d’une carrière politique brillante et rapide.

Le 28 février 1925, présenté par les sections socialistes du canton de Saint-Nazaire pour succéder à H. Gautier, décédé, au conseil général, il fut brillamment élu au premier tour avec une majorité de 591 voix sur ses deux concurrents réunis (4 158 contre 1 859 et 1 708).
Quelques mois plus tard, il devait conduire la liste du Parti socialiste à la conquête de la municipalité qu’il avait préparée avec Gautier. Seul élu au premier tour, il préconisa l’alliance des socialistes et des radicaux-socialistes pour la conquête des 23 sièges restants. La liste du bloc des gauches passant en entier au deuxième tour donna la majorité aux socialistes dans le conseil municipal (16 sièges sur 24) et Blancho fut élu maire de Saint-Nazaire avec quatre adjoints du Parti. Il devait le rester jusqu’en 1941 et même jusqu’en 1968 malgré quelques brèves interruptions.

En 1929, tête de liste, il devait faire passer toute la liste socialiste dès le premier tour, avec 800 voix d’avance sur la liste adverse, montrant par là tous les progrès qu’il avait fait accomplir depuis 1919 à la section socialiste de Saint-Nazaire.

Mais, en 1928, Blancho était à nouveau candidat socialiste dans la première circonscription de Saint-Nazaire. Il l’emporta au deuxième tour, le 29 avril, avec 10 691 voix contre 4 548 à Gouzer (républicain indépendant), 8 301 à De Lacoste (Alliance démocratique) et 15 à Favre (PC). Il devenait ainsi le premier député socialiste de la Loire-Inférieure. La même année, il était d’ailleurs réélu conseiller général de Saint-Nazaire.

Mais Blancho ne s’était pas contenté de briguer et d’obtenir des mandats politiques. Il avait payé de sa personne pour développer et affermir la position du Parti socialiste à Saint-Nazaire et dans tout le département. Il assuma ainsi le secrétariat de la Fédération socialiste SFIO de la Loire-Inférieure, en remplacement de Dalby, du 10 avril 1927 au 20 mai 1928 et devint gérant du Travailleur de l’Ouest, organe de la Fédération à partir du 1er janvier 1932 (en remplacement de Perrono) pour prendre en 1935 le titre de directeur politique du même journal... En outre, il représenta, à de nombreuses reprises, la Fédération dans les instances nationales du Parti. Blancho siégeait à la CAP en 1929.

Il fut très vite élu secrétaire de la Chambre des députés. Réélu jusqu’en 1932, il le fut à nouveau plusieurs fois par la suite. Cela ne l’empêcha pas de siéger dans plusieurs commissions, en particulier celle de la Marine marchande où il se plaçait pour défendre les intérêts de Saint-Nazaire et celle de l’Enseignement.

Dans son premier discours à la Chambre, il réclama l’institution du contrôle ouvrier et de l’école unique. De même, en décembre 1929, il prit la défense de l’école laïque et parla à nouveau en faveur de l’école unique. En janvier 1931, il était désigné par son Parti pour intervenir à la Chambre sur la question du chômage. À la suite de son intervention, et malgré l’opposition du gouvernement, la Chambre vota un crédit de 100 millions pour les chômeurs. En juin 1934, il fut à nouveau chargé par son groupe d’interpeller le gouvernement en faveur de l’école laïque.

En 1930, il avait fait partie de la commission d’étude envoyée à l’étranger, et notamment en Grande-Bretagne, par le Conseil national économique pour enquêter sur les conditions des constructions navales dans les autres pays. En 1932, il fut réélu député dès le premier tour par 12 415 voix contre 8 822 à son principal opposant, De Lapeyrousse. Réélu en 1936, il entraîna alors dans son sillage à la Chambre trois députés socialistes de la Loire-Inférieure : Pageot et Thiéfaine (nouveaux élus) et Leroux (député depuis 1932), confirmant la montée rapide du socialisme dans le département.

En juin 1936, il devint sous-secrétaire d’État à la Marine dans le premier cabinet de Léon Blum. C’est à ce titre qu’il fut pris à partie au Sénat par Dumesnil pour avoir suscité des « incidents » dans les Arsenaux au cours d’une tournée où il était chargé de l’examen des conditions de travail, de salaires et d’hygiène dans les arsenaux, établissements et ports de la Marine. On lui reprochait de s’être fait accompagner dans sa tournée par deux secrétaires de syndicat CGT (Lorient), d’avoir répondu aux invitations que lui avaient adressé les organisations syndicales, les sections socialistes, les groupements du Rassemblement populaire et d’avoir accepté, à deux reprises (en particulier à Brest), que les ouvriers chantent l’Internationale.

En juin 1937, il fut encore sous-secrétaire d’État à la Marine militaire et le resta jusqu’en janvier 1938 date à laquelle son Parti se retira du gouvernement tout en gardant son soutien au nouveau ministère Chautemps.

De mars à avril 1938, il occupa le même poste de sous-secrétaire d’État à la Marine militaire dans le deuxième ministère Blum.
Son activité dans le domaine de la marine le conduisit à faire partie d’une mission de parlementaires chargés d’enquêter sur la sécurité à bord des navires français, l’Île de France et le Normandie. À cette occasion, il fit un voyage aux USA (New York, Washington) en juillet 1939.

