Par Alain Dalançon
Né le 13 mars 1911 à Poitiers (Vienne), mort le 31 décembre 2000 à Poitiers ; professeur dans l’enseignement technique ; résistant, militant communiste, militant syndicaliste du SNET puis du SNES.
Fils de Jean-Richard Bloch, professeur agrégé d’histoire au lycée Henri IV de Poitiers, militant socialiste, écrivain, futur journaliste et directeur du journal communiste Ce soir, et de Marguerite Bloch, née Herzog
(Elbeuf 1886-Paris 1975), sœur d’Emile Herzog, alias André Maurois, Michel Bloch avait trois sœurs : Marianne (1909-2003), France (1913-1943), Claude (1915-2009).
Michel Bloch commença l’école à domicile, puis entra au lycée de Poitiers et poursuivit ses études secondaires à Paris aux lycées Charlemagne puis Janson-de-Sailly. Il fut très influencé par les idées politiques de son père mais ne commença à avoir de préoccupations dans ce domaine qu’à partir de l’âge de vingt ans. Il entama ses études supérieures à Paris et logeait chez ses grands-parents, boulevard Malesherbes. Il obtint une licence d’histoire-géographie puis une bourse auprès de l’Université de Vienne (Autriche), où il arriva le 30 janvier 1933 (jour où Hitler devint chancelier de l’Allemagne) et demeura jusqu’en juin. Il eut l’occasion d’assister aux manifestations nazies dans l’université et aux bagarres avec les étudiants antifascistes. Il voyagea ensuite dans les Sudètes et la Slovaquie. Il prit ainsi conscience du danger que faisait courir le nazisme pour la paix en Europe. Après l’émeute du 6 février 1934 à Paris, il milita au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.
Michel Bloch suivit de près le début de la guerre d’Espagne grâce au témoignage de son père qui revint de Madrid en août 1936, porteur d’un message du président Azana de demande d’aide matérielle au gouvernement français. Jean-Richard Bloch rencontra Léon Blum, Pierre Cot, le ministre de l’Air, et son chef de cabinet Jean Moulin, Roger Salengro, qui lui donnèrent des assurances que le gouvernement français viendrait en aide au gouvernement espagnol républicain. Promesse non tenue, puisque quelques jours plus tard fut signé par la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne et l’URSS (en tout 26 pays européens) le traité international de non–intervention. Quelque temps plus tard, lors d’un meeting, auquel Michel Bloch assistait, Léon Blum expliqua le sens de sa politique, en disant que le gouvernement français n’avait aucune preuve que les gouvernements italien et allemand violaient ce traité, ce qui suscita l’apostrophe « menteur ! » de la part de Michel et de quelques autres participants et lui valut d’être expulsé manu militari par le service d’ordre.
Après son échec à l’agrégation d’histoire et géographie en 1935-1936, Michel Bloch fut délégué rectoral au lycée Montaigne à Paris. À la rentrée 1938, apprenant que des postes étaient vacants dans l’enseignement technique, il se rendit à la Direction de l’Enseignement technique et obtint un poste de professeur délégué, à l’école nationale professionnelle créée à Thiers (Puy-de-Dôme), ville où il arriva le 11 novembre 1938.
Il se syndiqua au Syndicat du personnel de l’enseignement technique affilié à la FGE-CGT, comme l’immense majorité de ses collègues. Quelques jours plus tard, le 30 novembre 1938, il fut le seul gréviste de l’établissement, dont la section syndicale avait pourtant voté la grève. Il évita la révocation. Il trouva beaucoup de réconfort dans cette ville, où il ne connaissait personne, auprès du Docteur Joubert et de son épouse, président départemental des "Amis de l’URSS" et de son secrétaire M. Desserin et de son épouse, des instituteurs. Il devint lui-même président du comité de Thiers de cette association.
Fin août 1939, de retour de vacances dans l’île d’Oléron, Michel Bloch apprit à Poitiers l’interdiction du Parti communiste et la saisie de sa presse à la suite de la signature du pacte germano-soviétique. Il n’était alors que sympathisant du Parti communiste, mais il n’avait aucune confiance dans Chamberlain et Daladier responsable de la "capitulation honteuse de Munich". Il avait été réformé définitif en raison d’une tuberculose ; il demanda à repasser devant une commission médicale mais sa réforme fut maintenue. En rejoignant son poste d’enseignant pour la rentrée d’octobre, il passa par Clermont-Ferrand où il rencontra le secrétaire fédéral du PC, Guy Périlhou, qui déménageait la permanence et qui lui dit : « On te considérera comme le responsable du parti pour Thiers. » Fin 1939, il fut mis en contact par l’intermédiaire de Francis Cohen, un ami d’enfance, secrétaire des étudiants communistes de Paris, avec une jeune étudiante en mathématiques, militante de l’Union des jeunes filles de France, venue à Clermont-Ferrand avec une bourse de licence, qui était sans contact avec le Parti, Colette Sellier, qui allait devenir sa fiancée puis son épouse.
