PACCI Giovanni [pseudonyme Émile] Écrit parfois PACI.

Par Jean-Claude Magrinelli

Né le 14 mars 1916 à Sant’Agata Feltria (Émile-Romagne, Italie), fusillé le 14 août 1942 à La Malpierre, commune de Champigneulles (Meurthe-et-Moselle) ; monteur en fer aux Forges et Aciéries de la Marine à Homécourt  ; membre des jeunesses communistes d’Auboué avant la guerre puis d’un groupe de trois aubouésien à partir de janvier 1941, participa au sabotage de l’usine d’Auboué dans la nuit du 4 au 5 février 1942, responsable militaire régional des FTP, condamné à mort par le TMA le 20 juillet 1942 à Nancy en conclusion d’un grand procès de 40 FTP.

AD 54 102 W 1. Photo prise devant chez Giovanni Pacci, aux cités du Tunnel, avant la guerre.

Pacci Giovanni (L’orthographe du nom varie selon les sources : les recensements orthographient Paci, les rapports de gendarmerie, de police et préfectoraux Pacci, sur le procès verbal d’audition établi le 23 juin 1942 par la SIPO und SD de Nancy, Giovanni signe Paci) naquit en 1916 à Sant’ Agata Feltria, une petite bourgade de la province de Rimini en Émilie-Romagne. Son père Louis était né à Sant’ Agata Feltria en 1882, ainsi que sa mère Maria Bianchi de son nom de jeune fille, en 1884. Le couple eut quatre enfants : Terzo né en 1912 à Auboué ; Ferdinand né en 1913 à Auboué ; Giovanni né en 1916 à Sant’Agata Feltria et Iolanda née en 1922 à Auboué. On peut penser que la famille vint s’installer à Auboué avant 1914, rentra en Italie durant la Première guerre pour revenir à Auboué au début des années 1920. Giovanni Pacci travailla aux Forges et Aciéries de la Marine à Homécourt comme monteur en fer. Célibataire, il habitait chez ses parents au n° 75 des cités du Tunnel à Auboué. Il fut naturalisé français par décret du 27 mars 1931.

Sous le Front Populaire, il milita aux jeunesses communistes locales aux côtés de nombreux camarades comme les frères Maurice et Roger Henry, les frères Pierre et Jean Bertrand, les frères Octavio, Marino, Ricciotti et Ricciero Corzani, Henri Koziol... Il participa aux activités sportives et de plein air organisées par Mario Tinelli pour le groupe des jeunesses communistes et le groupe de l’Union des Jeunes Filles de France, aux actions de soutien à l’Espagne républicaine. De la classe 1936, il accomplit son service militaire au 94e Régiment d’Infanterie à Commercy.

Nous ignorons ce qu’il fit après l’interdiction du Parti communiste mais les péripéties de la guerre le portèrent en zone sud. Cependant, à partir de septembre 1940, Camille Thouvenin et Mario Tinelli avec l’aide de Gino Parentelli, Maurice Froment et Jean Larini constituèrent les premiers groupes de trois à Auboué. Revenu de la zone libre en janvier 1941, Giovanni Pacci prit toute sa part à leur développement. En mars 1941, les cités du Tunnel comptaient cinq groupes ; les cités de Géranaux deux et les cités de Coinville un. En mai-juin 1941, à la suite de la visite de Pierre venu de Paris, les jeunesses communistes furent organisées de façon autonome et placées sous la direction de Giovanni Pacci puis de Lino Perrazini. Maurice Henry et Henri Koziol réorganisèrent les jeunes filles de l’ex-UJFF avec l’aide des soeurs Ida et Germaine Pederzoli. En avril 1941, le maréchal des logis chef de la brigade d’Auboué constatait qu’« un mouvement communiste paraît se dessiner dans la commune… (et qu’) il a été impossible jusqu’à présent d’obtenir aucun renseignement sur les auteurs et distributeurs de ces tracts ». Avec la distribution massive du tract « Bas les pattes devant l’Union soviétique » puis le pavoisement de la ville par les groupes clandestins à l’occasion du 14 juillet, l’autorité préfectorale eut la confirmation de la puissance du mouvement et réagit par l’internement de 8 communistes notoires pour 25 jours à la prison de Briey.

