Introduction au Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier en Belgique
FOCUS
Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier en Belgique (DBMOB) : une introduction [1]
Le cadre général
Au sein de ce qui deviendra la Belgique en 1830-1831, le « take off » de l’économie nouvelle se situe en gros entre 1800 et 1827. Il se manifeste dans l’arc westphalien qui traverse d’Ouest en Est la Wallonie, véritable Koweit charbonnier par l’extraction de charbon et de pierre, la production de fonte, la construction mécanique et métallique, la verrerie et l’industrie céramique. Il se manifeste aussi dans le secteur textile à Gand (coton) et à Verviers (laine), gros consommateur de mécaniques.
La révolution politique de 1830 qui consacre le pouvoir de la bourgeoisie urbaine et de l’aristocratie foncière, est marquée du sceau du libéralisme. Le souci de sa viabilité économique entraîne le pays à consacrer d’importants moyens pour se doter du réseau ferroviaire (à partir de 1835) le plus dense du monde, coup de fouet à l’activité économique, et à s’inscrire dans le vaste courant libre-échangiste du milieu du siècle. La Belgique est, après l’Angleterre, la principale région industrielle jusqu’au milieu du siècle (production d’énergie, production industrielle, équipement en machines à vapeur). Elle est aussi le pays à l’économie la plus ouverte, qui, dès le dernier tiers du siècle, vit de l’exportation de produits industriels et de l’importation de produits agricoles.
Le libéralisme économique dominant, sans partage de 1850 à 1886, est sous-tendu par un libéralisme politique et le statut de neutralité obligée qui font de la Belgique une incontestable terre d’accueil pour entrepreneurs dynamiques et exilés politiques. Karl Marx, Pierre-Joseph Proudhon et Victor Hugo… y trouveront refuge mais se feront également expulser, ce qui définit les limites mais aussi les conséquences du modèle général. Le régime politique est caractérisé par un suffrage censitaire (1831-1893) qui réduit la responsabilité politique à une fraction marginale de la population et un scrutin majoritaire qui donne, à partir de 1847, des majorités absolues libérales puis catholiques. La démocratisation du suffrage en 1893 (suffrage universel masculin tempéré par le vote plural), en 1919 (suffrage universel masculin), en 1948 (suffrage universel généralisé), s’accompagne de deux mesures influentes pour l’avenir, le vote obligatoire qui a un objectif conservateur (1894), et la représentation proportionnelle (1900) qui, à partir de l’entre-deux-guerres, introduit un système de coalitions nécessaires pour obtenir une majorité parlementaire, excepté en 1950-1954.
Terre de corporations actives jusqu’à l’annexion à la France en 1795, de révolution industrielle précoce, la région est traversée de mouvements sociaux avant l’indépendance du pays. Mais l’absence de véritable mouvement révolutionnaire, de républicanisme radical ou même démocratique, l’éloigne du modèle français ce qui explique que le mouvement ouvrier (et donc le dictionnaire) ne démarre véritablement qu’avec la révolution de 1830 sans aucune exclusive antérieure.
Si, en 1830 et dans les années suivantes, se manifestent des mouvements républicains et démocratiques, ils sont à la fois limités dans l’espace (surtout à Bruxelles) en importance quantitative (milieux restreints) et en répercussions politiques (par exemple, les démocrates autoritaires : Louis De Potter, un moment membre du gouvernement provisoire en 1830, « tout pour le peuple, rien par le peuple »). Cette dernière perspective est nourrie de l’observation des classes populaires qui apparaissent étroitement contrôlées par l’Église et le clergé.
En fait, et Marx présent ne s’en est pas rendu compte, ce sont bien les transformations techniques (l’industrialisation) et économiques (le développement du capitalisme industriel mais aussi financier comme la Société générale à partir de 1822) qui expliquent la nouvelle nature du mouvement social. Un observateur quasi contemporain, le docteur De Camps, date précisément de la formation des sociétés anonymes dans les charbonnages hainuyers (1835), les débuts du vaste conflit entre le capital et le travail caractéristique, à ses yeux, du XIXe siècle [2]. Les grèves minières du Borinage, textiles de Gand, annoncent avant 1860, les tensions sociales qui peu à peu caractérisent le pays.
Sans entrer dans les détails, il faut souligner que la densité de la population, sa croissance forte au XIXe siècle, la réserve de main-d’œuvre des Flandres restées essentiellement agricoles, la mobilisation de la force de travail des enfants et des femmes jusqu’à la fin du siècle dans les mines et fabriques, la politique ferroviaire (1835 : le début du réseau ferroviaire d’état ; 1870 : les abonnements ouvriers ; 1884 : les chemins de fer vicinaux) qui fait du pays un marché du travail relativement et précocement unifié, le libéralisme dominant, font de la Belgique un pays de bas salaires et de longues journées de travail jusqu’à la Première Guerre mondiale, bien décrit de ce point de vue par « le sociologue », Seebohm-Rowntree, en 1910 [3]. Cet avantage compétitif explique le rôle important de l’industrie belge dans le monde à l’époque. [4]
Le pouvoir conjugué de la bourgeoisie industrielle et de l’aristocratie foncière, même s’il se partage politiquement entre un parti libéral et un parti catholique, basé sur un suffrage censitaire (jusqu’en 1893) puis sur un suffrage universel « tempéré » par un vote plural (jusqu’en 1919), reste globalement favorable aux entrepreneurs au cours du long XIXe siècle. La législation de 1887 sur la formation des conseils mixtes de l’industrie et du travail qui portait en elle les notions d’arbitrage, de conciliation, n’ayant pas été appliquée dans ce sens, les relations collectives du travail ne se développeront dans le cadre de nouveaux équilibres politiques qu’après la Première Guerre mondiale (à l’exception de conventions sectorielles locales dans l’imprimerie à Bruxelles, dans le textile lainier à Verviers par exemple) [5]. Il n’est pas étonnant d’observer que les troubles sociaux les plus importants et les plus meurtriers du monde industriel, conséquences de la grande crise de la fin du XIXe siècle, se déroulent en Wallonie en mars 1886. Ce n’est que contraint et forcé que le monde patronal doit accepter entre 1919 et 1921, la création de commissions mixtes d’industrie appelées à gérer l’application de la journée de 8 heures de travail, mais très vite à régler les conflits sociaux particulièrement nombreux à ce moment. S’ensuivent les premières conventions collectives et la liaison des salaires à l’indice des prix, et bientôt les premières assurances obligatoires.
