BLOCH Marguerite [Marguerite Bloch, née Herzog, dite JEAN-RICHARD BLOCH Marguerite]

Par Jean-Pierre Besse et Rachel Mazuy

Née le 16 décembre 1886 à Elbeuf (Seine-Inférieure aujourd’hui Seine-Maritime), morte le 8 novembre 1975 à Paris ; Participe au premier Congrès des Écrivains soviétiques à Moscou en 1934 ; Exilée en URSS entre avril 1941 et décembre 1944 ; responsable nationale de l’UFF.

Jean-Richard et Marguerite Bloch au premier congrès des écrivains soviétiques avec Vladimir Pozner, Nouvelles Littéraires, 6 octobre 1934
Jean-Richard et Marguerite Bloch au premier congrès des écrivains soviétiques avec Vladimir Pozner, Nouvelles Littéraires, 6 octobre 1934

Le père de Marguerite, Ernest Herzog était manufacturier fabricant de drap à Elbeuf où il dirigeait l’usine Fraenkel-Herzog Sa mère, Alice Lévy, était sans profession et pratiquante. Ernest Herzog, juif alsacien, avait opté pour la France en 1870. Marguerite était la sœur d’André Maurois.

Selon sa fille Claude, elle ne fit pas d’études particulières et n’exerça jamais une profession. En fait, pendant leur exil en URSS, Marguerite fut professionnalisée par ls Soviétiques.

Elle rencontra puis épousa, le 26 septembre 1907, à Elbeuf Jean Bloch, dit Jean-Richard Bloch, issu d’une famille de polytechniciens. Destinées à vie bourgeoise de maîtresse de maisons, elle fut à la fois sa femme, la mère de ses enfants mais officia aussi comme l’une de ses secrétaires, avec plusieurs de ses belle-soeurs. Elles recopiaient en effet les textes des manuscrits de l’écrivain pour préparer leur publication. Avec Marianne et Michel, leurs deux aînés, elle suivit Jean-Richard Bloch en Italie durant l’année 1913-1914, pendant laquelle il enseigna l’histoire et la littérature française à l’Institut français de Florence.

Marguerite, surnommée Maguite, s’engagea progressivement de plus en plus à gauche, comme le reste de sa famille. Avant 1914, ce fut d’abord en côtoyant des intellectuels invités à Poitiers dans leur maison (La Mérigote), au temps où Jean-Richard Bloch avait réuni autour de deux revues révolutionnaires, L’Effort, puis L’Effort libre, des écrivains et des artistes. Au moment du Front populaire, on la vit participer seule à des réunions et des meetings antifascistes, en particulier quand les fonctions de Jean-Richard Bloch à Ce soir les conduisirent à résider longtemps à Paris. Elle adhéra, comme son mari, entre mai et début juillet 1939 au Parti communiste.

Si elle n’a pas accompagné Jean-Richard Bloch dans tous ses voyages, elle resta deux mois en URSS pendant et après le Congrès des écrivains soviétiques (ouvert le 17 août 1934), racontant ce voyage à travers une correspondance quasi quotidienne adressée à ses enfants et plus généralement à ses proches. Sans être alors communiste, Marguerite partit avec des sentiments très favorables à la patrie du socialisme. En septembre, après le Congrès, ils assistèrent au Festival théâtral de Moscou, partant pour le Caucase le lundi 17. Ils voyagèrent en Arménie, en Géorgie et en Azerbaïdjan jusqu’au début du mois d’octobre 1934, où Marguerite rentra en France pour assurer la rentrée scolaire de Claude, leur fille la plus jeune (Bloch ne rentrant qu’en décembre, après le procès de Kirov).

