TRIDON Gustave, Edme, Marie. [Dictionnaire belge]

Par Jean Puissant

Châtillon-sur-Seine (Côte d’or, France), 1er janvier 1841 − Bruxelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 30 août 1871. Avocat, publiciste, disciple de Blanqui, député de la Côte-d’Or, communard.

Si Gustave Tridon réside par deux fois à Bruxelles entre janvier et le 4 septembre 1870 et en 1871, s’il a séjourné en Belgique à diverses reprises, il n’est pas possible de lui attribuer un rôle ou une influence marquante en Belgique. Du moins y est-il connu. En revanche, ses funérailles laïques le 2 septembre 1871 ont donné lieu à une manifestation socialiste de grande ampleur qui mérite d’être soulignée.

Gustave Tridon, avocat, journaliste, est sans doute appelé à un brillant avenir. Mais, en 1861, jeune républicain, il fait la connaissance, à la prison de Sainte-Pélagie, d’Auguste Blanqui dont il devient un des plus ardents disciples. Il participe au premier Congrès international, convoqué par les étudiants de l’université de Liège, où avec d’autres, dans la section de philosophie, il fait assaut de républicanisme, d’athéisme, d’esprit révolutionnaire, provoquant l’indignation de la presse conservatrice, belge et européenne (29 octobre-1er novembre 1865). Le 3 novembre 1865 à Bruxelles, les blanquistes français rendent hommage à leur inspirateur, présent à ce moment dans la capitale belge, lors d’un meeting organisé par Le Peuple, section bruxelloise de l’Association internationale des travailleurs (AIT). Selon un compte rendu rédigé par Léon Fontaine pour la Rive gauche du 5 novembre 1865, de terribles paroles y sont prononcées, ce qui amplifie encore le scandale répercuté par une lettre pastorale du cardinal Dupanloup qui excipe « d’inondations et de cataclysmes preuves de la fureur divine devant tant de blasphèmes… » (L’Athéisme et le péril social, cité par BARTIER J., 1968).

Emprisonné à Sainte-Pélagie en avril 1867, Gustave Tridon ne peut assister au deuxième Congrès international convoqué par les étudiants de l’ULB, mais il y fait parvenir une lettre signée par divers compagnons, les frères Levraud, Villeneuve, qui est lue devant le congrès… : frappés « comme membres du Congrès de Liège, révolutionnaires et athées… Courage et confiance. L’enseignement est le salut suprême, la solution de tous les problèmes de notre temps. Sans lui ni liberté, ni égalité, ni pain - l’abrutissement et l’exploitation. Mais aussi, pas d’enseignement sans la Révolution sociale qui détruira le monopole des imposteurs et leur enlèvera le droit de pervertir et de vicier les jeunes générations… Deux partis entre lesquels tout cœur honnête est tenu d’opter : l’Homme et Dieu, la liberté et le despotisme, le travail et l’exploitation, la science et la foi, l’avenir et le passé. Le temps des capitulations et des transactions est fini. La lutte est sans quartier dans l’ardente mêlée de l’esprit humain ; il faut vaincre ou mourir… Proclamez les droits de l’humanité ».

Militant de l’AIT, Gustave Tridon n’en a pas fini avec l’Empire. Sous le coup d’un nouveau procès à Blois en janvier 1870, il gagne Bruxelles où Auguste Blanqui dispose de solides amitiés puis rentre à Paris dès le 4 septembre. Il participe à l’agitation républicaine, est élu député de la Côte d’or en février 1871, mandat dont il démissionne pour protester contre les pourparlers de paix avec l’Allemagne. Il s’engage dans la Commune dont il est un des élus et devient membre de son exécutif.

Gustave Tridon réussit à quitter Paris à la fin de la semaine sanglante et trouve refuge à Bruxelles qu’il connaît. Il est l’exilé le plus célèbre de la Commune en Belgique.

De santé chancelante, victime de la tuberculose, Gustave Tridon, épuisé, meurt à Bruxelles le 30 août 1871 à son domicile, chez le docteur Louis Watteau, rue du Trône. Ses funérailles sont l’occasion d’une manifestation socialiste nationale, sous le coup de l’émotion des terribles événements parisiens. Elles sont organisées, le 2 septembre, conjointement par les associations rationalistes de la capitale, L’Affranchissement, Les Solidaires et La Libre pensée, par l’AIT. Elles réunissent ouvriers, artisans et bourgeoisie radicale, quatre à cinq cents personnes ; selon la police qui précise « une foule énorme », des milliers, précise Louis Bertrand qui y assiste. Le cercueil porté à bout de bras est recouvert d’un drapeau rouge et orné d’une couronne d’immortelles, fleurs portées à la boutonnière par les assistants. Des délégations viennent de Gand, Verviers, Liège, Charleroi. « Tous viennent rendre un dernier hommage à celui qui fut le champion, le défenseur du faible, et qui, épuisé par le travail, est venu mourir ici. » (Note de la police des étrangers). Dix discours sont prononcés, dont ceux de Désiré Brismée, Nicolas Coulon, César De Paepe*, Jan Pellering, le docteur Watteau… et Herreboudt, délégué de la Fédération gantoise de l’AIT, qui déclare : « Nous ouvriers de la ville de Gand, nous ne pouvons pas ne pas élever la voix en de telles circonstances ; il faut que l’on sache que nous ne voulons pas rester esclaves, que nous veillons et que nous attendons avec résolution le jour où viendra la République sociale qui a été proclamée par Paris et à laquelle Tridon a si vaillamment concouru ». La cérémonie se termine par les cris : « Vive la Commune ! ».

Gustave Tridon est inhumé au cimetière du Quartier Léopold, sa dépouille transférée au cimetière d’Ixelles (Bruxelles) en 1883 où est enterrée sa mère dix ans plus tard. La tombe existe toujours en 1970. Le docteur Watteau, ami de Blanqui, qui le soigna durant ses dernières semaines, fait surtout en sorte que soient publiés les ouvrages posthumes de celui qui « fut assurément le meilleur des pamphlétaires blanquistes » (voir BARTIER J.).

À consulter également « TRIDON Gustave », dans Site Web : maitron.fr.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article170158, notice TRIDON Gustave, Edme, Marie. [Dictionnaire belge] par Jean Puissant, version mise en ligne le 26 janvier 2015, dernière modification le 10 janvier 2021.

Par Jean Puissant

SOURCES : Archives générales du Royaume, Police des étrangers, dossier n° 217 093 − La liberté, 4 septembre 1871 − ABS R., « Un membre de la commune de Paris à Bruxelles », Socialisme, janvier 1971, p. 74-81 − BARTIER J., Étudiants et mouvement révolutionnaire au temps de la 1ère Internationale, Bruxelles, réédition, 1981, p. 180-182 et 192, 400.

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