Le monde patronal, qui s’était appuyé sur le pouvoir politique pour refuser toute relation contraignante et organisée avec la main-d’œuvre, après s’être opposé à ce nouveau cours mais aussi avoir expérimenté la négociation collective durant la période de l’entre-deux-guerres, prépare avec les syndicats pendant la Seconde Guerre mondiale, les termes d’un pacte social qui déterminera la politique sociale menée depuis 1944. C’est-à-dire la mise en place d’un système de sécurité sociale intégré [6], l’institutionnalisation des relations collectives du travail (les conventions collectives ont force de loi) et la reconnaissance de l’existence et du rôle des syndicats dans l’entreprise (délégations syndicales, conseils d’entreprise), puis les lois d’organisation de l’économie [7].
Largement démantelée à la fin de la Première Guerre mondiale, l’industrie wallonne surtout se redresse rapidement mais, dans l’espoir, illusoire, des réparations allemandes, se reconstitue à l’identique (pas ou peu de mouvement de restructuration ou de rationalisation) et répond aux demandes immenses de l’après-guerre. L’industrie charbonnière, par exemple, qui a entamé son déclin avant la Seconde Guerre mondiale, est stimulée par la demande abondante d’énergie mais se présente affaiblie au moment de la grande crise caractérisée par des désinvestissements massifs. Après 1944, l’appareil productif tourne à plein régime, tant que la guerre n’est pas finie, puis en raison de la guerre froide, ensuite pour soutenir l’équipement des ménages lors des « Golden Sixties ». Mais la Belgique a perdu entretemps une partie de ses marchés à la grande exportation, au profit surtout des USA. La Wallonie, socle historique de l’industrie lourde, est dépassée par l’industrie flamande spécialisée en industries de transformation, de biens de consommation, qui bénéficie d’installations maritimes parmi les plus importantes d’Europe. Le cycle industriel connaît son climax dans les années 1960. Fermeture des charbonnages, rationalisation industrielle, reconversion des capitaux vers les industries énergétiques (nucléaire), de service (banques et assurances), vers l’immobilier, ces circonstances couplées à l’appel de capitaux extérieurs entraînent la désindustrialisation en Wallonie principalement, mais aussi à Bruxelles, moins en Flandre. Cette évolution contrastée explique celle des organisations sociales.
Du point de vue des organisations
Dans certaines villes, à Bruxelles en particulier, apparaissent des organisations ouvrières, mutualistes d’abord, syndicales (typographes, par exemple, en 1837-1842) puis coopératives (1848). Elles sont parfois la simple continuation des corporations d’Ancien Régime (comme les chapeliers). Dans tous les cas, elles revêtent les caractéristiques de sociétés de maintien de prix, limitées à certains métiers défendant des intérêts purement corporatifs, y compris parfois par la grève, interdite jusqu’en 1866.
Dans les régions industrielles (mines, métallurgie/sidérurgie, textile), les mouvements de grève contre les règlements de travail, pour les salaires ou en relation avec la politique économique, scandent les premières décennies de l’État belge. Elles se multiplient et s’étendent dans les années 1860 (période de croissance), puis 1880 (période de récession). Les premiers syndicats de la grande industrie naissent à Gand (textile cotonnier) dans les années 1860.
À Bruxelles surtout, un mouvement démocratique se manifeste dans les années 1840. Il est sensible à la Révolution de 1848 en France mais, réprimé durement, il se replie sur un terrain philosophique (anticléricalisme, enterrements civils) où se déploie la vie politique de l’époque [8] (l’Affranchissement en 1855, les Solidaires en 1857…). De cette dernière association, qui se distingue de la première notamment par l’objectif de créer des associations ouvrières de protection économique et sociale (coopératives et mutualités), est issue la section belge de l’Association internationale des travailleurs (AIT) en 1865. Si en 1870, les sections belges nombreuses et actives mais réduites à quelques milliers de membres dans tout le pays prennent le parti des autonomistes opposés à Marx, c’est plus par souci de préserver les particularités locales et sectorielles que pour s’engager idéologiquement aux côtés de Bakounine. Néanmoins des deux associations rationalistes (l’Affranchissement et les Solidaires), résident les germes des deux tendances [9] qui s’affronteront pendant trente ans pour la maîtrise du mouvement ouvrier naissant : l’une, matrice d’un socialisme révolutionnaire de type anarchiste, blanquiste, anarcho-syndicaliste puis communiste, l’autre à l’origine du courant de socialisme démocratique basé sur les associations ouvrières diversifiées. Les deux courants qui entrent en contact avec le mouvement gréviste des régions industrielles en 1865-1872 (AIT) se disputeront l’influence dominante sur les milieux ouvriers de la grande industrie jusqu’à la fin du siècle.
Dans les années 1880, la tendance social-démocrate commence à l’emporter en se basant sur le mouvement syndical existant (peu important, excepté à Gand et à Bruxelles) et surtout sur le modèle de la boulangerie coopérative développé de manière originale à Gand dans le milieu des tisserands de coton (Vooruit, 1881, Edouard Anseele), à Bruxelles (La Maison du Peuple, 1882, Louis Bertrand), puis enfin dans le bassin industriel du Centre (Le Progrès à Jolimont, 1886) [10]. Dès 1877-1879 (fondation du Parti socialiste belge), le milieu socialiste belge, influencé par le programme de Gotha, place la lutte politique et la revendication du suffrage universel au centre de ses objectifs et l’association ouvrière au centre des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. L’origine historique de ce courant et les particularités de la vie politique belge (l’importance de l’Église et du Parti catholique particulièrement en Flandre) expliquent la permanence et la vivacité de son anticléricalisme.
