ROGNIAUX Henri, Victor

Par Alain Dalançon

Né le 11 septembre 1919 à Sainghin-en-Mélantois (Nord), mort le 1er juin 1984 à Lille (Nord) ; professeur de mathématiques à l’ENI d’Arras (Pas-de-Calais) ; militant syndicaliste, secrétaire général du SNPEN (1957-1969) ; militant mutualiste ; militant du PSA puis du PSU.

Henri Rogniaux debout
Henri Rogniaux debout
AG du SNPEN de 1967 à Toulouse. Assis James Marangé.

Henri Rogniaux était le fils d’un tonnelier à bière et d’une cabaretière. Il fut orphelin de bonne heure car son père, lui-même très tôt orphelin, mourut en 1926 à la suite de blessures subies pendant la guerre 1914-1918. Il fut donc élevé avec sa sœur aînée, devenue directrice d’école, par sa mère et son grand-père maternel, tisserand d’opinions radical-socialistes.

Après l’école communale de Sainghin, il effectua toutes ses études secondaires comme interne au lycée Faidherbe de Lille, de la 6e à la terminale. Il avait passé le concours des bourses mais n’était pas pupille de la Nation car le décès de son père n’avait pas été reconnu comme consécutif à ses blessures. Après avoir obtenu son baccalauréat mathématiques, il entra en classe de mathématiques spéciales au lycée Faidherbe qui fut évacuée à Quimper durant la « drôle de guerre ». Ses études furent interrompues au printemps 1940 ; il fut en effet mobilisé dans un régiment basé à Versailles, puis à Castelnaudary, et fut démobilisé en septembre 1941 au grade de caporal.

Henri Rogniaux reprit alors ses études de mathématiques à la Faculté des Sciences de Lille, tout en étant maître d’internat au lycée Faidherbe. Il épousa, le 22 juillet 1944 à Sainghin, Geneviève Michaux, avec laquelle il eut quatre enfants : Françoise, devenue infirmière ; Jacques, professeur ; Marie-Annick, institutrice ; Colette, la dernière, décéda à l’âge d’un an en 1954.

Après avoir obtenu sa licence de mathématiques et le diplôme d’études supérieures, il fut nommé à la rentrée 1946 professeur, ensuite assimilé à certifié, à l’École normale d’instituteurs d’Arras (Pas-de-Calais), où il effectua toute sa carrière jusqu’à sa prise de retraite en 1979.

Henri Rogniaux adhéra au Syndicat national des professeurs d’écoles normales d’institutrices et d’instituteurs, fut partisan de l’autonomie en 1948 et milita dans le courant majoritaire des « autonomes ». En 1957, succédant à Jean Mounolou, il fut élu secrétaire général par le bureau national où les clivages de tendances n’étaient pas affirmés et représenta dès lors les personnels des ENI à la commission administrative de la Fédération de l’Éducation nationale durant toute la durée de son mandat de secrétaire général. Son petit syndicat, qui comptait environ 1 500 adhérents dans les années 1960, entretenait des rapports suivis, à la fois avec la direction du Syndicat national de l’enseignement secondaire et celle du Syndicat national des instituteurs.