En juillet 1941, Giovanni Pacci fut repéré par la gendarmerie locale. Il figura en effet sur l’« État des militants communistes ou individus dangereux qu’il conviendrait d’interner », établi le 11 juillet 1941 par le maréchal des logis chef Thiriet, commandant la section de gendarmerie de Briey et destiné au préfet régional Jean Schmidt. Elle comprenait 71 noms dont 19 de militants domiciliés à Auboué. Le nom de Giovanni Pacci figura aussi dans un rapport de la brigade d’Auboué daté du 16 juillet. Il y était qualifié d’« agitateur ». Enfin, son nom apparaissait sur la liste de 33 « militants communistes notoires » établie par le maire d’Auboué courant juillet. Par contre, Giovanni n’était pas cité sur la liste préfectorale des « ex-dirigeants communistes de l’arrondissement de Briey » établie en août 1941. Aucune mesure d’internement administratif ne fut prise à son encontre dans l’année 1941, ce qui atteste qu’il était suspecté d’être un militant mais pas encore considéré comme un cadre du Parti communiste clandestin.

Camille Thouvenin, un des trois dirigeants clandestins du Parti dans le département, fut arrêté par la police allemande et la police française à Auboué le 22 juillet 1941 au domicile de la famille Foggi dans les cités du Tunnel. Avec l’arrestation de Jean Eggen en juin, le triangle de direction avait perdu deux de ses membres. Il était nécessaire de le reconstituer, en tenant compte du passage à la lutte armée à brève échéance. Pour Camille Thouvenin, « c’est dans ces circonstances que Pacci devint responsable. » Il ajoute : « Comment et à la suite de quelles circonstances Pacci est devenu responsable militaire en 1942 pour la région Est, c’est un mystère que nous ne connaitrons sans doute jamais. Ma succession à la direction de la région comme commissaire aux effectifs FTPF était pourtant prévue… C’était Marcel Simon ou René Gille qui naturellement devaient être appeler à diriger les groupes FTPF. En tout cas, si c’est une erreur d’Antoine (Joseph Roques, l’interrégional), elle est de taille puisque lui-même devait en être la victime. » Malgré cela, Giovanni Pacci devint le responsable régional des FTP. A quel moment précis ? Interrogé par Lucien Bascou le 8 juin 1942 au quartier allemand de Charles III, Narcisse Ippolito affirma que Pacci fut nommé chef régional des groupes de TP (Travail Particulier c’est-à-dire les sabotages) en décembre 1941, avec mission de multiplier et coordonner les actions des groupes. La date avancée par Narcisse Ippolito parait erronée. L’acte d’accusation du tribunal militaire allemand apporte quelques éclaircissements : « Ce fut en février dernier (1942) qu’une section terroriste fut constituée sous le commandement de Giovanni Pacci (…) Il constitua un groupe nord pour la région de Briey et un groupe sud pour la région de Nancy (…) Il recevait des instructions de mystérieux dirigeants parisiens qu’il connaissait seulement sous des prénoms. Il s’occupait des armes et des munitions. Il reconnaît qu’en février 1942 il devint le chef de la section terroriste (…) et que c’était un autre accusé, Jean Godefroy (…) qui en était le chef politique. Ce dernier donnait des ordres que lui Pacci transmettait à ses chefs de section. Pacci se rendit à plusieurs reprises à Paris, où il reçut des instructions du comité central par l’intermédiaire d’un terroriste qui s’intitulait secrétaire général de l’armée populaire ». Pacci déclara aux policiers de la GFP après son arrestation : » À Paris, aux Champs-Élysées, j’ai fait la connaissance d’un nommé Marceau (…), le général de l’armée populaire de l’ensemble des groupes FTP de France. » Il est possible que Pacci ait rencontré Albert Ouzoulias, dont un des pseudos était Marceau et qui avait les fonctions de responsable militaire national de l’Organisation Spéciale. Constatons que les liaisons de Giovanni Pacci avec la direction nationale ne commencèrent à s’établir qu’à partir de février 1942, qu’il était devenu alors responsable militaire régional des groupes de l’O.S. ; avant cette date, faute de cette liaison, l’organisation clandestine fonctionna de façon autonome. Elle agissait de sa propre initiative.

