BLANCKAERT Roger

Par Jean-Michel Brabant, Michel Pigenet

Né le 16 juin 1903 à Dunkerque (Nord), mort le 26 novembre 1969 à Paris ; ouvrier métallurgiste (mécanicien ajusteur) puis responsable syndical de la Batellerie jusqu’à sa mort ; militant du Parti communiste jusqu’en 1930 puis oppositionnel.

Louis Blanckaert, père de Roger, fut conseiller municipal socialiste de Dunkerque, élu sur la liste de Charles Valentin, maire de 1925 à 1938. Son fils s’engagea dans l’action militante d’une manière radicale en adhérant au Parti communiste et, en 1927, il était membre du bureau du rayon de Dunkerque. Cette appartenance fut remise en cause par une procédure d’expulsion engagée avec l’appui du Bureau politique apporté dans un article des Cahiers du Bolchevisme de mai 1930 et devint effective en juillet 1931. R. Blanckaert devait cette mesure à son activité à la tête du syndicat unitaire de la Petite batellerie et à son ralliement à l’Opposition unitaire constituée dans la CGTU autour de la direction de la Fédération de l’Enseignement.

R. Blanckaert était un militant syndicaliste plus que politique et son action ne devait plus quitter le terrain professionnel. La Batellerie n’était pourtant pas sa profession d’origine. Ouvrier métallurgiste quand il adhéra à la CGTU, ce fut en tant que tel qu’il devint un des dirigeants de l’Union locale. Délégué à ce titre auprès des mariniers afin de les organiser, il participa à la création du syndicat de la Petite batellerie qui vit le jour en août 1929. À partir de cette date, il ne quitta plus cette corporation d’adoption : il fut le principal animateur du syndicat unitaire de la Batellerie et, pratiquement, l’unique rédacteur de son journal L’Unité Batelière.

Sensible aux effets, qu’il jugeait désastreux sur le plan syndical, de la tactique « classe contre classe » du Parti communiste, R. Blanckaert tenta de trouver la voie d’une opposition. En désaccord avec la CGT, dont les militants l’agressèrent en septembre 1930, il n’acceptait pas non plus les thèses défendues par le Comité pour l’indépendance du syndicalisme. Dans la Vérité, organe de la Ligue communiste (trotskyste) à laquelle il n’adhéra jamais, il signa le 8 août 1930 un article contre le CIS qui, visant seulement à l’unité, ne critiquait pas assez nettement, selon lui, les dirigeants confédérés. R. Blanckaert signa, dès juin 1930, en tant que secrétaire des mariniers unitaires de Dunkerque, la déclaration de l’Opposition unitaire dans la région du Nord avec Eugène de Vreyer*. Ce choix s’expliquait en grande partie par le bilan qu’il tirait de la grève menée par la Batellerie dunkerquoise. C’est en décembre 1929 qu’un conflit éclata entre mariniers et affrêteurs pour l’institution des « bureaux de tour ». La grève fut menée durement avec blocage des canaux, barrages, etc. et, à l’issue du conflit, Blanckaert fut emprisonné puis condamné en mars à deux mois de prison pour entraves à la liberté du travail ; il fut libéré en mai 1930.

Le Parti communiste avait voulu pousser le mouvement le plus loin possible. Victor Engler* qui défendait les thèses du CIS, avait combattu cette initiative. Blanckaert, au centre de ce duel et au cœur de la lutte, s’opposa à l’Union locale et chercha la voie médiane de l’Opposition unitaire. Dirigeant reconnu des mariniers, il devint, au lendemain de son emprisonnement, secrétaire du Conseil syndical de la Batellerie du Nord et du Pas-de-Calais. Délégué à ce titre au congrès confédéral, en novembre 1931, il fut élu à la CE confédérale et il s’associa à la déclaration de l’opposition regroupée derrière la Fédération de l’Enseignement. Dans un rapport de décembre 1931, la police le présentait comme membre de l’opposition unitaire, représentant le tendance trotskyste dans la CGTU et signalait ses nombreux séjours à Paris. Les 9 et 10 septembre 1933, il assista au congrès de l’Union régionale du Nord, conservant ses responsabilités syndicales malgré ses prises de position. Il avait joué un rôle actif dans les grèves des bateliers qui dura du 19 au 26 août 1933.

Sur le plan de la profession, il proposa, avec les mariniers, la généralisation des « bureaux de tour » sous l’autorité des bateliers et institua une caisse de chômage. Le syndicat unique de la Batellerie, qui comptait en 1934, 3 700 syndiqués vota son rattachement à la Fédération unifiée des ports et Docks et, par la suite, à la CGT. Blanckaert fut réélu en 1934 secrétaire avec Léon Legoff*, Télesphore Lalouette* et Maurice Porreye*.

