BATANY Raoul, André

Par Hélène Chaubin

Né le 26 janvier 1926 à Clamart (Seine, Hauts-de-Seine), exécuté par la Milice à Montpellier (Hérault) le 17 août 1944 ; étudiant ; résistant dans les Hautes-Pyrénées ; agent de liaison de Combat dans l’Hérault ; membre des Corps francs à Montpellier.

Fils de Raoul Louis Batany, comptable, et de Antoinette Di Fiori, née à Brindisi (Pouilles, Italie), Raoul Batany, adolescent au début de la guerre, vivait à Bordeaux et fit ses études secondaires à l’école David-Johnston avant d’entrer en 1942 à l’école nationale professionnelle à Tarbes. C’est alors qu’il commença à s’impliquer dans la Résistance, d’abord en traçant des graffiti « gaullistes » et en distribuant des tracts ou des journaux clandestins. Cela lui valut en août 1943 une condamnation par contumace à 4 mois de prison par le Tribunal correctionnel. C’est pourquoi il gagna Montpellier où il s’engagea dans le Mouvement « Combat ». Il était muni de faux papiers aux noms de Bérenger, Leclerc, ou Daltayrac. Il était un bon agent de liaison.

Avec la nomination de Joseph Darnand en janvier 1944 à la tête de toutes les forces de police, la répression de la Résistance atteignit un apogée. En riposte, les directives du Comidac aux FFI, datées de mars, engagèrent les résistants à des actions immédiates contre les collaborateurs, membres de la Milice, du PPF, de la LVF. Les Groupes francs de la R3 étaient alors dirigés par Louis Torcatis qui fut abattu le 18 mai 1944 à Carmaux. Raoul Batany souhaitait s’engager davantage en participant aux actions des Groupes Francs.

C’est sans doute dans ce but que le 4 mai 1944, il alla se présenter à Montpellier chez le docteur Arthur Marissal sous la fausse identité d’un inspecteur de police et le faux prétexte d’un accident de la circulation. Il tira sur le docteur ; cette exécution eut lieu devant trois fils du médecin. Ce fut une tragique méprise qui provoqua beaucoup d’émotion à Montpellier et qui fit du tort à l’image de la Résistance. Le docteur Marissal phtisiologue, praticien réputé, était un homme de droite qui avait appartenu à l’Action française. Il s’était présenté en 1935 aux élections municipales en deuxième position sur une liste conservatrice. Mais ce n’était pas un collaborateur. Il avait même rendu des services à des réfugiés, des juifs, des réfractaires. Et le 21 mars 1975, Arthur Marissal fut déclaré « mort pour la France dans l’exercice de sa profession ».

Le 17 juin 1947, un arrêt de la cour d’appel de Montpellier indiqua qu’après la mort du docteur Marissal, Raoul Batany « ayant rendu compte à son chef de l’accomplissement de sa mission [il] reçut aussitôt le commandement d’un groupe franc », ce qui faisait du geste de Batany « un fait de guerre ». Un jugement confirmé par la Cour de Cassation en avril 1950.

Batany avait été arrêté par les Allemands à la fin de juin 1944 alors qu’il traversait l’esplanade de Montpellier pour aller rue Boussairolles abattre un officier allemand du service de recrutement de la main-d’œuvre. Il avait sans doute été dénoncé. Interrogé, il assuma la responsabilité de la mort du docteur Marissal. La police allemande mit Raoul Batany à la disposition de la DRRG créée et installée à Montpellier au début de juillet. Le chef départemental de la Milice, André Hoareau, a témoigné devant la Cour de Justice de Montpellier que les policiers de la DRRG avaient organisé une confrontation entre Batany et Jacques Marissal le fils aîné du docteur. Le 16 juillet, Batany fut livré par les policiers aux miliciens alors rassemblés à la caserne De Lauwe. Sa comparution devant un tribunal de la Milice fut sans doute empêchée par l’évolution rapide de la situation avec le débarquement en Provence.