C’est au croisement de ces divers éléments (associations ouvrières, courants démocratiques et mouvements sociaux dans la grande industrie) qu’apparaît donc un premier mouvement ouvrier, organisé de tendance social-démocrate, plus préoccupé de pratiques sociales, politiques que de débats idéologiques. Le Parti ouvrier belge, créé en 1885 par des syndicats (surtout), des mutualités, des coopératives, marque le ralliement de ces organisations à la lutte politique. [11] Il s’agit d’un véritable Labour party. Contrairement à ce qui a été écrit (Henri De Man et Louis De Brouckère, 1911…), ce mouvement a toujours été profondément et structurellement réformiste [12]. Seules la nature et la permanence du pouvoir catholique conservateur (1870-1916) arcbouté sur les provinces flamandes restées majoritairement rurales peuvent expliquer la radicalité ponctuelle de la lutte pour le suffrage universel et la succession de grèves générales politiques uniques en Europe (1891, 1893, 1902, 1913) [13].
Ceci n’empêche pas l’expression de courants critiques à l’intérieur du Parti ouvrier belge (POB, 1885) mais qui restent minoritaires (Alfred Defuisseaux qui fonde le Parti socialiste républicain (1887-1889), marxiste de H. De Man et L. De Brouckère (1911), « Les Amis de l’Exploité » animés par Joseph Jacquemotte avant et après la guerre, le Front populaire avec le Parti communiste de Belgique (PCB), défendu par Paul-Henri Spaak ou Fernand Brunfaut (1932-1935), la Gauche après la Seconde Guerre mondiale avec certains trotskystes « entristes »). À l’extérieur du POB, anarchistes puis communistes (1921), « trotskystes » (1928), « maoïstes » (1963), expriment vigoureusement leurs critiques à l’égard du réformisme du POB puis du Parti socialiste belge (PSB), fondé en 1945, tout en participant souvent du monde socialiste (adhésion à la mutualité, au syndicat, etc.). Seul le PC, régionalement (bassins industriels wallons) et ponctuellement (les luttes sociales et politiques des années 1930 et après la Résistance), a pu, de manière circonstancielle, remettre en cause la suprématie de ce courant social-démocrate sur la classe ouvrière artisanale des villes et sur celle de la grande industrie.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale (le POB a été dissous par son président, H. De Man, tenté un moment par la collaboration avec l’occupant en 1940), le Parti socialiste belge se reconstitue sur la base d’adhésions individuelles. L’adhésion aux organisations sociales n’implique plus l’adhésion au parti. Ce qui facilite la tâche des opposants à la ligne réformiste mais ne leur permet pas plus de s’organiser fortement et durablement à sa gauche.
En fait, la remise en cause la plus importante de ce modèle, dominant au sein du mouvement ouvrier, est le fait du monde catholique et de l’Église. Dès 1885 et le ralliement des organisations ouvrières à la lutte pour le suffrage universel et donc à la lutte politique, des groupes anti-socialistes, à Gand en particulier, contestent l’engagement et la nature de l’engagement politique défendu par le POB. Éventuellement neutralistes dans un premier temps, ces organisations sont bientôt soumises au contrôle de courants et de personnalités catholiques. Progressivement l’aspect anti-socialiste qui ne disparaît pas pour autant, laisse la place à l’affirmation d’un projet de christianisme social voire démocrate-chrétien (après l’encyclique Rerum Novarum publiée en 1891) [14].
Cette évolution est à l’origine du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) né de la Ligue démocratique belge, fondée en 1891, qui réunit les différentes organisations ouvrières chrétiennes. Elle est influencée par divers courants idéologiques et politiques et par l’attitude de l’Église elle-même qui a choisi de s’y investir massivement par l’intervention de membres du clergé largement mobilisés dans cette perspective. De droite à gauche, on peut identifier :
Un courant de réforme sociale influencé par Frédéric Le Play qui exerce une influence, à la fois réactionnaire et réformiste, méconnue à ce jour, sur la politique sociale de la majorité catholique à partir de 1886 et dans la formation des cadres catholiques de 1879 à 1914 ;
Une fraction non négligeable de l’ultramontanisme belge qui, après sa condamnation par le pape Léon XIII en 1879, se reconvertit à l’action sociale à partir de 1886 ;
Un catholicisme social paternaliste traditionnel à l’origine d’associations mutualistes, caritatives ou « missionnaires » anciennes déjà ;
Une « jeune droite » réformiste, démocratique (1894) ;
Un courant démocrate-chrétien favorable à la démocratisation politique et à l’affirmation sociale et politique des ouvriers chrétiens au sein du Parti catholique (1891).
Si personne ne doute de la nécessité d’organiser les ouvriers chrétiens et de promouvoir un christianisme social à destination de la classe ouvrière en général, la division apparaît dès l’approche de la nature de ce mouvement et de sa place dans le monde catholique. Quelques figures emblématiques permettent d’identifier ces courants. Un Georges Helleputte, partisan d’un corporatisme paternaliste de tradition médiévale, est à l’origine du Boerenbond (ligues paysannes, 1890), une des principales puissances économiques catholiques flamandes jusqu’à nos jours et de gildes d’artisans dans les villes flamandes ; un dominicain, Georges Ceslas Rutten, disciple de l’économie sociale leplaysienne, est le principal fondateur et organisateur du syndicalisme chrétien avant 1914, la Confédération générale des syndicats chrétiens et libres de Belgique (CSC, 1912) ; un abbé wallon, Antoine Pottier, partisan d’organisations ouvrières chrétiennes autonomes, qui se soumet au Pape et deviendra un des théoriciens de la démocratie chrétienne à Rome où il a été appelé, et un abbé flamand ; Adolf Daens qui, lui, a refusé de se soumettre et est rejeté de l’Église, est à l’origine d’un Christene Volkspartij, démocrate et flamingant en Flandre. Énumération à laquelle il faut ajouter un abbé, Joseph Cardijn, fondateur de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) dans une perspective sans doute plus pastorale que sociale à ses débuts, mais qui est à l’origine de l’introduction d’une véritable conscience de classe parmi de nombreux futurs cadres syndicaux de la Ligue nationale des travailleurs chrétiens, créée en 1921 et du Mouvement ouvrier chrétien (MOC), fondé en 1946, et qui aura une influence internationale. Si l’opération diversifiée, parfois centrifuge, a rencontré un incontestable succès sur le long terme et est à l’origine d’une indiscutable « social-démocratie » chrétienne (syndicats, mutualités, coopératives, associations diverses), ses résultats sont inégaux d’un point de vue chronologique et géographique.
