ROUBY Christian, Bernard

Par Gérard Boëldieu, Jacques Girault

Né le 24 mai 1931 au Mans (Sarthe) ; instituteur puis professeur de collège dans la Sarthe ; militant du SNI puis du SNI-Pegc et de la FEN ; militant du PCF.

C. Rouby  en 2002
C. Rouby en 2002

La prime enfance de Christian Rouby se déroula à Sablé (Sarthe) où son père, Lucien Rouby, né en 1907 à Vincennes, était “employé de commerce“, en fait coconnier (acheteur d’œufs sur les marchés locaux et dans les fermes des environs) pour le compte de la beurrerie “Mallet-Cador“. Sa mère, Marcelle Chardon, née en 1909 au Mans, troisième enfant, sur quatre, d’un brigadier des chemins de fer de l’État, modiste de formation, spécialisée dans la fabrication de chapeaux pour des grands magasins, restait alors femme au foyer. Lucien Rouby milita à la SFIO avant 1940. Trésorier de la section de Sablé – le secrétaire étant après 1936 l’instituteur René Busson –, il fut en 1937 l’un des deux candidats socialistes de son canton, qui y avait deux sièges, au conseil d’arrondissement de La Flèche. Il recueillit 616 voix et son camarade Maclin 645, soit davantage que les deux candidats communistes, 125 et 123, mais loin derrière les deux sortants de droite (URD), réélus dès le premier tour avec respectivement 2 474 et 2 473 suffrages sur 4 570 inscrits et 3 305 votes exprimés (L’Ouest-Eclair du 11 octobre 1937). En 1937 les parents de Christian Rouby quittèrent Sablé pour Le Mans où ils tinrent une succursale d’une chaîne locale d’alimentation. Prisonnier de guerre en 1940, Lucien Rouby fut libéré en 1943. Peu après la Libération, les parents de Christian Rouby se séparèrent.

Christian Rouby « apprit à lire », selon son expression, à l’école publique de Sablé où René Busson enseigna de 1936 à la Libération. Il prépara au Mans, au cours complémentaire Pierre-Philippeaux (quartier de Pontlieue), le concours d’entrée à l’École normale d’instituteurs de la Sarthe qu’il réussit en 1946. À la rentrée scolaire de 1949, il fut admis dans la classe de philosophie de l’ENI de Rennes. En 1952, l’année même de sa titularisation comme instituteur dans la Sarthe, il épousa Nicole Mézière, née en 1932, institutrice, tout juste sortie de l’École normale de filles du Mans. Le couple, qui eut trois enfants, fut nommé en 1954 à Sainte-Jamme-sur-Sarthe, commune du canton du Ballon à forte population ouvrière (proximité de l’usine métallurgique Chappée à Antoigné) où, d’instituteur adjoint Christian Rouby passa professeur de français et d’histoire-géographie (PEGC, section II) au collège d’enseignement général. Il y resta jusqu’au début des années 1970. Il exerça ensuite au collège d’enseignement secondaire de Coulaines, commune voisine du Mans, avant de devenir permanent syndical. Il milita dans les comités locaux de la Fédération des conseils de parents d’élèves à partir du milieu des années 1960.

Christian Rouby adhéra dès l’école normale au Syndicat national des instituteurs et y exerça très vite des responsabilités. Il participa au conseil syndical de la section départementale comme responsable des jeunes instituteurs. Partisan du maintien du syndicat dans la CGT en 1948, il milita à la FEN-CGT et cessa sa double affiliation en 1954, à la suite de l’appel aux instituteurs communistes du bureau politique du PCF de ne militer qu’au SNI.