La désignation d’Arthur Marissal comme un collaborateur à abattre reste une énigme. Aucune hypothèse n’est encore totalement étayée. Celle d’une erreur est peu crédible. Celle d’une infiltration des Corps francs par la Gestapo est plausible. Le lieutenant Mahren qui était en poste à la Gestapo de Montpellier était très habile à noyauter les organisations résistantes et à recruter des agents doubles par la peur ou la vénalité. Cela avait été le cas du chef des corps francs de Montpellier, Louis Robert, dit Rivoire. qui était donc le chef direct de Batany. Il fut jugé en 1948 à Toulouse quand eut lieu le procès de l’Intendant de police Marty ; il fut reconnu responsable de connivence avec la Gestapo et de plusieurs arrestations (dont celle d’André Dau qui fut déporté). Peut-être est-ce lui qui a donné ou fait parvenir à Batany la liste de miliciens où figurait le nom de Marissal. Le jeune homme, étranger à Montpellier, ne pourrait avoir fait ce choix lui-même.
Le fils ainé du docteur Marissal, Jacques, avait 24 ans en 1944. Il était proche du Dr Hoareau, le chef départemental de la Milice, qui l’avait inscrit dès juin 1943 sur une liste de "jeunes miliciens des cinq départements de la Région susceptibles d’être incorporés dans un effectif gouvernemental actuellement en formation". La lettre de Hoareau dont est extrait ce passage était adressée au préfet Hontebeyrie. En 1943, la Milice ne disposait pas des pouvoirs qui lui furent accordés l’année suivante. Cette option de Hoarau sur Jacques Marissal ne fut finalement confirmée que le 24 juin 1944 après la mort du docteur Marissal : son le fils Jacques devint vite chef de la deuxième trentaine.
Les résistants prisonniers de la Milice étaient interrogés et cruellement torturés dans les caves de la caserne De Lauwe où Jacques Marissal eut accès pendant l’incarcération de Raoul Batany. Le débarquement en Provence entraîna la retraite allemande et la fuite des miliciens : la veille de leur départ, le 17 août, sans doute vers 15h, Batany, extrait de sa cellule, fut abattu par deux miliciens avec 2 tirs de balles de 6.35. Selon le témoignage d’un prisonnier, le docteur Monoff, il fut enterré, peut-être encore vivant d’abord dans la cave où une première fosse fut découverte lors d’une perquisition faite par la Sûreté le 19 août 1944, puis dans une tranchée de la cour où son corps ne fut retrouvé que le 6 septembre. Les deux miliciens étaient un ancien gendarme, Vinas, devenu le gardien chef de cette caserne-prison, et le chef de trentaine Cordier, qui avait été le recruteur départemental de la LVF.

À titre posthume, Raoul Batany a reçu la médaille de la Résistance et la Légion d’Honneur. Son appartenance aux FFI a été reconnue et le grade de lieutenant lui a été attribué. La mention « Mort pour la France » lui a été attribuée sur avis du ministre aux Anciens combattants et victimes de guerre en date du 29 novembre 1957. Sa mémoire est honorée dans l’odonymie de Clamart et de la région bordelaise.

Voir Montpellier (Hérault), Caserne de Lauwe, (8 juin 1944 – 17 août 1944)

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article170594, notice BATANY Raoul, André par Hélène Chaubin, version mise en ligne le 23 février 2015, dernière modification le 22 novembre 2020.

Par Hélène Chaubin

SOURCES : Arch. Dép. Hérault, 59 W 50, Cour de Justice de Montpellier. — 59W72, Dossier Jacques Marissal. — 11 F 355, Jean Marissal, Mémoires d’un pot de terre , 2010. — Fédération des associations d’anciens combattants du Médoc et de la Brigade Carnot, « Le front du Médoc, une brigade FFI au combat », 1989. — Lendemains de Libération dans le Midi, Colloque Montpellier, 1986, éditions Université de Montpellier, 1997, 240 p. — Hélène Chaubin, L’Hérault dans la guerre, 1939-1945, éditions De Borée, mai 2015. — État civil.

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