En Wallonie, le MOC n’a pas réussi à ébranler la suprématie socialiste dans la classe ouvrière traditionnelle mais il gagne du terrain dans les nouvelles classes ouvrières successives, y compris d’origine immigrée, chez les femmes, chez les jeunes et dans le monde des employés. En Flandre en revanche, l’expérimentation sociale, réalisée avant 1914 avec l’appui considérable de l’Église et de l’État dominé par le parti catholique, permet de contrôler la formation de la classe ouvrière flamande moins urbanisée et peu déconfessionnalisée.
Le succès de cette politique menée dans la partie la plus peuplée du pays explique donc la géographie à géométrie variable des forces sociales dans les diverses régions. En effet, si le monde socialiste de formation antérieure et dominant jusqu’au milieu du XXe siècle reste toujours prépondérant en Wallonie et, dans une certaine mesure à Bruxelles, il est nettement marginalisé en Flandre et donc aujourd’hui minoritaire dans le pays. Le MOC wallon, très minoritaire par rapport à son équivalent flamand mais moins marginal par rapport à son rival socialiste, est également plus proche des positions de ce dernier que ne l’est son grand frère flamand par rapport aux socialistes flamands. La démocratie chrétienne francophone est plus à gauche que la démocratie chrétienne flamande attachée à l’idéologie du bien commun.
La formation de deux mouvements ouvriers opposés et concurrents qui participent de la structuration des principales forces politiques et de leur monde sociologique fortement encadré dans des institutions nombreuses et variées (syndicats, mutualités, coopératives, associations culturelles et de loisirs avec, en plus du côté catholique, les réseaux hospitaliers et scolaires) explique pourquoi le monde ouvrier reste divisé, même si une politique de front commun syndical se manifeste parfois comme en 1936 et surtout depuis la grande grève de l’hiver 1960-1961. Tandis que le Parti libéral, constitué de laïques et de catholiques depuis le compromis scolaire de 1959, qui met fin à l’antagonisme séculaire entre cléricaux et anticléricaux, a pu se positionner exclusivement dans le domaine économique et social. La prépondérance du syndicalisme chrétien en Flandre est le fruit d’un processus qui va de l’immédiat après-guerre aux années 1950 et 1960. Ce grignotement des positions socialistes est indissociable de l’évolution de la géographie économique de la Belgique du XXe siècle. Si la Wallonie continue à voir son industrie lourde, caractérisée par de (petites) grandes entreprises, se développer jusqu’à la crise de la fin du XXe siècle sous le contrôle des holdings financières, dans l’espace longitudinal déterminé par le sillon charbonnier, elle est rattrapée peu à peu puis dépassée par les provinces flamandes dotées, avec l’aide de l’État, dominé par le monde catholique, de petites et moyennes entreprises de transformation articulées autour du dense réseau urbain flamand.
Dès avant la Première Guerre mondiale, une quasi parité entre les effectifs des syndicats socialistes et chrétiens s’établit en Flandre alors que le syndicalisme socialiste demeure majoritaire à Bruxelles et tout à fait dominant en Wallonie [15]. L’essor du mouvement de syndicalisation des classes ouvrières dans l’entre-deux-guerres transforme les deux familles syndicales en véritables organisations de masse. La CGTB (Confédération générale du travail de Belgique), anciennement Commission syndicale de Belgique, reste le premier syndicat du pays (en 1939, elle compte plus d’un demi-million d’adhérents). Toutefois l’ACV-CSC (Algemeen Christelijk Vakverbond – Confédération des Syndicats Chrétiens : 340 000 membres à la même époque) connaît un taux de croissance bien plus élevé : ses effectifs ont doublé, triplé en vingt ans quand ceux de la CGTB restaient stationnaires, enregistrant même un léger recul dans le courant des années 1930.
Le déclin des bassins industriels wallons, amorcé dans le courant des années 1920, et la croissance économique de la Flandre occasionnent un renversement d’équilibre dans le monde syndical de l’après-guerre. L’ACV-CSC devient progressivement le premier syndicat du pays. Deux années ponctuent cette inversion des rapports. En 1955, le nombre d’ouvriers affiliés à l’ACV-CSC dépasse celui des adhérents à la FGTB (Fédération générale du travail de Belgique, née de la fusion de la CGTB et de syndicats clandestins nés pendant la guerre en 1945). En 1967, la CSC devient le syndicat le plus représenté au sein de la fonction publique. Remarquons que la même situation se rencontre chez les employés depuis la fin de la guerre [16]. Entre 1945 et 1985, le nombre des affiliés à la CSC a pratiquement quadruplé et celui de la FGTB doublé [17]. Le rythme de croissance du syndicat chrétien demeure plus rapide et plus constant que celui de son rival socialiste. L’examen de l’évolution des effectifs des régionales syndicales ne laisse aucun doute sur la dichotomie désormais établie entre le Nord et le Sud du pays. À la seule et notable exception de l’agglomération anversoise, voire de Gand, la Flandre est devenue le bastion de l’ACV-CSC qui y compte 70 % de ses effectifs. Plusieurs phénomènes expliquent la transformation de la carte syndicale tant en Flandre que dans le reste du pays :
La réduction de certains secteurs d’activité (industries de base), voire leur totale disparition (l’extraction charbonnière) dans le Sud du pays, contraste avec la réussite économique de la Flandre. L’industrialisation de la Flandre, marginale au XIXe siècle, est entamée avant 1914 mais se développe surtout après la Première Guerre mondiale. Le PIB de la Flandre dépasse celui de la Wallonie en 1957. Le nouveau prolétariat qui se constitue à la faveur de cette réussite économique provient surtout des campagnes, y reste domicilié et en conserve souvent les comportements sociaux et politiques.
