ROZENKIER Joseph

Par Alain Dalançon

Né le 21 septembre 1936 à Paris (IVe arr.) ; professeur d’espagnol ; militant syndicaliste de l’UNEF puis du SNES, secrétaire du S2 du Val d’Oise, membre de la CA et du bureau du S3 de Versailles, responsable du secteur langues vivantes au S4 ; militant de l’UEC puis du PCF, collaborateur de la section de Politique extérieure du Comité central ; militant associatif notamment de France-Amérique latine.

Joseph Rozenkier
Joseph Rozenkier
Assises langues vivantes 1979 (coll. Irhses)

Fils d’un maroquinier et d’une mère sans profession, Joseph Rozenkier appartenait à une famille juive polonaise originaire de Biala-Podlaska, installée à Paris. Durant la Seconde Guerre mondiale, ses grands-parents furent exterminés par les nazis ; lui-même vécut durant l’Occupation à Toulouse (Haute-Garonne) avec ses parents réfugiés, puis clandestins, et ensuite comme « enfant caché » à Mazamet (Tarn) dans une famille protestante. À la Libération, il revint à Paris avec ses parents qui habitèrent rue Jean-Pierre Timbaud (XIe arr.) puis rue de la Folie-Méricourt.

Il fut élevé dans ce milieu juif, mais laïque, en français et sans éducation religieuse. En classe de terminale, alors que ses convictions matérialistes étaient déjà affirmées, par curiosité intellectuelle autant que par envie de connaître ses racines, il entreprit une instruction sommaire à la synagogue, puis il se documenta de façon approfondie sur le catholicisme. Ses deux frères, de leur côté, devinrent des militants sionistes convaincus du MAPAM (Parti unifié des ouvriers) et allèrent s’installer en Israël ; son frère puîné y demeura jusqu’à son décès en 2014, mais son frère cadet revint en France.

Après une scolarité primaire perturbée durant la guerre à Toulouse, Joseph Rozenkier entra en classe de CM 2 en 1946 dans le XIe arrondissement. Puis il effectua toutes ses études secondaires comme boursier, de la 6e à la terminale, au lycée Voltaire à Paris, de 1947 à 1954, où il obtint le baccalauréat série Philosophie. Ses centres d’intérêt étaient nombreux : la Philosophie dont son professeur, M. Bouchareine, lui avait donné le goût, les sciences humaines, la langue espagnole et la culture hispanique. Son désir était d’élargir et d’étayer par des formations universitaires sa connaissance du marxisme amorcée par des lectures « sauvages » permises grâce à la complaisance de la libraire dans les rayons de la toute proche librairie de la Maison des métallos de la rue Jean-Pierre Timbaud, lieu de rencontre des exilés communistes espagnols.

Aussi poursuivit-il des études supérieures toujours comme boursier dans différentes disciplines. Simultanément, il suivit les cours de propédeutique Lettres à la Sorbonne où il obtint le certificat d’études littéraires générales, et ceux de la première année de Droit à la faculté de Paris (Cujas) en 1956. Puis il opta pour l’Espagnol tout en se passionnant pour les sciences humaines. Il obtint ainsi la licence d’espagnol puis le certificat de sociologie générale (1959), puis suivit un séminaire à l’École pratique des hautes études, VIe section, dirigé par Pierre Vilar* et obtint le diplôme d’études supérieures en Espagnol en 1960.