Face aux projets de réforme du ministère de l’Éducation nationale du début de la Ve République visant à réduire la mission des ENI départementales à la seule formation professionnelle après le baccalauréat, le SNPEN restait attaché à leur mission de formation d’élèves-maîtres recrutés à la fin de la classe de 3e, tout en les préparant au baccalauréat. Le SNI défendait les mêmes positions, de sorte qu’à plusieurs reprises dans les années 1960, Henri Rogniaux eut la possibilité de s’exprimer dans ce sens, soit dans les colonnes de L’École libératrice, (ainsi dans un long article sous le titre « Nouvelle menace sur les écoles normales », analysant un rapport de Georges Brice, député gaulliste), soit dans les journées de formation professionnelle (ainsi lors de la journée d’études du SNI, le 15 février 1963 sur « La formation professionnelle des instituteurs » dans les écoles annexes et d’application), ou les congrès nationaux du SNI, notamment celui de juillet 1964. Il y exposa la doctrine de son syndicat adoptée à l’unanimité par son assemblée générale d’avril, après la déclaration du Comité national d’action laïque de janvier 1964, « Pour la rénovation de l’Éducation nationale ». Le SNPEN affirmait son attachement aux principes du plan Langevin-Wallon, selon lequel les ENI devaient devenir des centres de formation de tous les maîtres ; il réaffirmait la nécessité de développer la formation professionnelle des instituteurs durant deux années, associant formation théorique et culturelle et formation pratique. Cependant, tant que ne seraient pas réalisées les conditions sociales et de scolarisation inséparables de l’application du plan Langevin-Wallon, le SNPEN se déclarait « absolument attaché à l’association dans l’EN elle-même, des classes de 2e cycle (seconde, première, terminale) et des deux années de formation professionnelle : de cette manière seront maintenus le recrutement et le cadre démocratiques qui furent traditionnellement ceux des EN. » Il demandait aussi que les maîtres de collège d’enseignement général soient formés en deux ans dans des centres régionaux. Sur ces bases, Henri Rogniaux participa à la rentrée 1964 à une conférence de presse commune avec le SNI (représenté par son secrétaire général Pierre Desvalois), et la Fédération des conseils de parents d’élèves, dans le but d’organiser une journée commune d’action pour la défense des EN.

De son côté, le SNES ne partageait pas les mêmes positions sur la formation des maîtres mais la déclaration du CNAL de 1964 permit de rapprocher les points de vue, d’autant que dans le domaine corporatif, les situations des professeurs d’EN et des autres professeurs certifiés et agrégés s’étaient unifiées. Le SNPEN travailla donc en synergie avec le SNES à partir de 1963, pour réclamer de meilleures conditions de travail dans le cadre de la commission Laurent, participa à la grève commune de 1963 puis à la grève administrative du début de l’année 1965, lancée également avec le Syndicat national de l’enseignement technique. La même année, les trois syndicats présentèrent des listes communes aux élections pour les commissions administratives paritaires des agrégés et certifiés ; Henri Rogniaux siégea lui-même à la CAPN des certifiés.

Le SNPEN put se féliciter, à son assemblée générale du printemps 1968, que le congrès de la FEN ait repris sa motion sur la formation des maîtres votée à son AG de l’année précédente à Toulouse : objectif de la licence pour tous les maîtres jusqu’au niveau scolaire de 18 ans, avec pour première étape une formation des instituteurs de deux années après le baccalauréat « sous la responsabilité des écoles normales avec participation de l’enseignement supérieur, sanctionnée par un diplôme équivalent aux diplômes qui sanctionnent le premier cycle de l’enseignement supérieur », et pour seconde étape une formation en trois ans, la troisième année étant « essentiellement consacrée à la formation pédagogique » ; les ENI auraient la vocation de participer à la recherche pédagogique appliquée en liaison avec l’Institut pédagogique national, non seulement pour les maîtres des classes élémentaires mais aussi pour ceux du premier cycle du second degré et d’assurer la formation continue des instituteurs en fonction.

Henri Rogniaux militait parallèlement politiquement. Dans la ville d’Arras dirigée depuis 1945 par Guy Mollet, il s’opposa à sa politique après son accession à la tête du gouvernement en 1956 : notamment contre la guerre d’Algérie et contre l’acquisition par la France de l’armement nucléaire. Il participa à la création de la section du Parti socialiste autonome à Arras puis à celle du Parti socialiste unifié. Il figura sur la liste d’opposition (PCF-PSU) à celle de Guy Mollet aux élections municipales de 1965 (avec Carmen Lhotellerie, professeure, présidente de la section de la Ligue des droits de l’Homme). Sa maison, au 11 rue de Lattre de Tassigny, était un véritable lieu de rendez-vous de militants de la gauche non-communiste.