Les travailleurs flamands se montrent peu sensibles à un syndicalisme socialiste de combat qui conserve le principe de lutte de classes et lui préfèrent un syndicalisme chrétien dont l’aile flamande prône la paix sociale. Plusieurs dirigeants syndicaux wallons s’engagent dans la voie du fédéralisme (surtout après la grève contre la loi unique en hiver 1960-1961)
La tertiarisation de l’économie contribue également à diminuer le poids relatif des ouvriers au sein des grandes centrales syndicales. Ce glissement de la population active profite essentiellement au syndicalisme chrétien.
Existent également quelques syndicats indépendants et surtout un syndicat libéral (FSLB-CGSLB) unique au monde qui réunit une dizaine de % du total des affiliés [18].
Les manifestations syndicales unitaires se déclinent désormais en vert, rouge et … bleu.
La Belgique, en raison de cette concurrence exacerbée, de la convergence progressive des pratiques due à l’institutionnalisation des relations sociales et des systèmes de sécurité sociale, mais aussi des « politiques » des diverses organisations, présente le visage d’une société toujours profondément articulée autour de ses piliers. Même si les coups de boutoir donnés depuis la crise de la fin du XXe siècle les ont fragilisés. L’actualité la plus récente le souligne fortement. Le taux de syndicalisation (plus de 60%) est un des plus élevés du continent. Le pays de ce point de vue fait plutôt partie du Nord de l’Europe. Malgré les tensions dues à la communautarisation des enjeux sociaux-politiques et à la fédéralisation des institutions de la Belgique, les syndicats, tout en s’adaptant à la situation, sont restés nationaux (au contraire des partis) tout comme les mutualités. Excepté un exemple symbolique fort, celui de la Centrale des métallurgistes de Belgique (FGTB), qui avait pourtant été le premier grand syndicat national formé en 1887 qui s’est scindé récemment en Centrale flamande et Centrale wallonne. Du côté chrétien, il y a la Centrale nationale des employés et ce depuis sa constitution officielle en 1934.
Le dictionnaire
Historique
D’emblée, le projet d’un DBMOB s’est placé dans le sillage de l’œuvre initiée par Jean Maitron en France. Une première tentative est lancée au début des années 1970 sous l’égide du professeur, John Bartier (ULB), avec l’aide de Francis Sartorius, bibliothécaire dans la même université. Elle aurait dû conduire à un volume reprenant les principales personnalités du mouvement ouvrier en Belgique et aurait pu figurer dans la collection internationale du Maitron, à l’instar de l’Autriche, du Japon, etc.
En 1979, Jean Puissant reprend le projet qu’il voudrait voir mener au sein du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine qui, à l’instigation du professeur Jan Dhondt de l’Université de Gand, également initiateur de l’histoire du mouvement ouvrier en Belgique, a réalisé une importante entreprise de publications de sources, y compris concernant le mouvement ouvrier. La réforme des institutions du pays dans un sens fédéral (1970-1993) rend caduque ce type d’institution qui a terminé les projets en cours mais n’en a plus mis de nouveaux en chantier. Le projet a donc été proposé à Jean Neuville, l’actif directeur de la collection « Histoire du mouvement ouvrier en Belgique » aux Éditions Vie ouvrière de Bruxelles, diffuseur des Éditions ouvrières (Paris) et donc du DBMOF et auteur, lui-même, de plusieurs ouvrages historiques. Proposition qu’il a non seulement acceptée mais aussi véritablement adoptée. Il a joué certainement un rôle comparable à celui que J. Maitron a joué en France. Dès décembre 1979, J. Maitron peut se réjouir du redémarrage du projet, il a été tenu au courant jusqu’à sa mort de ses péripéties et de son lent avancement. L’entreprise a rencontré à la fois de la chance et son contraire. En effet, pendant trois ans, avec l’aide d’un « cadre spécial temporaire » (CST, à rapprocher des TUC en France), des chercheurs (francophones et néerlandophones) ont entrepris la collecte des informations préalables [19]. Leur travail nous a conduits à élaborer un fichier de 24 000 noms mais cette circonstance incontestablement bénéfique nous a entraînés naturellement à élaborer une démarche, sinon exhaustive, du moins non sélective et à privilégier l’axe de mise en valeur des militants modestes et non seulement des principaux d’entre eux. Le non-renouvellement de ces collaborateurs a pour conséquence de livrer cet immense chantier aux seuls bénévoles et donc à retarder sensiblement le travail dans son ensemble. En réalisant une simple projection, cela nous aurait entraînés à faire paraître 8 volumes. Le premier et unique paru en 1996, qui comprend les lettres A et B, réunit en effet trois milliers de notices. Une quarantaine de collaborateurs ont participé à son élaboration [20].
Les sources du DBMOB
Les sources judiciaires ont été éditées ainsi que pour la période de l’AIT, des documents provenant des organisations elles-mêmes, de la correspondance de militants [21]. Mais dans l’ensemble, les sources du mouvement social restent largement inédites, souvent fragmentaires et dispersées. Les archives publiques, judiciaires en particulier, soumises à une règle générale des 100 ans, ou accessibles jusqu’à la Première Guerre mondiale, ont été parfois entr’ouvertes par des recherches particulières (volontaires des Brigades internationales, Parti communiste et Résistance pendant la Seconde Guerre) [22].
Au total aucun dépouillement systématique n’a pu avoir lieu à partir de 1918. De plus, en ce qui concerne les archives judiciaires, les ressources belges confirment que la Belgique a été, d’une certaine manière, plus libérale que la France et que l’observation des milieux contestataires y a été moins importante mais aussi qu’en moyenne, les polices françaises sont plus efficaces que les polices belges dans la description et l’évaluation de ces milieux révélant un niveau d’instruction et de culture politique supérieur [23]. Seuls les militants poursuivis ou inculpés font l’objet d’un fichage judiciaire complet, les militants jugés d’un dossier fourni. Leur préservation, leur organisation et aujourd’hui leur inventaire, révèlent également des faiblesses importantes.
