Par Christian Cottet
Né le 19 avril 1943 à Paris (XIVe arr.) ; dessinateur en construction électrique, mécanicien outilleur ; syndicaliste CFTC puis CFDT, délégué du personnel (1965-1970) à Nord-Aviation à Châtillon (Seine, Hauts-de-Seine), permanent UPSM (1971-1979), membre du conseil fédéral FGM-CFDT (1974-1979), délégué syndical central du groupe Aérospatiale puis EADS (1993-2001), membre du conseil national fédéral (1996-2000), membre du bureau (1996-2001) de la Fédération européenne des métallurgistes (FEM), secrétaire fédéral FGMM (2001-2004).
Fils de Lucien Debesse, ajusteur, et de Cécile Meunier, mère au foyer puis secrétaire, catholiques pratiquants, Jacques Debesse était le second de trois enfants. Son frère aîné, Bernard, militant CFDT, anima la grève de 1973 chez Olivetti. Sa mère, avec trois de ses sœurs jocistes, avait participé au rassemblement national du Parc des Princes en 1937, encouragées par leur père Élie Meunier, membre de la Jeune République de Marc Sangnier. Jacques Debesse fréquenta l’école et le cours complémentaire du groupe Jean-Jaurès à Vitry-sur-Seine (Seine, Val-de-Marne), de 1947 à 1957. Il y obtint le certificat d’études primaires et accéda en 1957 au cours complémentaire industriel du passage Raymond (devenu lycée professionnel Bachelard, rue Tagore à Paris (XIIIe arr.), lui permettant d’acquérir en 1960 les CAP d’électricien, d’électromécanicien et en 1961 le CAP de dessinateur en construction électrique ainsi que le brevet d’enseignement industriel d’électricien.
Dans la paroisse Saint-Germain de Vitry-sur-Seine, liée à la Mission de France, il avait intégré le scoutisme (1950-1961) puis une équipe d’étudiants animée par l’aumônier Jacques Cordonnier. Il dirigea des camps de vacances, ayant obtenu le certificat de responsable de camps d’adolescents, délivré par l’Organisation centrale des camps et activités de jeunesse – tourisme populaire (OCCAJ-TP). Il participa à des remises en état d’appartements vétustes, sous l’égide du Service civil international.
Recruté à l’école du passage Raymond par l’ETDE (Entreprise de transport et distribution d’électricité), il entra en juin 1961 dans cette société à Paris (VIIe arr.) en qualité de dessinateur « petites études ». Appelé sous les drapeaux (1962-1963), il fut affecté à Offenbourg (Allemagne) dans une unité de transmissions. De retour à l’ETDE, souhaitant intégrer une plus grosse entreprise, il fut embauché par Nord-Aviation en 1964 comme dessinateur « études 2 » en construction électrique. Sous l’influence d’Yves Sabourdy*, son collègue, Jacques Debesse adhéra à la CFTC, persuadé de sa proche déconfessionnalisation (novembre 1964). Élu chaque année délégué du personnel à partir de 1965, il représenta sa section au conseil du Syndicat parisien des industries aéronautiques et spatiales (SPIAS-CFDT), composante de l’Union parisienne des syndicats de la métallurgie (UPSM-CFDT). Membre du bureau du SPIAS depuis le congrès de 1967, il prit part aux travaux de l’Union fédérale des industries aéronautiques (UFIA) de la fédération de la métallurgie (FGM-CFDT), et fut délégué en 1970 au 35e congrès confédéral d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
Sollicité par Roger Dumas*, secrétaire général du SPIAS, Jacques Debesse devint permanent de l’UPSM en 1971. Détaché de l’entreprise, en congé sans solde, il fut adjoint de René Fromaget, secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la mécanique générale (STMG-CFDT). En raison de la croissance des sections à organiser dans cette branche composée de nombreuses PME et marquée de fréquents conflits appelés « révolte des OS », le STMG, pour être plus réactif, fut scindé, en 1973, en deux syndicats, l’un au nord de la région parisienne, l’autre au sud. René Fromaget eut la responsabilité du STEM-Nord et Jacques Debesse devint secrétaire général du STEM-Sud. Parallèlement, l’UPSM avait entrepris la restructuration de ses syndicats régionaux d’industrie (aéronautique, automobile, construction électrique et électronique, mécanique), pour les faire évoluer vers des syndicats départementaux, toutes branches réunies. À partir de 1974, il anima les secteurs métaux des Hauts-de-Seine, d’abord celui du 92-sud, puis du 92-centre et du Val-de-Marne. Il représentait la métallurgie au conseil de l’union départementale des Hauts-de-Seine (1974-1979) dont il devint membre du bureau en 1975.
