Par Jacques Girault
Né le 5 janvier 1930 à Saint-Marcellin (Isère) ; professeur ; militant syndicaliste ; militant communiste ; conseiller municipal de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine).
Ses parents étaient fabricants de fromages. Son père, résistant dans l’Armée secrète à Saint-Marcellin, hébergeait clandestinement une famille juive et un opérateur radio envoyé de Londres dans le cadre de la préparation du maquis du Vercors. Dénoncé, il fut abattu par la Gestapo venue l’arrêter, le 22 mai 1944. Jean Rony, pupille de la Nation à partir d’avril 1945, fut élève interne au collège de La Mure (Isère), et était en relations avec les milieux résistants de la localité.
Après la Libération, Jean Rony adhéra au Parti socialiste SFIO et devint secrétaire de la fédération de l’Isère des Jeunesses socialistes. Délégué au congrès national du Parti socialiste SFIO à Lyon (14-17 août 1947), hostile aux analyses des jeunes socialistes écartés pour trotskysme, il participa, à la mi-septembre, à la conférence nationale de reconstitution et de refonte des statuts des JS-SFIO à Toulouse. Il quitta le parti à la fin de 1947 en désaccord avec la répression du mouvement gréviste par le gouvernement socialiste.
Bachelier, Rony hésita pour choisir l’orientation de ses études supérieures. Inscrit dans un premier temps en droit et en sciences politiques à la faculté de Grenoble, adhérent à l’Union nationale des étudiants de France, il collabora à la revue de l’Association générale des étudiants de Grenoble, assurant la rubrique régulière, “Revue des revues“. Il se rapprocha du Parti communiste français, prit sa carte en janvier 1949 et milita à la cellule des étudiants de Grenoble.
Jean Rony vint à Paris en 1950. Il ne put s’adapter à l’Institut d’études politiques et commença des études d’espagnol, langue qu’il n’avait pas étudiée durant sa scolarité. Militant à l’UNEF, responsable des étudiants de l’Institut hispanique à la Fédération générale des étudiants en lettres, il fut délégué au congrès de l’UNEF à Aix-les-Bains en mars 1951.
Il participa comme traducteur aux activités du siège parisien des Combattants de la paix, notamment lors du Congrès des peuples pour la Paix à Vienne (Autriche) en décembre 1952. Il resta quelques mois comme traducteur au siège du Conseil mondial de la Paix à Vienne. Il y rencontra Pierrette, Antoinette Bressan, militante communiste, employée du comité qu’il épousa plus tard en juin 1958 à Levallois-Perret (Seine/Hauts-de-Seine). Ils eurent deux enfants er divorcèrent en 1970.
Dans le cadre de ses études, Jean Rony effectua divers séjours en Espagne et fréquenta des communistes espagnols. Ami de Carlos Semprun, frère de Georges Semprun, et de Julian Grimau, il assura plusieurs missions au service du Parti communiste d’Espagne de 1958 à 1963. À partir de 1955, il commença à écrire des articles, souvent non signés ou signés Jean Montiel quand il s’agissait de l’Espagne, dans La Nouvelle Critique, revue des intellectuels du PCF. Il fut notamment l’un des auteurs du numéro spécial sur l’Espagne. Secrétaire adjoint de sa cellule dans le XIIIe arrondissement, pigiste au journal quotidien Libération, intéressé par les questions internationales, il était surveillant d’externat au lycée Chaptal et membre du Syndicat national de l’enseignement secondaire.
En 1957, Jean Rony passa le concours d’entrée (Lettres) à l’École normale nationale d’apprentissage, rue de la Roquette (Paris, XIe arr.). Il devint secrétaire de la cellule communiste et milita au Syndicat national de l’enseignement technique professionnel-CGT. Nommé au centre d’apprentissage du bâtiment dans le XVIIIe arrondissement de Paris, il fut pendant une année le secrétaire départemental du SNETP-CGT.
Reçu a l’IPES, Jean Rony termina sa licence ès lettres, obtint le CAPES (lettres modernes) en 1962, puis l’agrégation en 1963. Il enseigna au lycée de Mantes (Yvelines) de 1963 à 1965 puis fut nommé au lycée Pasteur à Neuilly (1965-1967).
Habitant Levallois-Perret (Seine/Hauts-de-Seine) à partir de 1957, militant localement dans le PCF, responsable de la Fédération des conseils de parents d‘élèves, il fut élu en 1965, au deuxième tour, conseiller municipal sur une liste d’union de la gauche à direction communiste. Il fit partie des commissions de l’enseignement, des sports et de la culture.
Jean Rony fut intégré dans le comité de rédaction de La Nouvelle Critique en 1963. Dans les années précédentes, il publia, sous son nom, plusieurs articles sur la social-démocratie française et, sous le nom de Jean Montiel, sur l’Espagne. Dès lors, il devint un des collaborateurs réguliers de la revue, considéré comme un bon analyste du Parti socialiste SFIO. Il commençait à suivre l’évolution du communisme italien, question que ne paraissait pas intéresser la direction du PCF jusqu’à la fin des années 1960, quand les Partis communistes français et italien entendaient trouver la voie pour s’éloigner du modèle soviétique et que l’on redécouvrait l’apport des analyses de Gramsci. À partir de 1969, dans son témoignage, il indiquait « J’entreprends la prospection méthodique de l’Italie avec l’aide du Parti communiste italien ». Il fut, en 1966, un des trois enseignants français envoyés à l’université de Volvograd par l’association France-URSS.
