BLIN Suzanne, Julie, épouse LANOY

Par Odette Hardy-Hémery, Michel Rousseau

Née le 8 juillet 1913 à Bully-les-Mines (Pas-de-Calais), torturée puis "suicidée" pour ne pas parler, le 6 mars 1944 à Douai (Nord) ; professeure ; militante communiste ; résistante, responsable du Front National dans la région du Nord.

Suzanne Blin était la fille d’un cheminot des mines, Paul Blin, et d’Hélène Demailly. Elève du cours complémentaire de Bully-les-Mines (Pas-de-Calais) de 1924 à 1929, elle fit de brillantes études à l’École normale d’institutrices d’Arras (Pas-de-Calais) où elle entra avec le numéro 1 en 1929. Admise en 4e année à l’ENI de Rennes (Ille-et-Vilaine), puis surveillante à l’ENI de Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord/d’Armor) où elle fut sanctionnée en 1935 (aucune trace ne figurait dans son dossier), elle fut reçue première au concours du professorat des écoles normales et des écoles primaires supérieures en 1935. Après avoir été institutrice stagiaire dans le Pas-de-Calais, à Fleurbaix puis au cours complémentaire d’Hesdin, elle exerça dans les ENI de La Roche-sur-Yon (Vendée) de 1935 à 1936, où elle eut comme élève Odette Roux, puis de Douai (Nord) de 1936 à 1940, date de la fermeture par le gouvernement de Vichy, des ENI considérées comme des foyers de laïcisme et de républicanisme. De 1940 à sa mort en 1944, elle enseigna à l’école primaire supérieure de Douai, rue Fortier. En mars 1940 à Douai, elle épousa un instituteur, René Lanoy. Un garçon naquit en 1942.

En 1934, Suzanne Blin adhéra au Parti communiste et mit ses connaissances au service du mouvement ouvrier. De 1936 à 1939, elle donna des conférences à la Maison de la Culture à Lille, ainsi qu’aux militants ouvriers à Douai. En 1936, elle devint la secrétaire parlementaire du député-mineur de Douai, Henri Martel.

À l’automne 1940, elle entreprit la réorganisation du Parti communiste clandestin du Douaisis avec Germinal Martel, fils d’Henri Martel, et Emmanuel Charlet et s’attacha particulièrement à constituer dans le Douaisis des comités féminins qui deviendront par la suite l’Union des Femmes Françaises. À la fin de 1941-début 1942, le Front National s’implanta dans le Nord. Son responsable départemental, Jean Mercier, instituteur, s’appuya sur René Lanoy et Suzanne Lanoy pour le Douaisis et le Cambrésis. Suzanne s’occupa spécialement de la propagande, rédigea le journal clandestin La Pensée Française, destiné plus précisément aux enseignants et aux intellectuels. À la fin de 1942, elle créa un nouveau journal du Front National : Vaincre.

La qualité du travail et les résultats obtenus firent désigner René Lanoy, en avril 1943, comme responsable départemental du Front National du Pas-de-Calais, responsabilité qu’il exerça jusqu’à la Libération sous le pseudonyme de « Gilbert ». Il dut de ce fait quitter son domicile et fut remplacé dans le Douaisis et le Cambrésis par Jacques Estager qui devint l’adjoint de Suzanne Lanoy-Blin. À la fin de 1942 déjà, Suzanne Lanoy-Blin fut convoquée au commissariat de police. Fichée aux Renseignements généraux, elle était soupçonnée de poursuivre une activité clandestine mais aucune preuve ne put être réunie contre elle. La police allemande eut vent de l’activité clandestine de René Lanoy ; elle perquisitionna à son domicile le 1er mars 1944 et découvrit un poste TSF et des documents ayant servi à la rédaction des journaux clandestins. Suzanne Blin-Lanoy fut conduite au siège de la police allemande, le Sichereitsdienst (service de sécurité SS), quai du Maréchal-Foch à Douai et y fut sauvagement torturée pendant cinq jours alors qu’elle était enceinte. Elle se suicida pour ne pas parler. La violence qui entoura son décès fut telle que les autorités allemandes tentèrent de le présenter aux membres de sa famille et aux responsables de l’administration française comme un suicide. À ses sœurs qui souhaitaient lui rendre visite le 7 mars 1944, les autorités allemandes firent savoir qu’elle s’est pendue la veille. Les Allemands l’enterrèrent à la sauvette le lendemain au cimetière de Douai et laissèrent des agents sur place au cas où René Lanoy viendrait se recueillir sur la tombe. Quelques jours après, des résistants plantèrent une croix portant ces mots : « Suzanne Lanoy, héroïne de la résistance morte pour la France le 6 mars 1944 ». René Lanoy, prévenu, évita l’arrestation à son domicile. Peu de temps après, un commandant FTP abattit le tortionnaire de Suzanne Lanoy.
Un vibrant hommage lui fut rendu dans la Pensée française d’avril-mai 1944.

René Lanoy trouva la mort dans un accident de voiture à la mi-décembre 1944. Il allait être nommé préfet du Pas-de-Calais.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16917, notice BLIN Suzanne, Julie, épouse LANOY par Odette Hardy-Hémery, Michel Rousseau, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 7 mars 2022.

Par Odette Hardy-Hémery, Michel Rousseau

SOURCES : Arch. Nat., F17/23612 B. —RGASPI, Moscou, 495 270 8480.— Jean Estager, Ami, entends-tu. La résistance populaire dans le Nord-Pas-de-Calais, Messidor-Éditions sociales, 1986. — Catherine-Astol, Le genre de la Résistance, la Résistance féminine dans le Nord de la France, Sciences Po les Presses, Paris 2015.p317à 319. — Notes de Jacques Girault ; notes de Line Roux.

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