SPEHL François, Léopold, Alexandre.

Par Jean Puissant

Bergues (département du Nord, France), 1830 − Ixelles (pr. Brabant, arr. Bruxelles ; aujourd’hui Région de Bruxelles-Capitale), 1906. Ouvrier puis maître horloger, militant de l’Association internationale des travailleurs et de la Libre pensée.

Ouvrier puis patron horloger, François Spehl arrive en Belgique après le 2 décembre 1851, mais il ne s’y fixe définitivement qu’en 1859. Le 9 avril 1860, il est admis comme membre de L’Affranchissement, où il est présenté par Jan Pellering*. Spehl habite alors rue de Bavière. Actif au sein de la société L’Affranchissement, il préside souvent les séances. Le 14 décembre 1868, il est désigné, avec Jan Pellering, pour représenter l’association à une réunion de la Fédération des sociétés de libres penseurs belges à Anvers. Cette question l’intéresse puisqu’il plaide, six ans plus tard, en faveur d’une mutualisation des moyens de propagande des sociétés de Libre pensée, donc de l’existence d’une fédération.

Cette question est à l’origine de la création d’une nouvelle société, Les Cosmopolitains, en 1874. François Spehl y adhère et y est actif. En effet, L’Affranchissement et son corollaire « politique », le Cercle populaire de Nicolas Coulon et Jan Pellering refusent, par principe, de s’inscrire dans une organisation plus vaste. Spehl reste bien dans la logique qui est la sienne d’autant que la nouvelle société n’est pas fondamentalement en désaccord d’un point de vie idéologique avec la première. Fin 1878, il en est toujours membre et réside rue de Ruysbroek. En revanche, les 28 et 29 mars 1880, c’est la Libre pensée d’Ixelles qu’il représente au Congrès national de la Libre pensée à Bruxelles. Il réside probablement dans cette commune où il décèdera. Il y reste actif : en 1898, il siège au comité de la Fédération bruxelloise des sociétés de Libre pensée et dans celui de l’Orphelinat rationaliste. Il s’agit de l’axe principal de l’activité « politique » de Spehl.

Membre de l’association Le Peuple, François Spehl ferait partie de son comité en avril 1862. Il déclare à ce moment que la police l’a interrogé à propos de son appartenance à cette société. Il est étonnant qu’il se soit fait admettre dans cette société, émanation des Solidaires, alors qu’il est actif à L’Affranchissement. Mais la section « politique » de ce dernier, le Cercle populaire, n’est créé qu’en 1864.

Le 22 février 1863, lors d’une réunion de l’association Le Peuple, François Spehl propose de se « mettre d’accord avec les autres démocrates des autres pays et notamment de France et d’Angleterre, à l’effet de suivre la même marche et les mêmes principes en cas de révolution », faisant implicitement référence à une proposition de Joseph Paz, publiée le 11 mai précédent dans La Tribune du Peuple, d’organiser un congrès international à Londres, sinon à Bruxelles.

François Spehl est plus proche des positions de Nicolas Coulon que de celles de Désiré Brismée. En mars 1867, lors d’une réunion sur la réforme électorale, il tient des propos « révolutionnaires » en opposition aux propositions modérés de Henri Kats : « Il faut des barricades ». Le 25 février 1868, lors d’un banquet républicain célébrant l’anniversaire de 1848, il chante La Carmagnole et crie « Vive la république ».

En 1867-1868, François Spehl est actif au sein de l’Union, association des ouvriers travaillant le fer et le cuivre. C’est à ce titre qu’il siège au Conseil fédéral bruxellois de l’Association internationale des travailleurs (AIT) et qu’il signe la lettre de protestation aux propos tenus par le ministre de l’Intérieur, Jules Bara, à propos de l’organisation à Bruxelles du Congrès international de l’AIT le 20 mai 1868. Il représente l’Union à ce Congrès au mois de septembre. Spehl fait partie du comité de défense des grévistes de Charleroi (pr. Hainaut, arr. Charleroi) en avril 1868. Il donne des meetings pour l’AIT à Couillet (aujourd’hui commune de Charleroi) en juin 1868, puis à Fleurus (pr. Hainaut, arr. Charleroi) et Wanfercée-Baulet (aujourd’hui commune de Fleurus) en octobre où il pourfend les employeurs et appelle les ouvriers à l’adhésion à l’Internationale.

Au Congrès de Bruxelles de septembre 1868, François Spehl est en contact avec des délégués français . Membre du comité chargé de faire la clarté sur l’affaire Vésinier, il s’abstient dans ses conclusions qui proposent son exclusion. Dans une lettre à Pierre Vésinier, il dit l’avoir défendu, du moins demandé de chercher à comprendre le bien-fondé des accusations portées par les uns et par les autres. Il condamne l’attitude de Désiré Brismée à cette occasion.

Le 21 décembre 1868, lors d’un meeting du Cercle populaire, François Spehl tient, selon une note de police, des propos violents à l’égard de la garde civique, « qu’elle aura à compter avec le peuple »…, « que le peuple est prêt à exterminer les capitalistes, les bourgeois et tous les privilégiés ». Lors d’autres réunions ; il s’en prend aux coopératives qui « ne servent qu’à créer de nouveaux exploiteurs ». Pour lui, « la propriété individuelle devait disparaître pour faire place à la propriété collective » (28 mars 1869). « Quand les massacres de Seraing et du Borinage ont eu lieu, on aurait dû soutenir les ouvriers et faire la révolution » (7 juin 1869).

Le 11 avril 1869, François Spehl appelle, avec Pirenne, à former une nouvelle section de l’AIT. Une commission, dont il fait partie, est désignée pour rédiger les statuts des Affranchis, nom transparent puisqu’il s’agit de permettre à L’Affranchissement de se constituer en section de l’AIT comme Le Peuple l’a fait en 1865. « « Affranchis » renferme tout ce que nous voulons : affranchi du prêtre, du pouvoir divin, du trône, du patronat ; en un mot, il représente ce que nous devons être : de vrais socialistes » comme l’énonce Prosper Esselens*, un ancien de 1848, le 26 avril 1869. François Spehl participe donc pleinement à la scission de l’AIT à Bruxelles et à la création de La Nouvelle tribune du Peuple qui profite de la disparition de La Tribune du peuple pour essayer de s’y substituer. Mais la tentative du groupe Delesalle, P. Esselens, Spehl, soutenue par Coulon et Pellering, ne réussit pas, ne parvenant ni à pérenniser la nouvelle organisation, ni le nouvel organe (février-août 1869) et surtout de se voir refuser la reconnaissance par le Conseil général à Londres.

« Spehl est un révolutionnaire décidé et capable de descendre dans la rue », conclut une note de police du 11 mai 1871. Sa période « révolutionnaire » est pourtant terminée, la lutte anticléricale le mobilise désormais jusqu’à la fin de sa vie.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article170409, notice SPEHL François, Léopold, Alexandre. par Jean Puissant, version mise en ligne le 5 février 2015, dernière modification le 9 septembre 2020.

Par Jean Puissant

SOURCES : Archives générales du Royaume, Police des étrangers, n° 152 466 − WOUTERS H., Documenten betreffende de geschiedenis der arbeidersbeweging (1853-1865), Leuven-Paris, 1966 (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoire contemporaine, 40).

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