En octobre 1967, Jean Rony obtint un poste d’assistant à la nouvelle faculté des lettres de Tours (Indre-et-Loire). Il fut actif notamment lors des évènements de mai-juin 1968 en raison de ses responsabilités au Syndicat national de l’enseignement supérieur. Délégué au congrès national de juin 1968, il fut désigné à la commission administrative nationale pour la future tendance “Action syndicale“. À partir d’octobre 1969, il fut nommé assistant à la faculté des lettres de Nanterre, devenue peu après Université de Paris X-Nanterre où il termina sa carrière en 1995 comme maître de conférences. Il fut le secrétaire de la section syndicale de l’UER de Lettres et membre du secrétariat de l’intersyndicale de l’Université pendant six années. Élu dans cette période au conseil de l’université, il resta pendant trois années à la vice-présidence du bureau du conseil de l’université.
Membre du comité de rédaction de La Nouvelle Critique, Jean Rony écrivait régulièrement dans la revue sur les questions de politique étrangère (surtout l’Espagne) et sur le socialisme français. Il faisait partie de la section de politique étrangère (la “Polex“) du PCF. Il devint, en 1974, membre du comité de rédaction de l’hebdomadaire du PCF, France nouvelle. Il y écrivit parfois des articles sur la vie politique en Italie. Participant à la traduction des textes publiés dans les éditions communistes, il présenta les ouvrages de Palmiro Togliatti, Le Fascisme italien (Les éditions de La Nouvelle Critique, 1971), Sur Gramsci, (Editions sociales, 1977, procéda à des traductions de dirigeants italiens (Giorgio Napolitano, Pietro Ingrao).
Inquiet devant la situation interne du PCF, Rony, en avril 1973, dans une intervention lors d’une réunion du comité de rédaction de La Nouvelle Critique, exposa son point de vue. Selon lui, il fallait que le Parti fasse une manière de révolution culturelle, écoute ce qui se disait à gauche, mette en doute les analyses économiques issues du “Capitalisme monopoliste d’Etat“ et modifie ouvertement son analyse des partis communistes de l’URSS et des démocraties populaires. A la suite des critiques qu’il essuya, il commença à douter de la validité du communisme et du marxisme. En 1977, il commença à écrire un ouvrage sur ce politique communiste qui fut publié en 1978 sous le titre Trente ans de parti : un communiste s’interroge (Paris, C. Bourgois). Il le présenta comme des propositions pour que « le fonctionnement interne du PCF » se modifie pour que le parti « devienne le parti de sa politique ». Il apparaissait ouvertement comme un des premiers contestataires de la ligne imposée par la direction du PCF après son article dans Le Monde du 21 mars 1978 intitulé « Le PCF n’a pas été entendu par les masses ». Il fut un des signataires en tant qu’ « universitaire et journaliste » de la pétition « Union dans les luttes » lancée le 10 décembre 1979. A la fin de 1980, il s’engagea plus ouvertement dans le groupe soutenant la publication fondée par Henri Fiszbin Rencontres communistes hebdo et se trouva peu après parmi les communistes s’étant « mis en dehors » du PCF selon la formule adoptée par la direction du PCF.
Après l’interruption de la parution de Politique Hebdo en 1978, Rony rencontra Paul Noirot ; celui-ci fonda un nouvel hebdomadaire Maintenant en 1979 auquel Rony collabora, avec Yvonne Quilès, la rédactrice en chef. Il travailla avec Noirot dans la relance de la revue bi-mensuelle Politique Aujourd’hui de 1984 à 1986. Il écrivit aussi des articles dans la revue bimensuelle européenne Lettre internationale jusqu’en 1986.
Jean Rony cotisa par la suite pendant quelques années au Parti socialiste sans y militer. Dans les années 1980, il collaborait au Monde diplomatique sur l’Espagne. Il s’engagea après sa retraite dans l’association Amnesty International et collabora jusqu’en 2010 à son bulletin Chronique syndicale, émanation de sa commission syndicale.
Divorcé depuis 1970, Rony se remaria en septembre 1982 à Paris (XVIe arr.) avec une professeure et divorça en 1992.
Par Jacques Girault
ŒUVRES : Parmi les neuf références de la Bibliothèque nationale, citons aussi : La lente rupture : l’Espagne du franquisme à la démocratie, Paris, Éditions sociales, Notre Temps, 1977. — L’Internationale et le genre humain, (avec Alexandre ADLER, Paris, Mazarine, 1980. — Trente ans de parti : un communiste s’interroge, 1978, Paris, C. Bourgois.
SOURCES : Arch. mun. de Levallois-Perret (Philippe Mayet). — Renseignements fournis par l’intéressé en 2014. — Ouvrage cité : Trente ans de parti …. — Presse.