Responsable de CFDT Métaux-Paris, il avait animé en 1972 la campagne de syndicalisation intitulée « Objectif 2000 » (action d’envergure consistant à illustrer cinq thèmes revendicatifs par une série de tracts distribués à plus de 100 000 exemplaires, accompagnés d’affiches pour les panneaux syndicaux des entreprises du périmètre régional). En 1978, il rédigea un argumentaire à disposition des sections syndicales pour combattre les inégalités. Lorsqu’en 1972 l’UPSM créa l’association de conseil juridique des travailleurs (ACJT), Jacques Debesse en devint le premier président. Devenu l’association d’information juridique des travailleurs (AIJT) en 1977, cet organisme assurait, dans les locaux des CE, des permanences tenues par des juristes. Jacques Debesse participa aux congrès de la Fédération de la métallurgie (FGM-CFDT) à Dijon en 1971 et à Grenoble, où il fut élu au conseil fédéral en 1974. Son mandat fut renouvelé au congrès de Strasbourg (1977). Il fit aussi partie de la délégation de l’UPSM aux congrès confédéraux de Nantes (1973) et Annecy (1976).
En 1979, en fin de mandat de permanent UPSM, Edmond Maire lui demanda d’entrer dans l’équipe de rédaction du journal confédéral Syndicalisme hebdo. Malgré l’essai concluant d’un mois, Jacques Debesse préféra revenir dans son entreprise d’origine (bien que l’échéance prévue à l’accord d’entreprise ayant permis son détachement syndical en 1971 fût dépassée, et son licenciement prononcé, l’équipe locale, à force de pugnacité auprès de la direction, avait réussi à faire admettre son retour aux effectifs). En juin 1979, il put réintégrer l’entreprise devenue SNIAS, à Châtillon, comme dessinateur mécanicien outilleur, ce qui exigea alors une reconversion professionnelle et une discrétion syndicale provisoire. En 1983, il devint secrétaire de la section CFDT, élu délégué du personnel et du comité d’établissement avec les responsabilités des commissions économique et culturelle. Il créa une médiathèque au CE et impulsa une politique de mise en valeur des capacités créatrice des salariés. Au printemps 1984, une manifestation intitulée « les travailleurs sont aussi des créateurs », fut l’occasion d’une exposition ouverte au public, dans le préau de l’école primaire voisine de l’usine, qui permettait de présenter des objets fabriqués par les salariés, au côté d’œuvres d’artistes prêtées. Le 24 juin 1984, une convention était signée entre le secrétaire du CE, Daniel Foucat, et le ministre de la Culture, Jack Lang, pour la réalisation d’une exposition sur la culture ouvrière, dont Jacques Debesse fut maître d’œuvre. Inaugurée en septembre 1984, l’exposition Mémoire d’usine devint itinérante. Elle donna lieu à la publication en 1985 d’un livre Mémoire d’usine, 1924-1985, 60 ans à la production d’avions et d’engins tactiques, préfacé par Dominique Wallon, directeur du développement culturel au ministère de la Culture. À la demande du CELIC (comité d’entreprise, liaison information et coordination), organe de la confédération CFDT, Jacques Debesse fut responsable et animateur de l’espace culture du « Forum des CE », sous la grande halle de la Villette, à Paris (15 au 18 septembre 1986).
Sollicité par Robert Bonnand, secrétaire général de la Fédération de la métallurgie (FGMM-CFDT), il fut désigné délégué syndical central de l’entreprise Aérospatiale, le 22 septembre 1993, succédant à Yvan Garrigou*, ainsi que représentant syndical au CCE. Il anima dès lors l’Inter-CFDT Aérospatiale (structure de coordination des sections CFDT des établissements de l’entreprise et des filiales en France). Depuis 1968, la direction des ressources humaines du groupe privilégiait les relations avec une coalition syndicale (FO-CGC-CFTC), dénommée « entente ». En échange d’une allégeance à la politique sociale de la direction, les carrières et salaires des membres de « l’entente » était favorisés, tandis que la situation des militants CFDT et CGT stagnait. Il prit une part active dans la dénonciation de la discrimination à l’encontre des militants de la CFDT au sein du groupe, notamment lors d’une conférence de presse en 1998 sur cette ségrégation dans l’entreprise SOCATA à Tarbes (Hautes-Pyrénées) – Laval Gilbert, « Aérospatiale accusée de discrimination syndicale », Libération, 1er octobre 1998 – et en organisant une manifestation devant le siège du groupe, rue de Montmorency à Paris (XVIe arr.), en décembre 1999.