Les sources endogènes se révèlent également fragiles et partielles, leur sauvetage est très inégal (archives, presse, papiers personnels). Les organisations contemporaines héritières de la majeure partie des organisations de la classe ouvrière se soucient généralement très peu de leur histoire et de leurs archives [24]. Heureusement du côté flamand surtout, des équipes dynamiques et sérieuses ont fait de l’excellent travail et permis de constituer des collections importantes concernant surtout la Flandre mais aussi l’ensemble du pays [25]. La moisson reste plus riche pour ce qui concerne les aspects politiques plutôt que syndicaux, mutuellistes ou coopératifs.
Les insuffisances en matière de sources expliquent de nombreuses difficultés palliées en partie par l’existence d’une presse importante souvent d’origine nationale ou régionale, mais plus politique que sociale et assez peu attentive aux individus en dehors des principaux dirigeants [26]. Les dépouillements d’archives et de publications entrepris ne sont pas encore à ce jour généralisés. La constitution du fichier a donc été réalisée à partir de listes publiées (index onomastiques, participants aux congrès, organigrammes) et à partir de la littérature existante.
L’historiographie
L’historiographie du mouvement ouvrier est quasiment née avec son développement politique à la fin du XIXe siècle mais relève durant une très longue période de la légitimation [27] ou d’une simple histoire militante édifiante. Elle n’en offre pas moins de nombreuses informations mais sélectionnées jusqu’aux publications célébrant ou commémorant le centième anniversaire de diverses organisations comme le POB. L’historiographie scientifique qui a pourtant quelques racines anciennes [28] date surtout des années 1960, elle s’est développée durant une vingtaine d’années mais en restant largement une œuvre d’appartenance à te ou tel milieu reflétant donc la forte prégnance des identités politiques dans le pays. Mémoires de licence (maîtrise) et thèses de doctorat ont néanmoins commencé à explorer systématiquement de nombreux domaines mais beaucoup reste à faire [29]. Des publications continuent à paraître. Une bibliographie générale clôture cette introduction. Chaque notice biographique comprend une bibliographie particulière (du moins les principales d’entre elles).
L’approche biographique
Traditionnellement, la biographie du dirigeant prend place dans la littérature légitimante ou militante mais aussi dans la littérature générale. Le genre est sans doute ancien et s’est affaibli au moment même où l’historiographie scientifique a commencé à se manifester. Il est intéressant de souligner ici que l’approche biographique participe d’emblée à ce renouveau historiographique. Jan Dhondt, dont l’apport a déjà été souligné, signe deux articles fondateurs de ce point de vue, l’un à propos d’un militant de l’AIT, devenu indicateur de la police, l’autre à propos des femmes de militants [30]. Depuis, de nombreux travaux sont attentifs aux militants et à leur biographie mais l’approche n’est pas généralisée.
Tout aussi nombreux sont les travaux qui ignorent entièrement l’identification des militants évoqués ou qui ne citent même pas les noms, mettant uniquement l’accent sur les idées défendues ou sur les organisations. Néanmoins quelques thèses récentes ont placé l’approche biographique ou prosopographique au centre de leur démarche. Le plus systématique est l’œuvre de Guy Van Schoenbeek qui a étudié le monde socialiste gantois autour du « Vooruit » et qui, à partir d’un millier de notices, a reconstruit « le matériel humain » qui sous-tend et explique ce modèle particulier, aux antipodes de l’explication par le rôle du leader charismatique, Edouard Anseele, et ses lieutenants, célébrés par l’approche biographique classique et légitimante [31]. Il existe également quelques biographies individuelles importantes comme celles consacrées à Henri De Man [32] ou Émile Vandervelde, Arthur Verhaegen, A. Pottier, Pierre Fluche…
De son côté, José Gotovitch a dû, pour étudier le Parti communiste et la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, entreprendre une approche biographique soutenue par l’histoire orale et la reconstitution des groupes, des relations, le déplacement des cadres clandestins. Sans avoir entrepris une véritable prosopographie, il en a jeté les bases : elles devraient être confrontées à d’autres expertises, en Wallonie ouvrière notamment, puisqu’il étudie surtout Bruxelles et son milieu social très particulier [33]. Mais ses recherches dynamisées par l’ouverture des archives de Moscou lui ont permis d’établir les notices « belges » des kominterniens.
L’étude de l’anarchie avant 1914 a également conduit Jan Moulaert à privilégier la voie biographique et à présenter, après analyse, une critique des analyses sociologiques sur le milieu anarchiste. Mais il est le seul à ce jour à l’avoir fait et il n’a pas livré toutes ses données biographiques, les réservant pour le DBMOB, en préparation [34].
Enfin, de manière tangente au mouvement ouvrier, Paul Aron a étudié le monde littéraire et artistique dans ses rapports avec le POB selon l’approche des champs littéraires [35].
Tous ont collaboré par ailleurs au DBMOB. D’autres travaux ont été réalisés par des étudiants, privilégiant l’axe biographique ou accompagnés d’importantes annexes de ce type. Citons à titre indicatif trois mémoires consacrés au trotskysme, qui expliquent à eux seuls la sur représentation probable de ce courant dans le dictionnaire [36]. On observera, à ce stade-ci, que si le monde ouvrier chrétien avait fait l’objet de moins d’approches, ce n’est plus le cas grâce aux activités du CARHOP et du KADOC [37] et que le dictionnaire contribuera incontestablement à mettre en lumière de nombreuses personnalités de ces courants, y compris parmi les plus importantes. On notera également que toutes ces œuvres sont de caractère monographique et qu’il n’existe pas encore d’études transversales, comparatives, toutes voies et perspectives qui s’ouvriront éventuellement grâce au travail entrepris par ailleurs.
[1] Ce texte reprend en partie l’article de PUISSANT J. et de MAHOUX, J.-P., « De la représentation biographique du mouvement ouvrier en Belgique dans l’Internationale des dictionnaires », Matériaux pour l’histoire de notre temps, janvier-juin 1994, n° 34, p. 39-45.