Après 1968, il s’investit beaucoup plus dans le militantisme syndical, comme l’y invitaient les responsables communistes. En 1971, aux élections du conseil syndical départemental du SNI, il fut à la tête de la liste « Unité et Action » qui l’emporta, faisant basculer la majorité de la section qui avait toujours été dirigée par des militants « autonomes » depuis 1948. Élu secrétaire général de la section départementale au début de l’année 1972, il le resta jusqu’en 1983, date à laquelle son frère Guy Rouby lui succéda. Dès lors la section de la Sarthe du SNI, devenu SNI-PEGC en 1976, se signala par une intense activité. Ainsi à la rentrée scolaire 1978, pour dénoncer l’insuffisance des ouvertures de classes, elle installa des normaliens sans poste dans 16 classes que la presse locale baptisa « classes parallèles », avec le soutien des maires des communes concernées. Suivirent des occupations des locaux par les parents, des délégations à l’inspection académique, un meeting au Mans, trois rassemblements départementaux... L’action, largement commentée par la presse et dans tout le syndicat, déboucha sur la création de cinq classes et la nomination de 40 instituteurs suppléants.

En même temps, Christian Rouby devint un des militants nationaux « Unité et Action » les plus connus et les plus actifs, comme membre du bureau national du SNI-PEGC de 1976 à 1985 et membre de la commission administrative nationale de la FEN au titre de son syndicat. Il fut le principal défenseur des positions « Unité et Action », avec Désiré Nicolas-Charles, pour la catégorie des professeurs d’enseignement général des collèges dans le cadre d’une profonde réforme de la formation des maîtres et du système éducatif. Adversaire du projet d’ « Ecole fondamentale » de la majorité de son syndicat, carrément hostile à toute formule de professeur breveté des collèges formé à bac+2 ou 3 (projets Haby puis Beullac), il défendait l’existence d’un corps unique dans le second degré formé au niveau de la maîtrise, ce qui impliquait l’arrêt du recrutement des PEGC et leur intégration dans le nouveau corps. Il demandait donc l’unité d’action entre le SNI-PEGC et le Syndicat national des enseignements de second degré sur la base d’une plate-forme unificatrice, dont le SNES avait fait la proposition, et souhaitait « regrouper dans le même syndicat les catégories qui travaillent dans les mêmes établissements, qui enseignent aux mêmes élèves ». Il exposa cette orientation et cette stratégie au congrès de la FEN de 1980 à Toulouse. Il ne partageait cependant pas la totalité des points de vue de ses camarades U-A du SNES sur le sujet, car il souhaitait à terme une intégration sans conditions des PEGC dans le nouveau corps.

En mars 1981, après que le ministre Beullac eut annoncé l’arrêt du recrutement des PEGC, et alors que le SNES appelait depuis son congrès de 1980 à constituer dans la FEN un « grand syndicat du second degré », Chritian Rouby fut suspendu du BN du SNI-PEGC par le conseil national, au motif qu’il avait été « l’instigateur avec une responsable du SNES de réunions s’adressant aux syndiqués et non-syndiqués afin de tenter de susciter un mouvement de scission au sein des PEGC pour constituer un grand syndicat du second degré ». L’affaire fit grand bruit. Guy Georges, secrétaire général du SNI-PEGC menaça à cette époque le SNES « communiste » d’exclusion et André Henry, secrétaire général de la FEN, condamna dans la presse les « initiatives des dirigeants de deux syndicats (SNES et SNEP) manipulés par le Parti communiste », ce à quoi la revue U et A répliqua en titrant : « Beullac, A. Henry, G. Georges, même langage ».

Après l’élection de François Mitterrand en mai 1981, Christian Rouby continua à défendre les mêmes points de vue au BN du SNI-Pegc et au nouveau bureau fédéral créé en 1982, dont il fut un des 11 membres titulaires U-A. Il se fit aussi le défenseur constant de la laïcité dans son département comme au plan national, estimant que le cadre du Comité national d’action laïque était insuffisant et dépassé. Il demanda en 1983 l’engagement du SNI-Pegc et de la FEN pour favoriser le développement du SNUDEP (Syndicat national pour l’unification du service public d’éducation et la défense des personnels de l’enseignement privé-FEN) qui venait d’être créé et dont le nouveau secrétaire général, Guy Champain, professeur dans sa région, se reconnaissait dans la tendance UA.
Membre de l’Union de la jeunesse républicaine de France depuis l’ENI, Rouby était le secrétaire de la fédération départementale de l’UJRF au début des années 1950 puis de l’Union de la jeunesse communiste de France en 1956, particulièrement actif auprès des normaliens de la Sarthe.