Mais il ne négligeait pas pour autant Saint-Nazaire où le 6 novembre 1938, il inaugurait la Maison d’hygiène sociale et des agrandissements de la Maternité. Enfin, de mars à juin 1940 il devenait sous-secrétaire à l’Armement dans le ministère Paul Reynaud.

La guerre allait arrêter cette brillante carrière surtout sur le plan national. Le 10 juillet 1940, les quatre députés socialistes de la Loire-Inférieure votaient la délégation du pouvoir constituant au maréchal Pétain.

Pourtant, en décembre 1940, F. Blancho donnait sa démission de maire de Saint-Nazaire mais celle-ci lui fut refusée. En mai 1941, avec tous les socialistes de son conseil municipal il offrait à nouveau sa démission. Révoqué, arrêté par les Allemands et inscrit sur une liste d’otages que l’on devait fusiller, il dut à l’intervention de G. Prache auprès de M. Déat et Benoist-Méchin d’échapper à l’exécution et fut finalement expulsé de Saint-Nazaire en février 1942. Réfugié en zone libre, il revint à Saint-Nazaire après la libération de la ville.

À la Libération, il fut nommé délégué départemental adjoint à la reconstruction. Mais son vote du 10 juillet 1940 l’avait fait exclure du Parti socialiste SFIO par le XXXVIe congrès socialiste réunit à Paris en novembre 1944. Malgré tous ses efforts et ceux de ses amis nazairiens, son exclusion était confirmée par le XXXVIIe congrès en août 1945 et maintenue par le XXXVIIIe congrès en août 1946 par 2 450 voix contre 1 328. Ce congrès décida en outre qu’aucune demande de réintégration ne pourrait plus désormais être soumise à un congrès du parti par des parlementaires qui avaient voté oui à Vichy. Mécontents, de nombreux socialistes de Saint-Nazaire allaient jusqu’à envisager la création d’un parti néo-socialiste... Le XXXIXe congrès de Lyon n’eut même pas à examiner le cas Blancho.

Pourtant, fort de la sympathie de la classe ouvrière nazairienne qu’il a toujours conservée, fort de l’amitié des dirigeants locaux du Parti socialiste SFIO (son ami Jean Guitton, maire puis député de Saint-Nazaire, n’avait accepté ces postes qu’en tant qu’intérimaire et en attendant la réintégration de Blancho dont il se fit partout l’avocat), fort de la décision favorable d’un jury d’honneur, en dépit de ses nombreuses déclarations concernant sa décision de se soumettre à la discipline du parti (conférence faite à Redon le 13 mai 1945 dans le cadre de la section locale du Parti SFIO et devant les réfugiés de Saint-Nazaire), en dépit de l’opposition du secrétaire fédéral du Parti SFIO de la Loire-Inférieure, Théodore Staub, las d’attendre une hypothétique réintégration, il décida de se présenter sur la liste du Parti aux côtés de Jean Guitton, aux élections municipales de 1947. Sa candidature fut acceptée à mains levées par la section de Saint-Nazaire. Il fut élu avec sa liste et redevint maire de Saint-Nazaire en novembre.

Dès lors, il se consacra avec passion à la reconstruction de sa ville. Élu à nouveau député de la sixième circonscription de la Loire-Inférieure de novembre 1962 à mars 1967, il devait abandonner la vie politique en 1968. Il laissait son poste de député à Georges Carpentier et la mairie de Saint-Nazaire à Étienne Caux, tous socialistes du Parti SFIO.

François Blancho fut toujours membre, en mai 1955, du syndicat FO des métaux de Saint-Nazaire dont le secrétaire général fut alors Paul Malnoé.

Blancho, qui pendant toute son existence n’a jamais cessé de militer dans de très nombreux groupements : Comité de défense laïque, Libre Pensée, Amicale scolaire Jules Ferry, Ligue des Droits de l’Homme dont il fut président de la section locale lors de sa reconstitution en mars 1949, mouvement coopérateur (après la Première Guerre mondiale, il fonda et dirigea pendant quelque temps la boucherie coopérative de Saint-Nazaire puis devint membre de l’Union des coopératives de la Loire-Inférieure, de la Ruche nazairienne, de la Fraternelle et de l’Imprimerie Ouvrière), est resté fidèle à Saint-Nazaire et à sa classe ouvrière dont il a toujours gardé la simplicité malgré la réussite d’une belle carrière et tous les honneurs s’y rattachant.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16875, notice BLANCHO François, Marie, Valentin par Claude Geslin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 19 avril 2021.

Par Claude Geslin

SOURCES : Arch. Dép., Loire-Atlantique, série M. — Le Travailleur de l’Ouest, 1921-1940 et 1948-1951. — Le Réveil syndicaliste, 1921. — La Bretagne communiste, 1923. — Jacques Bonhomme, 1935. — L’Aurore socialiste, 1945. — Clarté, 1946-1947. — L’Ouest syndicaliste, 1955. — Le Monde, 4 février 1972. — Dictionnaire des parlementaires. — Fonds d’archives J. Gaumont — G. Prache, lettre de F. Blancho, 10 novembre 1941. — État civil, Saint-Nazaire, 31 mars 1981. — Renseignements fournis à Jacques Girault par l’Association des Amis de F. Blancho présidé par Monsieur Paul Lièvre. — Force Ouvrière, hebdomadaire de la CGT-FO, 26 mai 1955.

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