Au cours de l’automne et de l’hiver 1941, quatre incendies de récoltes eurent lieu dans le bassin de Briey : à Moutiers le 6 octobre 1941, à Briey le 13 décembre, à Moineville le 17 décembre et à Lantéfontaine le 20 décembre. Le sous-préfet de Briey en imputa la responsabilité aux communistes. En fait, ils étaient l’œuvre de Giovanni Pacci et de quelques-uns de ses camarades des jeunesses communistes d’Auboué. Les incendies de récoltes cessèrent fin décembre, sur ordre de la direction politique clandestine régionale du parti. Pacci organisa et participa, avec Narcisse Ippolito, Maurice Henry et Maurice Froment, dans la nuit du 31 décembre 1941, au cambriolage de la boulangerie de l’usine d’Auboué, « pour nous procurer de quoi manger (…) et aussi constituer une réserve de vivres pour pouvoir nourrir les camarades passés dans la clandestinité. »

Dans la nuit du 4 au 5 février 1942 eut lieu le sabotage à l’usine d’Auboué, le premier enregistré sur une installation industrielle dans le département. Le passage à la lutte armée et aux sabotages s’opéra après qu’un certain Sylvain ait apporté – à une date non précisée – à Pacci et Ippolito, dans un café d’Homécourt, « des directives du Centre qui préconisaient la formation d’équipes spéciales qui, sous le nom d’Organisation Spéciale, devaient se charger des sabotages. » Selon Pacci, « le plan lui aurait été suggéré par un dirigeant qui s’abrite derrière un pseudonyme. » Il fut perpétré par Giovanni Pacci, Narcisse Ippolito et Maurice Henry contre le transformateur et la machine d’extraction de la mine, par Henri Koziol et René Froment contre les moteurs de la briqueterie. La réaction des autorités allemandes fut immédiate : 20 otages furent pris à partir du 5 février. La police chercha en vain Giovanni Pacci qui ne s’était plus présenté à son travail depuis le 27 janvier 1942. La perquisition effectuée le 6 février par les policiers de la 15ème brigade au domicile de ses parents ne donna rien. Le 8 février, un avis de recherche régional concernant Giovanni Pacci, Mario Tinelli et Roger Henry fut lancé puis le 13, au niveau national cette fois. Le préfet reçut deux lettres anonymes en avril et juin 1942 l’informant que « le nommé Paci Jean fut arrêté le 4 février dernier (en fait, le 5 février) ensuite (sic) à l’attentat à la Centrale électrique d’Auboué. Il fut pris entre 9h 30 et 10 heures par les gendarmes Talland et Boglino » qui l’emmenèrent à la gendarmerie. Là, « avec le prétexte d’aller uriner dans la cour, il prit la fuite… Actuellement il reste dans la gendarmerie d’Auboué le pardessus de Paci. » Selon l’un des informateurs, « Paci, Tinelli, Henry, les trois compaires (sic) se trouvaient toujours à Auboué jusqu’au mardi 9 février date à laquelle ils prirent l’autobus pour Nancy. » Pacci était bien passé dans la clandestinité en se réfugiant « à Neuves-Maisons ainsi qu’à Chaligny dans la ferme Schneider. »

Après le sabotage d’Auboué, « notre organisation est restée inactive pendant un certain temps. Puis Pacci est revenu quinze jours plus tard environ et nous a désigné, Maurice Henry et moi, comme ses remplaçants », déclara Narcisse Ippolito aux policiers. L’inactivité avait été de courte durée, février et mars ayant été mis profit pour donner aux groupes de TP une direction politique en la personne de Jean Godefroy, à côté du chef militaire ; renforcer les groupes de TP dans tout le département ; dérober fin mars 425 kg de dynamite à Ludres qui furent répartis entre les groupes. A partir du 3 avril, les sabotages par explosif d’installations industrielles et de voies de communication commencèrent. Fin mars, « la présence de Pacci à Jarville » fut signalée et début avril, « une large diffusion du signalement de Pacci » fut faite auprès de toutes les forces de gendarmerie et de police. Giovanni Pacci organisa et participa à l’opération visant, le 14 avril 1942 en soirée, à libérer des internés communistes du camp d’Écrouves. Le projet du coup de main et le plan du camp avaient été présentés à Paris par lui même et l’opération avalisée par la direction nationale. La tentative échoua.