Il adhéra au Parti communiste français en 1947. Il entra au comité de la fédération communiste en 1951 et au bureau fédéral en 1953. Il dirigea l’école fédérale de 1953 à 1958. En 1956, il fut des communistes poursuivis devant le tribunal correctionnel du Mans et condamnés à 2 000 francs d’amende pour distribution de tracts sans nom d’imprimeur. A la fin des années 1950, il était le responsable du travail du parti parmi les instituteurs et sur les questions de la laïcité. Il le resta jusqu’en 1972. Membre du comité fédéral, il demanda son retrait en raison de ses responsabilités syndicales en 1972.

Secrétaire de la section communiste de Sainte-Jamme-sur-Sarthe, à partir de 1959, il suivit le stage pour les instituteurs communistes en 1963-1964 et l’école centrale en 1971. Pendant son séjour à Sainte-Jamme-sur-Sarthe, Christian Rouby fut candidat communiste à chacune des élections locales et législatives. Candidat au Conseil général, il le fut en 1955 dans le canton de Beaumont-sur-Sarthe, voisin de celui de Ballon, où le candidat de droite l’emporta au second tour, puis dans son propre canton en mars 1958 et en 1964, à chaque fois opposé sans succès au socialiste SFIO André Guérin constamment réélu depuis 1945. En 1958, Rouby recueillit 615 voix sur 6 969 inscrits. Aux élections municipales de 1959 il fut élu au second tour contre la liste du même André Guérin, maire depuis la Libération. Ce dernier avait refusé sa candidature sur la liste de la mairie parce qu’il était un responsable du PCF. À nouveau candidat au renouvellement municipal de 1965, Rouby conduisit une liste de 13 candidats et fut battu. À trois reprises, il fut le candidat communiste aux élections législatives dans la première circonscription (Le Mans 1- Sillé le Guillaume). En novembre 1962, il obtint au premier tour 5 048 voix sur 52 078 inscrits et, après le retrait du candidat socialiste SFIO, 7 758 voix, soit seulement une partie de l’électorat socialiste ; en 1967, il recueillit 8 544 voix sur 52 900 inscrits, et après le désistement du candidat de la FGDS, 12 748 voix. La presse notait qu’il progressait fortement par rapport aux résultats précédents et surtout par rapport au total des voix de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1965 ; en 1968, Rouby recula par rapport à 1967, 7 112 voix contre 10 721 voix sur 52 285 inscrits.

Dans la même période, Christian Rouby fut aussi actif dans les actions du Mouvement de la Paix. Contre la guerre d’Algérie, avec Yvon Luby, il fonda en 1960 le comité de Paix du canton de Ballon, qu’André Guérin, précédemment aux côtés du Mouvement de la Paix contre la Communauté européenne de défense, accepta de présider, contrairement aux instructions de son parti. Le 27 octobre 1960, répondant à l’appel de l’Union nationale des étudiants de France en faveur de grandes manifestations dans le pays pour la paix en Algérie, ce comité organisa un meeting à Sainte-Jamme-sur-Sarthe. La section du SNI, majoritairement « autonome » et peu favorable à l’unité d’action avec les communistes, n’ayant accepté de ne participer qu’au seul grand meeting prévu au Mans, avec pour seul orateur Ulysse Dominé, secrétaire départemental de la FEN, son secrétaire, Robert Dernelle, considéra cette initiative, à laquelle répondirent une centaine de manifestants, comme « fractionniste ».