Rapporteur de la commission des mandats lors du congrès de réunification de décembre 1935, il fut élu, par 191 voix contre 129 au candidat des unitaires - Philippe -, au secrétariat de la Fédération des Ports et Docks en qualité de représentant des bateliers. Trois ans plus tard, les syndicalistes communistes le prirent rudement à partie à travers la critique du faible intérêt que la Fédération avait manifesté envers les travailleurs de la branche pendant les grèves de 1936. Par suite, sa reconduction à la tête de l’organisation ne fut confirmée qu’après un débat marqué par le souvenir des conditions de son élection en 1935. Blanckaert n’en doutait pas qui vit dans la cabale dont il s’estimait victime « la petite vengeance personnelle de quelques-uns ».

La grande grève de juin 1936 se fit sur les mots d’ordre précédemment définis, s’accompagnant de sabotages d’écluses et de jets de pierres contre les péniches des non-syndiqués. Les barrages formés à Dunkerque furent les derniers à se disloquer le 28 juin.

Après l’armistice, il fut chargé par la Fédération de former un comité de coordination en zone Sud. On lui reprocha de n’avoir jamais réglé le matériel reçu et d’avoir tenté de créer une structure dissidente fin 1941-début 1942. Membre, en janvier 1942, de la commission provisoire d’organisation de la famille des transports, une note de police le soupçonnait, le 18 juillet 1942, de profiter de son mandat pour faire de l’agitation communiste dans le Sud-Est. Telle n’était pas, à l’évidence, l’intention de Blanckaert. Entré en conflit avec les dirigeants fédéraux demeurés en zone occupée, il fut accusé par Le Gall d’avoir tenté de l’évincer à l’occasion d’un séjour qu’il effectuait dans le Midi.

Démissionnaire sous contrainte ou exclu, il cessa de figurer dans les instances fédérales en 1943. Ses adversaires ne manquèrent pas de l’attaquer, à la Libération, sur son attitude après l’invasion de la zone sud. Selon une lettre privée de Loriot tombée dans les mains de Gagnaire, Blanckaert aurait parlé à la radio et dirigé, à Sète où il s’était installé, une coopérative. Un militant du cru parla d’une entreprise du bâtiment travaillant pour les Allemands. Toujours secrétaire du Syndicat unique de la batellerie, Roger Blanckaert s’empressa, en 1945, de reconstituer son organisation. Son exclusion à vie, l’année suivante, de la Fédération des Ports et Docks, ne l’empêcha pas de marquer des points dans un milieu qu’il connaissait parfaitement et savait sensible à son discours unitaire. Les militants du syndicat artisanal de la batellerie affilié à la CGT éprouvèrent ainsi des difficultés à convaincre leurs propres adhérents de s’en défier. En 1955, Normand, le délégué de ladite organisation relata comment, deux ans auparavant, celle-ci avait subi l’assaut du Syndicat unique, tenu pour « affilié à FO ». Il déplora une « certaine soumission » au Syndicat artisanal de Blanckaert, exclu de la CGT, mais qui avait su conserver dans son syndicat des « éléments qui ne nous sont pas hostiles ».

Au lendemain de la guerre, il fonda la Caisse nationale de retraite et de maladie de la corporation dont il devint en 1949 le président. Il était également membre du conseil d’administration de la société de reconstruction du port fluvial et il joua, à partir de 1951, un grand rôle en faveur de l’achèvement du canal du Nord. Il fut enfin à l’origine des écoles de la Batellerie, en particulier à Lille. Ce fut lors d’une réunion de la Caisse de retraite qu’il mourut.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16879, notice BLANCKAERT Roger par Jean-Michel Brabant, Michel Pigenet, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 7 février 2016.

Par Jean-Michel Brabant, Michel Pigenet

SOURCES : Arch. Nat. F7/13170, Dunkerque, 17 juillet 1934. — Arch. Dép. Nord, M 595/35. — Arch. Chambre de Commerce Dunkerque. — CAC, versement 199440500 (dossiers revenus de Moscou), dossier 187, fiche de police de décembre 1931. — Le Nord maritime. — La Vérité, 1930, 2 janvier, 14 novembre 1931 et 15 septembre 1933. — Texte de M. Vandenbussche. — Témoignages de Mme Topp, de M. Verhille et de M. Tibier. — : Archives nationales : F22 1968 et 1974. Centre des archives contemporaines : 770 770, articles 35 et 42). Arch. de l’ICGTHS, dossier de la commission de Reconstitution des organisations syndicales. Congrès de fusion des syndicats Autonomes, Confédérés et Unitaires, 13-15 décembre 1935 (Le Havre) ; Congrès national de la Fédération des Ports et Docks des 27-29 janvier 1938 (Nantes), 19-22 mars 1946 (Paris) ; 17-18 mai 1955 (Paris).

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