[2] Cf. DE CAMPS Fr., L’évolution sociale en Belgique, ses péripéties au point de vue des classes ouvrières : l’enquête de 1886, Bruxelles, 1890. Nous sommes étonnés, dans l’œuvre de K. Marx, de l’absence de références ou d’observations de terrain, à ce qui se passe dans le pays au moment où il y réside. Ses exemples viennent d’Angleterre, surtout par l’intermédiaire d’Engels. Or il aurait pu observer l’impact de la prolétarisation massive à 50 km de Bruxelles et surtout le rôle majeur du premier holding industriel dans le monde : la Société générale (1822) : THANASSEKOS Y., DELSORE G., « 1845-1848 : Karl Marx, le marxisme et la Belgique », Contradictions, n° 48, 1986.
[3] SEEBOHM-ROWNTREE B., Land and Labour. Lessons fron Belgium, London, 1910.
[4] Voir LEBOUTTE R., PUISSANT J., SCUTO D., Un siècle d’histoire industrielle : Belgique, Luxembourg, Pays-Bas : industrialisation et société (1873-1973), Paris, 1998.
[5] Cf. KURGAN G., PUISSANT, J., Die Industrielle Beziehungen in belgische Kahlenberghou dern ende des 19 Jahrhunderts in Arbeiter Unternehmer und Staat in Berbau im Internationale Vergleich, München, 1989 ; MICHEL J., Le Mouvement ouvrier chez les mineurs d’Europe occidentale (Grande-Bretagne, Belgique, France, Allemagne). Étude comparative de 1880 à 1914, Thèse d’état, Lyon, 1987.
[6] VANTHEMSCHE G., La sécurité sociale ; les origines du système belge. Le présent face à son passé, Bruxelles, POLHIS - De Boeck, 1994.
[7] Cf. CHLEPNER B.S., Cent ans d’histoire sociale en Belgique, Bruxelles, 1958 et VANDERVORDT P. (dir.), Cent ans de droit social en Belgique, Bruxelles, 1986.
[8] KITTEL A., « Socialist versus Catholic in Belgium : the Role of Anticléricalism in the Development of the Belgian », dans The Historian, XXIII, 4, p. 418-435.
[9] Entre Marx et Bakounine. César De Paepe. Correspondance présentée et annotée par B. Dandois, Paris, Maspero, 1974.
[10] DE WEERDT D., De belgische socialistische arbeiders beweging op zoek naar een eigen vorm, 1872-1980, Antwerpen, 1972.
[11] SZTEINBERG M., « La fondation du POB et le ralliement de la classe ouvrière à l’action politique (1882-1886) », International Review of Social History, t. VIII, 1963, p. 198-215.
[12] DE MAN H., DE BROUCKÈRE L., Le Mouvement ouvrier en Belgique. Un aspect de la lutte des tendances socialistes, Édition et Introduction par M. Steinberg, Bruxelles, 1965 ; LIEBMAN M., Les socialistes belges 1885-1914. La révolte et l’organisation, Bruxelles, Vie ouvrière, 1979.
[13] PUISSANT J., « Le POB entre contestation et intégration », dans Natie en democratie-Nation et démocratie, Bruxelles, Éd. E. Witte et al., 2007, p. 95-105.
[14] GERARD E. (dir.), De christelijke arbeidersbeweging in Belgïe, 2 vol, Leuven, 1991 ; GERARD E., WYNANTS P. (dir.), Histoire du mouvement ouvrier chrétien en Belgique, 2 vol., Louvain, 1994.
[15] D’après le recensement établi en 1910, le total des adhérents aux deux mouvements syndicaux se structure de la manière suivante : la Flandre compte 50,5 % d’affiliés aux syndicats socialistes pour 49,5 % aux syndicats chrétiens. Le rapport à Bruxelles est de 57,9/42,1 et de 72,1/27,9 en Wallonie. Cf. NEUVILLE J., « Recherches sur le taux de syndicalisation en 1910 », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 18, 15 mai 1959, p. 2-12.
Sur la situation plus récente, cf. GEORGI F., BOLLE F., PENNETIER C., PUISSANT J., « Être militant syndical des années 60 à 80 en France et en Belgique. Pour une histoire comparée », dans PIGENET M. et al (dir.), Apogée du syndicalisme en Europe occidentale (1960-1985), Paris, 2005, p. 167-202 ; HEMMERIJCKX R., « De historiographie van de Belgische vakbeweging », dans De tuin van heden. Dertig jaar wetenschappelijk onderzoek over de hedendaagse belgische samenleving, Brussel, G. Vanthemsche et al Édit. VUB press, 2007.
[16] NEUVILLE J., « Le taux de syndicalisation en 1972 », Courrier « hebdomadaire, CRISP, n° 607, 22 octobre 1971. La base de calcul utilisée est celle des statistiques annuelles de l’ONSS (depuis 1947), les données relatives aux effectifs déclarés par les organisations syndicales devant être considérées avec réserve.
[17] ARCQ E., BLAISE P., « Les organisations syndicales en Belgique », Dossier du CRISP, n° 23, Bruxelles, novembre 1986.
[18] FANIEL J., VANDAELE K.,« Histoire de la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique », Courrier hebdomadaire, CRISP, n° 2123-2124, Bruxelles, 2011, 53 p.
[19] On peut citer Micheline Verbauwe, Willy Haagen, Annette Hendrick, Renée Dresse, Christian Dupont, Freddy Joris, Pierre-Paul Maeter. Un comité scientifique réunit également les professeurs H. Balthazar, R. Van Eeno (université de Gent), P. Gérin (Université de Liège) et J. Puissant (ULB).
[20] Leur nom figure sous chaque notice. Voir l’analyse de ce premier volume dans L’internationale des dictionnaires, op.cit.
[21] WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging, Louvain-Paris, 7 volumes, 1963-1971 ; OUKHOW C., Documents relatifs à l’histoire de la Première Internationale en Wallonie, Louvain-Paris, 1967 ; DANDOIS B., op. cit. ; et surtout Documents relatifs aux militants belges de l’AIT, éd. D. Devreese, Louvain-Paris, 1986.
[22] VAN DOORSELAER R., « Les volontaires gantois pour les Brigades internationales », CHSG, n° 5, octobre 1980, Bruxelles ; GOTOVITCH J., Du Rouge au Tricolore : les communistes belges de 1939 à 1944, un aspect de la résistance en Belgique, Bruxelles, Éditions du CArCoB, 2018.