À l’élection municipale du Mans de 1983, Rouby, qui habitait maintenant cette ville, figura en huitième position sur la liste du maire sortant (élu en 1977), le communiste Robert Jarry. Confrontée à une liste de droite et à celle conduite par le socialiste Jean-Claude Boulard, exclu de son parti pour s’être opposé à l’union à gauche, cette liste arriva en tête au premier tour. L’union à gauche s’étant réalisée entre les deux tours, en treizième position sur la liste PC-PS du second tour, Rouby entra au conseil municipal. Membre des commissions des finances et de l’enseignement, quatorzième adjoint au maire, chargé du « suivi des investissements, subventions et marchés publics », il fut aussi, avec les mêmes délégations, troisième vice-président de la Communauté urbaine du Mans. Pendant ce mandat, Rouby présida le groupe des élus communistes et républicains du Conseil municipal du Mans.

En 1985, candidat au Conseil général dans le canton du Mans-Nord campagne, difficile pour le PCF, Rouby, devancé par le conseiller sortant de droite et maire de Coulaines (PR), réélu dès le premier tour (55,6 % des suffrages exprimés), et le candidat socialiste (24,9 % des exprimés), recueillit 10,2 % des exprimés (soit 778 voix sur 13 524 inscrits, 7 890 votants, 7 592 exprimés).

Au renouvellement municipal de 1989, marqué au Mans par l’exclusion du PCF de Robert Jarry et d’autres élus municipaux, Christian Rouby, resté fidèle à son parti, fut, avec, entre autres Pierre Combe et Robert Manceau, candidat, en quatrième position, sur la liste conduite par le communiste Daniel Boulay. Ce dernier en fut le seul élu à l’issue d’un unique tour de scrutin largement favorable à Robert Jarry associé à Jean-Claude Boulard (64 % des suffrages exprimés).

Christian Rouby milita à la section sarthoise de la Fédération générale des retraités des fonctions publiques. Entré à sa commission exécutive en 1990, il fut élu secrétaire départemental le 16 avril 1991, fonctions qu’il exerça pendant dix-neuf ans, jusqu’en octobre 2010. Elles l’amenèrent à siéger au Comité départemental des retraités et personnes âgées (CODERPA), créé en 1982, regroupant toutes les associations et organismes de retraités et personnes âgées de la Sarthe, dont il présida le bureau, ainsi qu’à l’Office des personnes âgées et retraitées du Mans. Christian Rouby fut nommé membre du Conseil économique et social de la région des Pays de la Loire où il représenta les retraités de 1995 à 2007.

Dans la mouvance du Front de gauche, il rejoignit les Communistes unitaires tout en maintenant son adhésion au PCF. En 2014, militant du mouvement « Ensemble », regroupant les Communistes unitaires, la Fédération pour une alternative sociale et écologique et des scissionnistes du Nouveau parti anticapitaliste, il présida le comité de soutien de la liste « Le Mans Renouveau Citoyen » pour les élections municipales du Mans en 2014 (9, 09 % des suffrages exprimés).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article170462, notice ROUBY Christian, Bernard par Gérard Boëldieu, Jacques Girault , version mise en ligne le 6 février 2015, dernière modification le 6 mars 2015.

Par Gérard Boëldieu, Jacques Girault

C. Rouby en 2002
C. Rouby en 2002
C. Rouby en 1973
C. Rouby en 1973

SOURCES : Archives du comité national du PCF. — Archives dép. de la Sarthe : liste du recensement de 1936, ville de Sablé. — Arch. IRHSES (dont L’école libératrice, L’Enseignement public, Revue Unité & Action, fonds sur les collèges, les PEGC, le SNUDEP) —Presse locale (Le Maine-Libre et Ouest-France). — Département de la Sarthe. Bulletin de l’Enseignement primaire. — L’Instituteur syndicaliste. Bulletin de la section sarthoise du SNI puis du SNI-PEGC. — Les organes successifs de la fédération sarthoise du PCF : L’Aurore sarthoise ; Les Nouvelles de la Sarthe ; Sarthe nouvelle. — Courrier du Retraité 72, bulletin de la section sarthoise de la Fédération Générale des Retraités de la Fonction Publique. — Conversations avec l’intéressé. — Notes d’Alain Dalançon.

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