L’arrestation sur dénonciation et en flagrant délit de préparation d’attentat d’un très jeune FTP nancéien, Albert Vurpillot, le 22 avril 1942, dans le garage Saurer à Jarville qui travaillait pour l’occupant puis ses aveux apportèrent la confirmation aux commissaires Hoffmann et Anzinger de la GFP Grupp n° 30 de Nancy que Giovanni Pacci était le responsable militaire régional des groupes de TP. Il fut immédiatement ordonné aux autorités préfectorales de publier une affiche de signalement de Giovanni Pacci. Le 23 avril, 1 200 affiches et 14 000 affichettes furent placardées dans la région, offrant une prime de 100 000 francs à toute personne qui permettrait son arrestation. L’Écho de Nancy du 24 avril publia une mise au point du « Consulat Royal d’Italie à Nancy » informant ses lecteurs que « le recherché Paci Giovanni n’est pas sujet italien, mais citoyen français par naturalisation… ».

Les circonstances de son arrestation restent imprécises. Selon son dossier personnel conservé à Caen, il fut arrêté le 6 mai 1942 dans un train qui le ramenait de Paris, à la gare de la ville de Bar-le-Duc où il aurait eu sa planque. Reconnu par des gendarmes à son arrivée à la gare, il leur échappa mais fut arrêté par des gendarmes allemands quelques instants plus tard. Pour le commissaire Bascou, il fut arrêté le 10 mai. Pour sa part, le commissaire central de Nancy mentionna qu’il fut arrêté, sous la fausse identité de Georges Ollivier né le 13 juillet 1910 à Maxéville, en gare de Bar-le-Duc le 12 mai. Il fut emprisonné au quartier allemand de Charles III. Parallèlement à l’instruction de son dossier par la GFP, il fut inculpé le 25 juin 1942 par le commissaire Bascou, le chef de la section anticommuniste de la 15ème brigade, de « reconstitution de ligue dissoute, menées communistes, sabotages, destructions par explosifs, attaque à main armée, port d’arme, vols et complicité. » Dans le rapport de synthèse qu’il établit le 18 juin 1942, Lucien Bascou estima que « l’activité communiste et terroriste dans le secteur semble avoir été organisée par divers individus venus soit de la région du Nord, soit de la région parisienne… qui seraient entrés en relation avec le nommé Sensiquet Hubert qui serait le chef ou le secrétaire régional du parti communiste clandestin. (…) Ils semblent avoir trouvé dans la personne du nommé Pacci Giovanni (…) l’homme de main qu’il leur fallait pour faire effectuer des sabotages et commettre des attentats divers. » Il met en évidence le rôle de Pacci dans la formation du « groupe des jeunes terroristes d’Auboué » et conclut : « Pacci devait trouver un second parfait dans la personne du nommé Simon Marcel…, individu très dangereux et capable de tout, en fuite, très activement recherché. »