Durant toute cette période, Joseph Rozenkier militait activement au plan syndical et politique. Syndiqué à l’Union nationale des étudiants de France dès la rentrée universitaire 1954, il devint peu après membre du bureau de la Fédération des groupes d’études de lettres. En même temps, il adhéra en 1955 au Parti communiste français, militant dans la cellule de quartier de la Folie-Méricourt (Paris, XIe arr.), et dans le milieu étudiant, dans la cellule de la faculté de Droit puis celle de l’Institut hispanique à la Sorbonne. Il adhéra également en 1956 au cercle de l’Union de la jeunesse républicaine de France de l’Institut hispanique, fut un des membres fondateurs de l’Union des étudiants communistes de France, adhérant au cercle de l’Institut hispanique, et siégea au bureau « Sorbonne-Lettres » de 1956 à 1960. Il participa alors notamment à la lutte contre les projets de relance de la Communauté européenne de défense, pour la paix en Indochine et contre la guerre d’Algérie... Son engagement militant ne fut pas freiné par ses divergences avec certaines orientations des directions communistes de l’époque : opposition au contrôle des naissances, dérives nationalistes, sous-estimation du rapport Khrouchtchev... Au sein de l’UEC naissante, il s’opposa au courant favorable à une organisation « attrape-tout », puis, dans la lutte contre la guerre d’Algérie, aux partisans du refus de l’incorporation et du soutien inconditionnel au FLN. Il écrivit aussi des articles sur le cinéma et l’histoire du Quartier Latin dans Clarté entre 1956 et 1958.

Il épousa le 9 juillet 1960 Ana Gonzalez, également étudiante en espagnol, avec laquelle il eut un fils, né en janvier 1964, devenu instituteur dans le Val d’Oise.

En 1961, Joseph Rozenkier fut reçu aux épreuves théoriques du certificat d’aptitude au professorat du second degré d’espagnol, puis effectua son année de stage au centre pédagogique régional de Paris, où il commença à militer au Syndicat national de l’enseignement secondaire, faisant partie du bureau de la section syndicale (S1). Titularisé professeur certifié, il fut cependant affecté à la rentrée d’octobre 1963 comme maître auxiliaire au lycée Montaigne à Paris, « en attente d’incorporation au service militaire ». En novembre, il fut donc incorporé au 22e Régiment d’infanterie de marine de Versailles, puis fut réformé le mois suivant pour déficience visuelle. En janvier 1964, il reçut son affectation jusqu’à la fin de l’année scolaire au lycée classique et moderne d’Argenteuil (Seine-et-Oise/Val d’Oise), à l’époque annexe du lycée d’Enghien. De 1964 à 1966, il enseigna avec son épouse, également professeure certifiée d’espagnol, au lycée municipal mixte de Mouy (Oise), dépendant à l’époque de l’académie de Paris, puis de l’académie d’Amiens nouvellement créée en 1965.

À la rentrée 1966, le couple obtint sa mutation au lycée d’Argenteuil qui dépendit à partir de cette année-là de l’académie de Versailles nouvellement créée. Ils accomplirent le reste de leur carrière dans cet établissement neuf, dénommé « Romain Rolland », qui connut tardivement la « partition », mais le collège et le lycée étant restés abrités dans les mêmes locaux, ils purent conserver un service à cheval sur les deux cycles dans cet établissement classé en zone d’éducation prioritaire dans les années 1980.

Joseph Rozenkier fut professeur principal de 1968 à 1996 et, dans les années 1990, conseiller pédagogique. Il fonda et anima dans son établissement des activités socio-éducatives : cercle hispanique des élèves, ciné-club ; il fut membre du conseil d’administration et de la commission permanente, participant aux diverses et successives commissions (information et éducation sexuelle, prévention de la toxicomanie et des conduites à risques de l’adolescence, formation des délégués d’élèves…). En plus de son service normal, il enseigna durant deux années le Français et le Droit dans le cadre du GRETA (Groupement d’établissements publics de l’Éducation nationale) au collège d’enseignement technique Fernand Léger d’Argenteuil, et en 1987, il enseigna en qualité de maître de conférences d’espagnol à l’École polytechnique à Palaiseau. Il prit sa retraite en 1996 au grade de professeur agrégé obtenu par promotion interne sur liste d’aptitude.