Selon les propos de Bloch, adressés à Romain Rolland, Marguerite était rentrée enthousiaste : « Ma femme est repartie elle-même, après deux mois de vie soviétique, complètement envoûtée par la grandeur et l’humanité de ce qui se fait ici, — ce commencement de monde. » (Lettre de Jean-Richard Bloch à Romain Rolland, 11 novembre 1934). Son Carnet vert de notes, montre malgré tout, que comme les autres Français présents au Congrès, elle s’interroge sur diverses questions : la famine en Ukraine, sur les bezprizorni (enfants des rues), sur la prostitution, les écarts de salaires...

En juin 1940, Marguerite fuit Paris pour rejoindre Poitiers avec fille Marianne, qui était alors enceinte, de la jeune allemande Mops Sternheim, du peintre Frans Masereel et de sa femme. Elle rédigea immédiatement après un récit que Jean-Richard Bloch proposa à Jean Paulhan, mais qui ne put être publié que de manière posthume par Claire Paulhan en 2010 (Marguerite Bloch, Sur les routes avec le peuple de France. 12 juin-29 juin 1940).

En avril 1941, le couple prit le chemin de l’exil. Ils vécurent près de quatre ans en Union soviétique, ne rentrant en France qu’en janvier 1945 (départ de Moscou en décembre). Comme lui, elle connût aussi l’exil intérieur au moment de l’avancée allemande, en partant d’abord à Kazan le 16 octobre 1941 avec des écrivains soviétiques, puis à Oufa (décembre 1941- décembre 1942), où Bloch reprit ses émissions pour « Radio-Moscou ».

A leur retour de Moscou en décembre 1942, Marguerite continua de travailler pour le Komintern, tout en rédigeant également des articles pour la presse soviétique. À certaines périodes, leurs archives montre qu’elle gagnait d’ailleurs plus d’argent que son mari, victime à plusieurs reprises de gros problèmes de santé. Pendant l’hospitalisation de Jean-Richard Bloch à l’hôpital du Kremlin, entre décembre 1943 et janvier 1944, leur correspondance montre également que son réseau de sociabilité évoluait entre le groupe des communistes français présents à Moscou, des amis ou des connaissances soviétiques et le réseau de la France libre (Mission militaire et Mission diplomatique).

Si elle ne reprit pas un véritable activité professionnelle à son retour en France, Marguerite milita de manière beaucoup plus intensive qu’avant la guerre, tout en conservant le rôle que le parti communiste assignait alors aux femmes. En effet, elle fut membre de la direction nationale de l’UFF, présidente du comité d’honneur de l’UFF et membre du conseil national du Mouvement de la paix. Elle assura également son rôle de veuve d’un intellectuel communiste, et de mère d’une « martyre ». Les liens qui s’étaient noués en URSS avec les Thorez furent conservés, comme en témoignent quelques lettres du fonds Maurice Thorez à Ivry. Les liens avec l’URSS furent également maintenus, notamment à travers des correspondances. En 1948, par le biais de France-URSS, elle reçut ainsi une petite boîte laquée des artisans de Palekh, qui reprenait le tableau de Guérassimov représentant Staline et Voroshilov marchant le long du Kremlin (1938), et contenait de la terre du mont Mamaiev, l’un des lieux symboles de la bataille de Stalingrad. Elle effectua un nouveau voyage en URSS en 1962, à l’occasion d’une exposition organisée en l’honneur de l’écrivain français à la Bibliothèque d’État de littérature étrangère, où elle fut notamment encadrée par l’écrivain Ilya Ehrenbourg, devenu un ami depuis leur exil soviétique.

Elle eut cinq enfants dont quatre ont vécu (Solange, née en 1919 mourut à un an) : Marianne née en 1909, mariée à Gérard Milhaud ; Michel Bloch, né en 1911, résistant ; France Bloch-Sérazin, née en 1913, résistante, décapitée à Hambourg en 1943 ; Claude, née en 1915 (décédée en 2009), qui, en 1939, avait épousé le poète espagnol Arturo Serrano y Playa, officier républicain en exil qui avait résidé chez les Bloch à Poitiers à la fin de la guerre civile (le couple s’exila en Amérique du Sud pendant la guerre).
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Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article16927, notice BLOCH Marguerite [Marguerite Bloch, née Herzog, dite JEAN-RICHARD BLOCH Marguerite] par Jean-Pierre Besse et Rachel Mazuy, version mise en ligne le 6 décembre 2022, dernière modification le 6 décembre 2022.