Thomas Pouty remarque fort justement que « son arrestation marque un tournant, (…) avec le démantèlement des groupes armés de Meurthe-et-Moselle. Car Pacci va parler (…) et il va donner beaucoup de détails. » En effet, il parla trois fois. Le 23 juin 1942, interrogé par les policiers allemands du SD, il indiqua que les « noms et adresses des membres du Parti communiste et des Jeunesses communistes dans le bassin de Briey » donnés par Ilario Meriggiola dit Dario « sont exacts. Je connais tous ces hommes personnellement. J’indique pour compléter les noms des communistes ci-après ». Il désigne alors 51 militants du bassin : 28 d’Auboué, 3 d’Homécourt, 4 de Moutiers, 5 de Jarny, 2 de Giraumont, 7 de Tucquegnieux et 2 de Joudreville. Cette liste sera communiquée, pour enquêtes complémentaires, à la 15e brigade régionale de police judiciaire qui s’acquitta de cette mission. Le 15 juillet 1942, au chef de la SAC de la 15e brigade Lucien Bascou, il donna 10 nouveaux noms. Le 8 août 1942, il « consent à fournir (au commissaire Lucien Bascou venu l’interroger au quartier allemand de Charles III) toutes explications sur l’organisation communiste clandestine dans le bassin de Briey et notamment d’Auboué (…) Je puis donc vous indiquer les noms des responsables et membres du Parti communiste d’Auboué d’une part, et des responsables et membres des Jeunesses communistes d’autre part et vous indiquer pour chacun d’eux le degré de responsabilité dans le travail clandestin effectué pour le parti. » Sont cités 40 hommes et femmes d’Auboué où « le parti comprenait plus de 150 membres », jeunes communistes et membres du Parti communiste réunis. Il désigna des militants qui avaient échappé à l’arrestation, 2 à Moutiers ; 3 à Jarny ; un à Giraumont ; 8 à Tucquegnieux ; 2 à Piennes (il mentionna qu’y fonctionnait un centre d’édition et de diffusion de la presse clandestine dirigé par Ernest Birgy alias Paul Dechene, Lazysz Rudolph alias Éric Rodolphe et Birgy Marie-Louise alias Marie-Lou) et 4 à Homécourt. 101 noms de militants du bassin de Briey furent donc donnés aux polices allemande et française. Cette dernière se garda bien, cependant, de transmettre à la police allemande les procès verbaux d’audition de Pacci établis le 15 juillet et le 8 août. La presque totalité des militants dénoncés le 23 juin fut déportée. Il est aussi avéré que Pacci accepta avant même de parler de se rendre dans plusieurs localités en voiture notamment Neuves-Maisons et Saint-Dié, pour désigner aux policiers allemands la demeure de militants. Il indiqua également la planque où se cachait Raymond Ruffet à Nancy depuis son évasion d’Écrouves et ce dernier fut arrêté le 16 mai par la GFP. Le 11 juin 1942, il permit, en les désignant aux policiers allemands, l’arrestation en pleine rue à Nancy d’Hubert Sensiquet et Jean Godefroy.

98 membres des groupes Pacci furent emprisonnés à Charles III, selon une information des R.G. obtenue auprès de la SIPO und SD en juillet 1942. 40 furent traduits devant le tribunal militaire de la FK 591 de Nancy le 16 juillet. Ils ne furent que 38 à comparaître, Narcisse Ippolito et Orlando Garatoni étant hospitalisés à la suite d’une tentative de se donner la mort. Ce fut un procès à grand retentissement de trois jours et, dans une très large mesure, le « procès Pacci » en raison des déclarations à charge de ce dernier contre certains de ses camarades. Jean Gallot, pris à partie, répondit à Pacci : « Devant les injures qui viennent de m’être faites, je demande à être fusillé. Je suis Français. Je n’ai pas menti et Pacci (ne) sera à mes yeux qu’un vulgaire assassin. » Georg Anzinger, le chef de la section IV de la SIPO und SD de Nancy qui avait mené l’enquête, appelé à la barre, présenta Pacci comme « un dur, intéressé à son travail, très vif, organisateur de premier ordre, distributeur de tracts. »

Giovanni Pacci fut retourné. Le dernier jour du procès, il termina sa déclaration finale ainsi : « J’aimerais en ce jour m’adresser à la jeunesse de France (…), à ces jeunes qui, comme je l’ai été, sont trompés par une politique emplie des calomnies les plus honteuses, menée par des chefs bolcheviques qui reçoivent leurs ordres directs de Moscou, qui sont payés par Staline et ses sbires. (…) En ce moment même, que font les communistes de la jeunesse ? Des voleurs et des bandits… Plus encore, par la faute des communistes, 20 mères porteront le deuil, ainsi que les orphelins. Est-ce là la politique de paix voulue par les bolcheviques, tandis que nos camarades allemands font leur possible pour construire une nouvelle Europe, pour le bien commun du monde entier ? Jeunes gens, rassemblez-vous, plus que jamais, pour notre maréchal qui veut faire de nous une nouvelle jeunesse. Nous devons aussi venir en aide à nos alliés, qui se battent pour l’extermination des capitalistes juifs qui veulent précipiter la jeunesse et le peuple entier dans la servitude. (…) J’achève mon appel, vive la France, vive le Maréchal, vive la grande Allemagne, vive les nationaux-socialistes. »