Au plan syndical, en octobre 1962 à la CA de la FEN, il dénonça la « nouvelle violation de la constitution et l’aggravation d’un régime de pouvoir personnel » et estima que l’hostilité à ce pouvoir devait être encore plus nette qu’en 1958, tout évitant de donner une consigne de vote pour le référendum constitutionnel ; il demanda cependant avec force que le Comité national d’action laïque, s’appuyant sur le serment de Vincennes, intervienne auprès des partis politiques.

En 1967, après la prise de la direction du nouveau SNES par la liste « Unité et Action », les tensions dans le bureau national du SNPEN s’aggravèrent avec les militants U-A : Jean Haremza, Jean Tanguy et de jeunes militantes, Josette Jolibert et Éliane Cosserat, nouvellement élues au BN. Malgré les convergences sur la laïcité, la formation des maîtres et le rôle des EN, les militants autonomes refusaient de partager les responsabilités de l’exécutif, conformément au principe de l’homogénéité prévalant dans le système de la FEN autonome.

En mai-juin 1968, Henri Rogniaux soutint la stratégie de la direction de la FEN. Il participa dans la délégation fédérale aux négociations Éducation nationale du 4 juin. La direction du SNPEN arrêta la grève après la décision de la CA de la FEN du 6 juin, par discipline fédérale, alors que la majorité des sections (S1) consultées auparavant s’était prononcée pour la poursuite du mouvement, comme au SNES. La démission en septembre des membres U-A du BN entraina de nouvelles élections en décembre 1968. Dans un scrutin de listes, mais où le panachage était permis, il ne fut pas réélu. Grâce au désistement de deux élus « autonomes », il put réintégrer le BN et rester secrétaire général. Mais le rapport d’activité de la majorité qu’il présenta fut repoussé au printemps suivant, le contraignant à la démission. Jean Mounolou, qui jouait toujours un rôle important dans la direction du syndicat et dans la FEN depuis le début des années 1950, proposa alors au nom des « autonomes » son remplacement par un autre militant de leur tendance, Jean Rojat, avec Josette Jolibert, militante U-A, comme secrétaire pédagogique. Rojat fut élu à l’unanimité par le BN le 2 avril 1969, mais ce fut Jean Haremza, tête de liste U-A, qui devint secrétaire pédagogique. La cogestion du syndicat ne dura cependant pas.

En 1970, lors des élections internes suivantes, Henri Rogniaux reprit la tête de la liste autonome, désormais dénommée « Unité, Indépendance et Démocratie », se réclamant de l’orientation majoritaire fédérale, opposée à la liste d’« Union pour un programme commun » conduite conjointement par Rojat et Haremza, liste qui obtint la majorité. Rogniaux refusa alors de participer à l’exécutif comme le lui proposaient les nouveaux majoritaires. Il renouvela son opposition en juin 1971 après la démission de Jean Rojat pour raison de santé et l’accession de Jean Tanguy au secrétariat général. Il resta dès lors membre du BN mais dans l’opposition, jusqu’en 1978.

Henri Rogniaux militait par ailleurs à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale et fut président d’une Maison de jeunes dans les années 1970 créée par ses enfants et amis. Il avait beaucoup pratiqué le sport, notamment le football, et s’était beaucoup investi dans l’animation des camps du Groupement des campeurs universitaires.

Divorcé, il s’était remarié avec Christiane Massart en mars 1974.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article170565, notice ROGNIAUX Henri, Victor par Alain Dalançon, version mise en ligne le 11 février 2015, dernière modification le 24 avril 2018.

Par Alain Dalançon

Henri Rogniaux debout
Henri Rogniaux debout
AG du SNPEN de 1967 à Toulouse. Assis James Marangé.

SOURCES : Arch. IRHSES (bulletins syndicaux de la FEN, du SNI, du SNES et du SNPEN, Former des maîtres). — Jean-Robert Thomas, L’École normale d’instituteurs du Pas-de-Calais, monographie édité par l’Amicale des anciens élèves de l’ENI, 1965. — Renseignements fournis par son fils Jacques. — Notes de Jacques Girault.

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