[23] Cf. MICHEL J. et PUISSANT J., « Le Hainaut troublé de la fin du XIXe siècle vu de France », dans Recueil d’études d’histoire hainuyère offerts à M.A. Arnould, Analectes d’histoire du Hainaut, I, Mons, 1983, p. 767-781. Le commissaire de police spécial de Feignies est ainsi un observateur plus complet et plus précis que ses homologues belges à la même époque. Cf. PUISSANT J. (éd.), Sous la loupe de la police française, le bassin industriel du Centre (1885-1893), Haine-Saint-Pierre, 1988.
[24] STEENHAUT W. et PUISSANT J., « Les archives syndicales en Belgique », Archivum, t. XXVII, Paris, 1980, p. 25-36.
[25] AMSAB (Archief en museum van de socialistische arbeidersbeweging), Gand pour le mouvement socialiste ; KADOC (Katholiek Documentatie – en Onderzoekcentrum), Louvain, pour le monde catholique, y compris donc le mouvement ouvrier chrétien, ainsi que le CARHOP (Centre d’animation et de recherche en histoire ouvrière et populaire) à Bruxelles, spécialisé dans le mouvement ouvrier chrétien francophone, le Liberaal archief à Gent. L’Institut Émile Vandervelde (IEV), très riche pour la période d’avant la Seconde Guerre mondiale, s’est relativement peu étoffé depuis, l’IHOES (Institut d’histoire ouvrière et sociale) de Seraing a entrepris une vaste collecte riche surtout pour la région liégeoise mais aussi pour la Wallonie. Le CArCoB-BKAC (centre d’archives communistes de Belgique) à Bruxelles dispose d’une bibliothèque et d’archives concernant surtout la période d’après-guerre.
[26] De nouveau les disparités sont importantes. La presse la plus ancienne est attentive à la disparition de militants et en Flandre existent des publications régionales socialistes qui fournissent beaucoup de biographies nécrologiques ou anniversaires caractéristiques dans un milieu très minoritaire mais construisant une importante représentation identitaire.
[27] Citons par exemple principalement : BERTRAND L., Histoire de la démocratie et du socialisme en Belgique depuis 1830, 2 vol., Bruxelles-Paris, 1906-1907, et du même auteur, Histoire de la coopération en Belgique : les hommes, les idées, les faits, 2 vol., Bruxelles, 1902-1903.
[28] Par exemple, VANDERVELDE E., Enquête sur les associations professionnelles, Bruxelles, 1898 (sa thèse de doctorat en sciences sociales) ; DESMAREZ G., Les Compagnonnages des chapeliers bruxellois 1576-1909, Bruxelles, 1919.
[29] Un sondage rapide dans les listes de ces travaux universitaires montre que de 1945 à 1975, sur un total de 1.093 titres, environ 11 % ont été consacrés au mouvement ouvrier (concentrés à partir des années 1960). De 1975 à 1985, sur un total de 1 253 ; on en relève plus ou moins 7 %. On observe donc déjà un recul significatif dû en particulier à l’explosion du nombre de diplômés en Flandre, moins préoccupés par ce domaine :
HENDRICKX J.-P., Répertoire des mémoires de licence et des thèses de doctorat (histoire contemporaine) 1945-1975, Louvain-Bruxelles, 1986 et ART, J., Liste des mémoires présentés auprès des universités belges (histoire contemporaine) 1975-1985, Gand, 1986.
Il existe bien sûr une historiographie produite par des amateurs qui, à quelques belles exceptions près, pêchent par leur heuristique rudimentaire et le traitement insuffisant de la matière réunie. De plus, l’historiographie reste plus politique que sociale (plus orientée vers l’étude des partis que vers celle des syndicats, par exemple). Cf. PUISSANT J., « L’historiographie du mouvement ouvrier », Histoire et historiens depuis 1830 en Belgique, Revue de l’Université de Bruxelles, Bruxelles, 1981.
[30] DHONDT J., « Un militant gantois de la Première Internationale », dans Contributions à l’histoire économique et sociale, t. II, Bruxelles, 1963, p. 93-141 et « Les femmes et la Première Internationale en Belgique », dans Mélanges Guillaume Jacquemyns, Bruxelles, 1968, p. 239-250. À sa suite, D. Devreese, op. cit., étudie les militants de l’AIT.
[31] VAN SCHOENBEEK G., De wortels van de social-democratie in Vlaanderen. « Le monde socialiste gantois » en de gentse socialisten voor de eerste wereldoorlog, thèse inédite, RU Gent, 1992.
[32] CLAEYS-VAN HAEGENDOOREN M., Hendrik De Man. Een biografie, Anvers-Utrecht, De Nederlandsche Boekhandel, 1972.
[33] GOTOVITCH J., op. cit., une importante annexe biographique complétait sa thèse et a été en grande partie publiée dans son ouvrage. Il faut rappeler ici aussi les travaux de R. Van Dorselaer, op. cit.
[34] MOULAERT J., « Anarchie, que ton règne arrive ! » De anarchistische beweging in Belgïe 1880-1914,Thèse de doctorat KUL, Leuven, juillet 1993, publiée sous le titre « Rood en Zwart, de anarchistische beweging », dans België 1880-1914, Davidsfonds Leuven, 1995, traduit en français : Rouge et Noir. Le mouvement anarchiste en Belgique, Quorum, Ottignies-Louvain-la Neuve, 1996.
[35] ARON P., Les écrivains belges et le socialisme 1880-1913, Bruxelles, Labor, 1985. Il faut rappeler également les répertoires de J.-L. De Paepe et F. Sartorius, consacrés aux communards français réfugiés en Belgique et aux Belges ayant participé à la Commune.
[36] Citons seulement celui qui a été publié : DE BEULE N., Het Belgische Trotskysme 1925-1940, Gent, 1980.
[37] Mentionnons néanmoins De Christelijke… op. cit., Leuven, 1991 et signalons également les travaux du CARHOP sur les fédérations wallonnes du mouvement ouvrier chrétien (Ath, Charleroi, Namur, Mouscron, Liège-Huy-Waremme).