Il fut condamné à mort par le tribunal militaire de la FK 591 le 20 juillet 1942 pour « menées communistes et attentats », avec 14 autres FTP. Le 27 juillet, le M.B.F. confirma le jugement. Cependant, le Kommandeur de la SIPO und SD obtint un sursis à exécution pour Pacci, comptant probablement exploiter la situation pour approfondir son enquête sur les militants de la branche politique de l’organisation communiste qui avaient échappé à la répression. Les quatorze FTP furent fusillés le 29 juillet à La Malpierre. Giovanni Pacci fut fusillé le 14 août 1942 à 18h 35 à la Malpierre avec un de ses camarades, Henri Koziol, chef d’un groupe aubouésien de TP, arrêté le 15 juillet.

La SIPO und SD organisa à compter du 12 août 1942 une gigantesque rafle dans les Vosges et en Meurthe-et-Moselle. 237 personnes (267 selon le rapport du préfet Jean Schmidt à De Brinon du 18 août), hommes, femmes et enfants, apparentées aux résistants du groupe Pacci furent internées au camp d’Écrouves. Après interrogatoire, elles furent toutes progressivement libérées. 38 étaient des habitants d’Auboué appartenant à 13 familles, dont 7 membres de la famille Pacci : sa mère Maria (58 ans) et Yolande (19 ans) libérées le 21 août ; ses deux frères Fernand (28 ans) et Giacondo (34 ans) libérés le 26 août ; Elia (28 ans) et les deux enfants de Giacondo, Angelo (5 ans) et Maria (3 mois) libérés le 18 août. Ils ne furent informés de l’exécution de Giovanni qu’après leur retour à Auboué.

La mention « Mort pour la France » ne lui étant pas attribuée, son nom ne figure ni sur la stèle de La Malpierre à Champigneulles, ni sur le Caveau des Fusillés à Auboué. Dans cette ville, les derniers week-end de juillet, lors des cérémonies commémoratives annuelles de l’exécution des jeunes FTP en juillet 1942, son nom est cité parmi les fusillés mais sans la mention « Mort pour la France ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article168869, notice PACCI Giovanni [pseudonyme Émile] Écrit parfois PACI. par Jean-Claude Magrinelli, version mise en ligne le 22 décembre 2014, dernière modification le 17 décembre 2021.

Par Jean-Claude Magrinelli

AD 54 102 W 1. Photo prise devant chez Giovanni Pacci, aux cités du Tunnel, avant la guerre.
AD 54 1739 W 5. Affichette de mai 1942.
L’Echo de Nancy, 24 avril 1942, mise au point du Consulat d’Italie.