Après la défaite et la débâcle de juin 1940, Michel Bloch revint en juillet à Poitiers retrouver sa famille qui était venue de Paris à pied. En septembre, il passa la ligne de démarcation en bicyclette près de Chauvigny (Vienne) et rallia le Puy-de-Dôme, où il retrouva ses amis Joubert et un ancien collaborateur de l’Humanité, Etienne Néron. Chaque jeudi, de Thiers, il se rendait à Clermont-Ferrand rendre visite à sa fiancée et s’approvisionner en tracts et journaux communistes clandestins.
Le 18 décembre 1940, le directeur de l’ENP vint l’avertir qu’en vertu du statut des juifs du 18 octobre, il était révoqué avec un mois de traitement. Ses élèves lui firent de touchants adieux en lui offrant des livres. Il fut remplacé par un collègue évacué de Nancy, Charles Hainchelin, qui était également un militant communiste.
Comme les professions libérales lui étaient interdites, il déposa un dossier pour devenir colporteur vendeur de couteaux. Il reçoit un bon accueil des couteliers.
Le 1er janvier 1941, il se rendit à Vichy pour rencontrer sa grand’mère, Louise Richard-Bloch, qui s’y était réfugiée, et sa sœur France, membre à Paris du réseau clandestin communiste « Organisation spéciale », qui revenait de rendre visite à son mari, Frédéric Sérazin, interné à la citadelle de Sisteron comme communiste. C’était la dernière fois qu’il les voyait, puisque l’une et l’autre périrent : sa sœur, condamnée à mort et guillotinée le 12 février 1943 à Hambourg pour fait de résistance (un collège de Poitiers porte aujourd’hui son nom : France Bloch-Sérazin), sa grand’mère déportée en 1944 et aussitôt gazée à Auschwitz.
Michel Bloch fut arrêté le 9 janvier 1941 par la police de Vichy ( le commissaire Philis) qui avait repéré ses navettes vers Clermont le jeudi et noté que les distributions de tracts avaient lieu le lendemain. On trouva chez lui l’Humanité, La Voix du Peuple, Les Cahiers du bolchévisme. Il fut arrêté pour diffusion clandestine de matériel communiste, accusé d’avoir envoyé aux professeurs et instituteurs de Thiers, le tract laïc rédigé par le PCF. Son arrestation fut considérée par Ernest Néron, dans un rapport interne rédigé par lui et trouvé sur lui, comme une perte importante. Néron précisait que cette arrestation n’avait pas été signalée dans la presse.
Il refusa de parler, fut interrogé pendant plus de 10 heures, et sous le coup de la fatigue, signa le PV auquel le commissaire le poussa à ajouter « J’ai agi ainsi pour le bien de la révolution mondiale ». Il fut transféré le lendemain à la prison de Riom puis en février à Clermont-Ferrand. À Riom, il était le seul politique, alors qu’à Clermont, au moins une vingtaine d’hommes levèrent la main comme communistes. Il y fit un exposé sur l’antisémitisme à ses camarades. Les résistants devant être jugés par les tribunaux militaires, avant la création des tribunaux spéciaux, les prisonniers politiques demandèrent à être à la prison militaire et non à la maison d’arrêt. Ils fuirent pour cela trois jours de grève de la faim avant de faire céder l’administration. Le transfert se fit à pieds pour la quarantaine d’hommes, les prisonniers étaient salués chaleureusement par la foule, certains se proposant à porter leurs valises, tandis que l’un des prisonnier en tête ose lever le poing, avant que l’officier de gendarmerie n’intervienne en s’écriant « Ah, non ! Pas ça tout de même ! ».
Michel Bloch fut jugé par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand le 15 mai 1941, le même jour que Colette qui avait également été arrêtée pour les mêmes motifs. Il apprit alors par son avocat que ses parents avaient réussi à gagner l’URSS, d’où son père allait assurer des émissions invitant à la résistance à Radio Moscou. Le colonel Perret, en tant que président, prononça une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement, 5 000 F d’amende et vingt ans de privation des droits civils, civiques et de famille. Colette fut condamnée à deux ans de prison. À sa sortie de la maison d’arrêt de Riom, en février 1943, elle put rendre visite à Michel Boch incarcéré depuis le 13 juin 1941 à la prison militaire de Nontron (Dordogne) où, au milieu de prisonniers de droit commun, assassins, voleurs et proxénètes – et même d’espions au service de l’Allemagne qui furent tous libérés en mars 1944 par la Gestapo – , il rencontra de nombreux internés politiques, des anarchistes, des trotskistes et surtout des communistes, notamment Raoul Calas, Gabriel Roucaute, Lucien Bourdeau, Adrien Renard, Yves Péron et Jean Chaintron. Il fit des cours sur l’histoire de la Révolution française et participa à la rédaction d’un numéro de l’Humanité en septembre 1942, qui circula dans la prison avant d’être mis à l’abri dans un sac de cellophane cimenté dans un trou de mur.