Par Jean-Pierre Besse et Rachel Mazuy

Jean-Richard et Marguerite Bloch au premier congrès des écrivains soviétiques avec Vladimir Pozner, Nouvelles Littéraires, 6 octobre 1934
Jean-Richard et Marguerite Bloch au premier congrès des écrivains soviétiques avec Vladimir Pozner, Nouvelles Littéraires, 6 octobre 1934
Déjeuner des Amis de la Commune avec Marce Cachin lisant un discours, entouré à sa droite de la fille de Zéphyrin Camélinat, Zélie Camélinat, et à sa gauche de Marguerite Bloch et de Francis Jourdain 24 mars 1953
Déjeuner des Amis de la Commune avec Marce Cachin lisant un discours, entouré à sa droite de la fille de Zéphyrin Camélinat, Zélie Camélinat, et à sa gauche de Marguerite Bloch et de Francis Jourdain 24 mars 1953
Marguerite Jean-Richard Bloch, Jean-Richard Bloch et Gaston Bensan lors d'une cérémonie du journal Ce Soir, ca 1945-1947, © Médiathèque François-Mitterrand, Poitiers.
Marguerite Jean-Richard Bloch, Jean-Richard Bloch et Gaston Bensan lors d’une cérémonie du journal Ce Soir, ca 1945-1947, © Médiathèque François-Mitterrand, Poitiers.

OEUVRES : Marguerite Bloch, Sur les routes avec le peuple de France. 12 juin-29 juin 1940, Édition établie et annotée par Philippe Niogret & Claire Paulhan, Préface par Danielle Milhaud-Cappe, Postface et Repères biographiques par Philippe Niogret, Editions Claire Paulhan, juin 2010. — Jean-Richard et Marguerite Bloch, (Édition présentée par Rachel Mazuy et Ludmila Stern), Moscou-Caucase. Été 1934, Lettres du voyage en URSS, CNRS Éditions, 2019.

P.-S.
SOURCES : Lettre de Claude Bloch, fille de Marguerite Bloch à Jean-Paul Besse. — — Ludmila Stern, « Moscou – Kazan – Oufa  : Jean-Richard Bloch en 1941-1942 », Revue historique, 2017/(n° 682), p. 359-384. — Rachel Mazuy, « Marguerite Bloch (1896-1975), femme d’écrivain en voyage », Cahiers Jean-Richard Bloch, N °21, octobre 2015, p. 201-217. — Rachel Mazuy, Ludmila Stern, éd., Moscou-Caucase. Été 1934, Lettres du voyage en URSS, Éditions du CNRS, 2019 (Introduction) — Rachel Mazuy, « Réflexions sur une date d’adhésion – Jean-Richard Bloch et le PCF (1937-1939) », Circulations, transferts et engagements politiques, 15 juin 2019. — Rachel Mazuy, « Un exil soviétique pendant la Grande Guerre patriotique (1941-1945). Exemplarité de la figure de Jean- Richard Bloch, intellectuel juif et communiste réfugié en Union soviétique pendant la guerre. », in Romain Ducoulombier, Jean Vigreux, Un parti global. Le PCF, un parti global (1920-1989), Éditions universitaires de Dijon, 2019. — Roland Roudil, Antoinette Blum (Édition présentée par), Romain Rolland et Jean-Richard Bloch. Correspondance (1919-1944), Éditions universitaires de Dijon,2019 — Médiathèque François-Mitterrand (Poitiers), Fonds Jean-Richard Bloch. — BNF, Fonds Jean-Richard Bloch (NAF 28222). — Archives municipales d’Ivry-sur-Sein, Fonds Thorez-Vermeersch.

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