Par Jean-Pierre Besse
Née le 8 août 1916 à Botosani (Roumanie), morte le 17 août 2002 à Paris ; militante communiste ; résistante au sein des FTP-MOI.
Bianca Boïco naquit dans une famille juive de la moyenne bourgeoisie ruinée par la crise de 1929. Pendant ses études au lycée, en 1932, elle adhéra aux Jeunesses communistes. En 1934, elle s’installa à Bucarest pour entreprendre des études de médecine. Collaborant à la presse antifasciste sous divers pseudonymes, elle fut exclue de la faculté en 1937 comme juive et communiste. Elle passa sa licence d’histoire en 1937-1938 puis décida de gagner la France pour poursuivre ses études. Arrivée en septembre 1938, elle s’installa rue Francoeur, près de Montmartre, et s’inscrivit en biologie à la faculté des sciences de Paris. En juin 1940, la Sorbonne ayant été fermée, elle passa à Toulouse son certificat d’études supérieures de zoologie. Rentrée à Paris en septembre 1940, elle poursuivit ses études, gagnant sa vie en donnant des cours de mathématiques puis en effectuant des traductions de revues allemandes de biologie pour les chercheurs. Ce travail la fit vivre jusqu’en 1942, quand elle devint permanente des FTP.
Ses premiers contacts avec la Résistance eurent lieu en milieu étudiant, à la faculté des sciences de Paris. Quelques jours après les manifestations du 11 novembre 1940, Bianca fut arrêtée, après une perquisition du petit hôtel meublé où elle habitait. Emmenée à la Préfecture de police, elle ne fut pas retenue : elle n’était pas fichée et avait un passeport roumain à jour. De même, après le Statut des juifs d’octobre 1940, elle s’était présentée pour être recensée comme juive, mais n’avait pas fait le pas suivant, d’aller recevoir un tampon sur sa carte d’identité. Ainsi se retrouva-t-elle désormais dans une sorte de semi-clandestinité.
Au printemps 1941, elle entra en contact avec « Emmanuel » (Olaso) qui dirigeait le service technique de l’OS-MOI et qui la chargea de trouver des produits chimiques. Ce fut ensuite le passage à la lutte armée. Entrée en contact avec le groupe roumain de la MOI, elle intégra l’OS puis les FTP dès leur création en mai 1942 (matricule 10452, pseudonyme « Monique »). Aux côtés du responsable militaire Boris Holban, elle mit sur pied le service de renseignement des FTP-MOI, chargé de repérer des objectifs d’action contre l’occupant.
Début décembre 1942, « Monique » prépara l’attaque d’un garage de l’avenue Simon Bolivar (XIXe arr.), transformé par les Allemands en atelier de réparation. Elle participa, en janvier 1943, à l’opération sur le très grand garage à plusieurs niveaux de la rue de Laborde, dans un quartier bourré d’Allemands. Mais l’affaire la plus importante, préparée par le service de renseignement, à partir de mai 1943, fut la filature du général SS Julius Ritter, principal responsable en France chargé de recruter et d’envoyer en Allemagne les requis du STO. Le général fut abattu le 28 septembre par une équipe composée de Marcel Rayman, Celestino Alfonso et Léo Kneler.
Elle échappa en novembre 1943 à la vague d’arrestations qui démantela les FTP-MOI mais participa à l’exécution du traître Dawidowicz le 23 décembre. « Monique » fut ensuite nommée responsable FTP-MOI pour la zone Nord, où elle poursuivit ses missions jusqu’à la Libération : Nord, Pas-de-Calais, Est, surtout Nancy. Elle termina la guerre comme lieutenant FFI et reçut par la suite la Médaille de la Résistance.
En 1945, journaliste à la Radiodiffusion française, elle collabora à plusieurs journaux ; c’est à ce moment qu’elle prit comme pseudonyme Cristina Luca. Elle regagna la Roumanie en mars 1946 et travailla dans divers ministères dans les domaines de la presse, de la communication et des relations culturelles. Fin août 1947, elle passa au ministère des Affaires étrangères, nommée à Belgrade comme conseiller de presse à l’ambassade de Roumanie. Elle rencontra en 1947 et épousa en décembre 1950 Mihail Boïco (Bibi Rozner), ancien des Brigades internationales. Le couple fut mêlé aux tensions qui agitèrent le PC roumain et fut mis à l’écart en 1952. D’abord nommé directeur d’une usine sidérurgique, Mihail Boïco fut ensuite envoyé en URSS en 1957-1958 comme attaché commercial puis devint fonctionnaire au ministère de l’Industrie et de la construction de machines. Il mourut le 9 avril 1972 à Bucarest. Cristina se « reconvertit » en enseignant à la faculté la biologie et les sciences politiques. Après 1960, rédactrice aux Editura Stiintifica, elle édita des livres de biologie, et fit diverses traductions. En 1987, pour échapper aux misères de la fin des années Ceaucescu, elle rejoignit ses enfants, installés en France depuis quelques années, et se consacra à faire connaître l’histoire de la Résistance par des conférences et des articles.
Par Jean-Pierre Besse
ŒUVRE : Avec les FTP parisiens « Témoignage de Cristina Boïco », in Regards sur la mémoire, ANACR du 18e arrondissement de Paris, 1994, p. 140-188. — « Des étrangers « , in Résistance et refondation, Rencontres avec les Combattants de la Mémoire, 10 novembre 2000 (Mairie du XIIIe), Paris, 2001, p. 50-59. — « Les hommes qui ont porté Ceaucescu au pouvoir « , Sources. Travaux historiques, n° 20, 1989, p. 23-32.
SOURCES : Article nécrologique paru dans Le Monde le 18 mai 2002 et signé par Michel Trebisch. — Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989 — Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le Sang de l’étranger, Fayard, 1989.