SOURCES : Archives départementales de Meurthe-et-Moselle :
6 M 33-28 : Recensement de 1936, commune d’Auboué ; W 42-35/1 : Lettres du kommandeur de la SIPO und SD Gemähling à la section anticommuniste de la XVème Brigade de police judiciaire concernant la « déclaration » de Giovanni Pacci du 23 juin et la « déclaration de Pacci sur Finot » ; 102 W 1 : Dossier n° 618, affaire « Pacci /Auboué » : il contient tous les procès verbaux d’audition de Giovanni Pacci et de ses camarades, leurs fiches individuelles de renseignements, les notes de la SIPO und SD et de la XVème brigade les concernant et concernant le déroulement des enquêtes. Il contient en particulier, la note de la SIPO und SD de Nancy du 15 juillet 1942 transmise à la XVème brigade de police judiciaire de Nancy, les procès verbaux d’audition par la GFP de Dario Mérigiola daté du 22 juin, de Giovanni Pacci daté du 23 juin, de Germaine Pederzoli daté du 6 juillet 1942 ainsi que les procès verbaux d’audition de Pacci datés du 15 juillet 1942 et du 8 août 1942 par le commissaire Bascou ; WM 312 : Rapports relatifs au sabotage d’Auboué et aux rafles d’otages de février 1942 ; WM 313 : Rapport du 23 avril 1942 du commissaire central de Nancy sur les conditions d’arrestation d’Albert Vurpillot et la mise à prix de Giovanni Pacci ; WM 321 : Rapports relatifs au procès de Nancy en juillet 1942 ; WM 325 : Rapports du maréchal des logis chef Hubert des 3 et 8 avril 1941 ; Rapport du gendarme Tilland commandant provisoire de la brigade d’Auboué, daté du 16 juillet 1941 ; Note au préfet du sous-préfet de Briey, Maurice Mancel, du 12 juillet 1941 ; WM 326 : Rapport daté du 24 décembre 1941 du commissaire des R.G. de Briey ; WM 333 : « État des militants communistes ou individus dangereux qu’il conviendrait d’interner », établi le 11 juillet 1941 par le maréchal des logis chef Thiriet ; WM 464 : Rapports du commissaire chef des RG au préfet sur le déroulement du procès de Nancy ; W 1304-21 à 24 : Correspondance entre autorités françaises et allemandes sur les prises d’otages ; 927 W 1 à 927 W 4 : Rapports (préfectoraux) sur les personnes fusillées et arrêtées par les autorités allemandes ; 927 W 3 : Rafle des familles : Rapport du sous-préfet de Briey du 14 août 1942 ; 927 W 164 et 182 : Liste et registre des internés au Centre de Séjour Surveillé d’Écrouves, période du 21 août 1941 au 20 novembre 1942  ; 1739 W 1 et 3 et 5 : Dossiers du SRPJ à Nancy : Rapports du commissaire Lucien Bascou au chef de la XVème brigade sur les enquêtes, avis de recherche, relations avec la police allemande.
AVCC Caen : TA 101 – 427, notamment Dossier 1 : « Information contre Pacci Giovanni et complices, inculpés de destructions, dégradations, coups et blessures commis à Auboué le 4 février 1942 » et Dossier 2 : « Jugement et pièces de procédure contre Giovanni Pacci et complices accusés d’intelligence avec l’ennemi, détention illégale d’armes et de non dénonciation de trahison ». — Sites Internet. – Mémorial GenWeb. — Notes de Dominique Tantin.
Sources bibliographiques :
Favre Claude : La Malpierre Des héros anonymes, AFMD / Lycée Cifflé Nancy, 2012
Laigre Franck, Les FTP. Nouvelle histoire d’une Résistance, Éditions Perrin, 2015
Magrinelli Jean-Claude : Le Front Populaire dans la vallée de l’Orne, Auboué-Homécourt-Joeuf, 1929/1939, maîtrise Université Nancy III, 1974
Magrinelli Jean-Claude et Yves : Antifascisme et parti communiste en Meurthe-et-Moselle, 1920/1945, SNIC Jarville, 1985
Magrinelli Jean-Claude : Ouvriers de Lorraine, 1936-1946, tome 2, Éditions Kaïros, 2020
Pennetier Claude, Besse Jean-Pierre, Pouty Thomas et Leneveu Delphine : Les fusillés 1940-1944, Éditions de l’Atelier, 2015
Pouty Thomas :Lutte armée communiste et répression des polices françaises et allemandes. L’exemple du démantèlement des premiers groupes armés de Meurthe-et-Moselle, dans la revue Communisme n° 97/98, 2009
Thouvenin Camille : La résistance dans la région Est, 20 pages dactylographiées, sans date
Journal Officiel, 5 avril 1931, page 3 921, sur la naturalisation de Pacci

Presse :
L’Écho de Nancy du 16 juillet 1942, article intitulé : « Un procès de terroristes » ; du 17 juillet 1942, articles intitulés : » Les chefs à l’arrière… le bétail en avant ! » et « Les terroristes moscoutaires devant le tribunal militaire de Nancy » ; des 18/19 juillet 1942, article intitulé : « Le procès des terroristes. Les attentats dans les régions de Briey et de Nancy » ; du 20 juillet 1942, article intitulé : « Les terroristes moscoutaires maudissent leurs chefs. La sentence sera rendue aujourd’hui » ; du 1er/2 août 1942 : « Avis » d’exécution de Narcisse Ippolito, Maurice Henry et Jean Godefroy.

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