À l’issue du congrès de la FGMM à Metz (Moselle) en 1996, Jacques Debesse fut désigné au Conseil national fédéral (CNF), au nom de la branche aéronautique, pour le mandat 1996-2000, et représenta la FGMM aux bureaux des secteurs « aéronautique » et « industries de la défense » de la FEM (Fédération européenne de la métallurgie). En juin 1997, au côté de Reinhard Kuhlmann, secrétaire général de la FEM, qui conduisait une conférence de presse au salon aéronautique du Bourget (Seine-Saint-Denis), il appuya la demande de la FEM d’intégrer d’urgence les activités aéronautiques des entreprises nationales pour créer la société européenne « Airbus ». Lorsque la fusion d’Aérospatiale et de Matra fut décidée en 1999 par le gouvernement français, précédant la création d’EADS (European aeronautic defence and space company) en juin 2000, il en devint délégué syndical central CFDT. Il contribua à la création du comité d’entreprise européen de la nouvelle société internationale et y représenta la CFDT.
En décembre 2001, il fit valoir ses droits à une préretraite anticipée dans le cadre d’un fonds national de l’emploi en vigueur dans l’entreprise. Libéré de toute obligation, Jacques Debesse devint alors secrétaire fédéral bénévole à la FGMM-CFDT (2001-2004). Collaborateur de François Honoré*, secrétaire général adjoint, il fut chargé de mission pour la politique salariale et la branche aéronautique. Avec François Honoré, il conduisit la délégation fédérale à la conférence mondiale sur l’aéronautique de la FIOM (Fédération internationale des organisations de travailleurs de la métallurgie), à Toulouse (16 juin-19 juin 2002). Il représenta la FGMM aux conférences de la FEM au Parlement Européen à Bruxelles sur les industries aéronautiques, spatiales et de défense, en 2003 et 2004, et fut désigné représentant syndical de la FEM au comité central européen du groupe Alcatel (2003-2005).
Jacques Debesse avait adhéré au Parti socialiste, à la section d’Aérospatiale-Châtillon (1988-1992). Retraité, il renoua avec ses amis d’Aérospatiale en devenant secrétaire au bureau de l’association « les amis du jardin Georges Delaselle » (2007-2014), que Tristan Gourvil présidait. Ce jardin, labellisé « jardin remarquable », sur l’Ile de Batz (Finistère), était propriété du Conservatoire du littoral, qui en avait confié la gestion à l’association. Enfin, dans le cadre d’un groupe de travail d’anciens responsables de l’UPSM « mémoire et histoire », à partir de 2010, il devint un auteur du Maitron, dictionnaire biographique du mouvement ouvrier mouvement social.
Il avait été également membre d’une équipe d’ACO à Vitry-sur-Seine (1964-1974). Jacques Debesse eut pour compagne une enseignante, entre (1974-1981). Il résida successivement à Vitry-sur-Seine jusqu’en 1972, à Paris (XIe arr.), puis (XIIIe arr.) en 1981, où il présida le conseil syndical de la copropriété (1987-1999).
Par Christian Cottet
ŒUVRE : Avec Jean-Michel Gaullier, En cas de licenciement que faire ?, Éditions ELP, 1974. — Avec Paul Smith, historien, Mémoire d’usine 1924-1985, 60 ans à la production d’avions et d’engins tactique, Syros 1985. — La fête au village, brochure de l’espace culture du Forum des CE de la CFDT, AGPP, 1986.
Articles : « Mémoire d’usine, histoire d’un livre », Cultures techniques entreprises et société, 122-123, L’Harmattan, 1989, p. 95-99. — « Sauver une mémoire ouvrière dans l’industrie aéronautique », Alain Beltran, Michèle Ruffat, Culture d’entreprise et histoire, p. 69-78, Les Éditions d’organisation université, 1991.
SOURCES : Archives UPSM-CFDT et FGMM-CFDT. — Archives personnelles et notes de Jacques Debesse. — Entretiens avec Jacques Debesse en 2011, 2012 et janvier 2014.