Le 10 juin 1944, les trente-six détenus politiques furent libérés par un maquis de l’Armée secrète qui s’était emparé de Nontron. Méfiants à leur égard, les responsables de l’AS ne voulurent pas les intégrer dans leur maquis ; ils furent en revanche accueillis à bras ouverts par les FTP, où Michel Bloch prit le pseudonyme de Balle. Installés quelques jours dans le château d’Anlhiac, près d’Excideuil (Dordogne), ils firent imprimer un petit journal La Voix de la Libération et échappèrent de justesse aux Allemands qui venaient de Terrasson (Dordogne). Puis, entré à l’état-major FTP régional à Meymac, il connut les difficiles rapports de force entre MUR, ORA et FTP pour l’organisation de l’état-major régional FFI, et participa dans des conditions périlleuses et parfois rocambolesques aux combats pour la libération de la Corrèze et de la Haute-Vienne. En compagnie de Raoul Calas, alias colonel Roy, il entra en août dans Limoges (Haute-Vienne) en train de se libérer, responsable de cinq sacs de billets de la Banque de France de Chamalières destinés à la Kommandantur de Bordeaux et interceptés par la Résistance, représentant la somme de vingt millions de francs. Le capitaine Balle fut chargé par le commandant FTP régional, le colonel Rivier, de faire une émission en direct bi-quotidienne baptisée « Emission FFI » à Radio-Limoges. Il y lisait des textes et interviewait des résistants. Ces émissions furent supprimées en novembre 1944 par le ministère de l’Information, sous prétexte que Michel Bloch avait fait état de lettres de combattants des poches de l’Atlantique se plaignant de l’insuffisance de leur armement et de leur ravitaillement.
En septembre 1944, Michel Bloch retrouva Colette Sellier à Limoges ; arrêtée le 4 mai 1944 par la Gestapo à Paris, elle avait échappé à la déportation, alors qu’elle était le 15 août 1944 dans le dernier train en partance pour Ravensbrück. Ils se marièrent en septembre 1945 à Paris et eurent trois enfants (Laurent, Brigitte-Isabelle et Martine).
En décembre 1944, à nouveau réformé pour raison médicale, Bloch devint attaché dans le cabinet de Chaintron, devenu préfet de la Haute-Vienne. Ce dernier estimait qu’il était un « modèle de relations entre travailleurs intellectuels et manuels ». Puis, en avril 1945, il fut appelé par le PCF pour être directeur de cabinet de François Billoux, ministre de la Santé puis de la Reconstruction. Durant deux années, il se consacra surtout à la reconstruction. Dans ces fonctions, par l’intermédiaire de Raymond Aubrac, il rencontra Ho-Chi-Minh au cours de l’été 1946.
Après l’exclusion des ministres communistes du gouvernement en mai 1947, Michel Bloch reprit un poste d’enseignant au lycée Dorian à Paris, grâce à l’intervention de Philippe Rabier, secrétaire général du Syndicat national de l’enseignement technique. Pour raisons de santé, il obtint sa mutation en 1949 pour Poitiers, où la maison de famille "La Mérigote", était inoccupée depuis le décès de son père en 1947. Il y avait passé toute son enfance ; son père y avait écrit la majeure partie de son œuvre. Il en conserva pieusement sa mémoire et sa bibliothèque. Nommé professeur d’histoire-géographie au collège moderne et technique de la Cathédrale, futur lycée technique commercial, il y resta en fonction jusqu’à sa retraite en 1971. Son épouse décida de reprendre ses études et termina sa carrière comme maître de conférences en mathématiques à l’Université de Poitiers, où elle milita au SNESup.
Michel Bloch devint alors une figure de la vie poitevine, fidèle jusqu’au bout à ses convictions. Militant communiste et militant syndicaliste du Syndicat national de l’enseignement technique puis du Syndicat national des enseignements de second degré, il présida localement le Mouvement de la Paix, la Fédération des internés déportés résistants patriotes, France-URSS… Grand conteur, esprit ouvert, personnage chaleureux, faisant toujours preuve d’une grande modestie, il était unanimement respecté. Il réussit ainsi à convaincre le maire UNR de Poitiers, Pierre Vertadier, de jumeler la ville avec Iaroslavl (Russie-URSS) à la fin des années 1960.
Michel Bloch était titulaire de la médaille de la Résistance avec rosette.
Par Alain Dalançon
SOURCES : Arch. Nat., F17/1779. — Renseignements puisés dans un recueil autobiographique de souvenirs, non publié, intitulé Riom, Clermont, Nontron, Des prisons françaises sous l’occupation (mars 2000, 27 p), dans son hommage funèbre prononcé par J.J. Pensec, dans le recueil autobiographique écrit par son épouse, Occupation(s), sd, 22 p. — Chaintron Jean, Le vent soufflait devant ma porte, Paris, Seuil, Mémoire, 1993, p. 239. — Renseignements précisés par son épouse. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296W75 : le commissaire divisionnaire de la surveillance du Territoire à monsieur l’Inspecteur général des Services de la Surveillance du Territoire à Vichy, le 21 janvier 1941. — http://www.laurentbloch.org/MySpip3/Riom-Clermont-Nontron?lang=fr. — Notes de Jacques Girault et d’Eric Panthou.