Tout au long de sa carrière professionnelle, Joseph Rozenkier milita très activement au SNES, avant et après la fusion de 1966 donnant le Syndicat national des enseignements de second degré, dans le courant « Unité et Action ». Secrétaire adjoint puis secrétaire du S1 du lycée de Mouy, de 1964 à 1966, il siégea au bureau de la nouvelle section académique (S3) d’Amiens à sa création en 1965-1966. Muté au lycée d’Argenteuil, il fut alternativement secrétaire adjoint ou secrétaire du S1, de 1966 à 1995. Il prit des responsabilités plus importantes à l’appel de Gérard Alaphilippe, devint le premier secrétaire élu de la nouvelle section départementale (S2) du Val d’Oise, de 1967 jusqu’au début des années 1970, avant Jean-Pierre Barlier puis Serge Lassot. Dans ce département où les sections du SNES et du Syndicat national des instituteurs étaient à majorité « Unité et Action », il fut membre du bureau de la section de la Fédération de l’Éducation nationale dirigée par Daniel Renard et, durant une année, secrétaire général adjoint à ses côtés. Il siégea également au conseil d’administration de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale de 1967 à 1996.

En même temps, il était membre de la commission administrative, du bureau et du secrétariat du S3 de Versailles ; outre la tenue des permanences hebdomadaires, il eut de nombreuses responsabilités : version versaillaise du bulletin Paris-Snes, carte scolaire, participation à la commission administrative paritaire des certifiés et aux commissions rectorales de classement et d’affectation des maîtres auxiliaires.

C’est dans le domaine de l’enseignement des langues vivantes qu’il milita surtout au niveau national, en étant, de 1978 à 1994, l’animateur responsable du groupe de travail « langues vivantes » associé au secteur pédagogique puis au secteur contenus. Jean Petite, secrétaire de la commission pédagogique, avait en effet considéré que le projet éducatif d’« École progressive » du SNES devait s’enraciner dans la pratique du métier et dans l’enseignement des disciplines, Jean Chaubard* coordonnait dans cet esprit les études sur les enseignements. Cette orientation fut poursuivie et renforcée par la suite, notamment par Denis Paget*.

Au congrès national du SNES de 1979, pour la première fois, un ensemble de motions fut voté pour chaque groupe de disciplines. Joseph Rozenkier fut le rapporteur pour les langues vivantes : le SNES devait œuvrer pour la « promotion, l’expansion, et la diversification » de leur enseignement ; en même temps il en définissait les objectifs : « moyen de formation, d’information, d’expression et de communication », c’était « un besoin et un droit pour chaque élève » ; reprenant le triptyque du plan Langevin-Wallon, l’enseignement des langues vivantes devait contribuer à « former l’homme en permettant la variation et la comparaison des moyens d’expression », à former le travailleur en liaison avec le développement des échanges internationaux, et former le citoyen « par la connaissance et la réflexion sur d’autres institutions, d’autres cultures ». Cette même année 1979, au moment où le secrétaire d’État, Jacques Pelletier, proposait son « plan d’expérimentation » auquel le SNES opposa une pétition largement signée, Joseph Rozenkier fut la cheville ouvrière des « États généraux des langues vivantes » organisés par le SNES avec le concours des syndicats et des associations de spécialistes. Dans ce cadre, il prit une part décisive à l’organisation des Assises nationales des langues vivantes qui allaient aboutir à l’adoption de la « Charte des Langues » et se poursuivre par l’installation d’une coordination durable entre les signataires. Il poursuivit pendant plus d’une quinzaine d’années ce travail : études, avis, préparation de motions, publications, interviews, stand à « Expo langue », coordination entre syndicats et associations spécialisées. Jusqu’en 1996, il fut ainsi co-secrétaire puis secrétaire de la « Charte des langues vivantes ». Il participa à de nombreuses commissions au ministère de l’Éducation nationale : coauteur principal du Rapport de l’Observatoire des langues vivantes à M. le ministre de l’Éducation nationale, en 1985 ; membre en 1989 de la commission de réflexion sur l’enseignement des langues étrangères présidée par Jean Janitza ; membre de 1991 à 1996 du groupe technique disciplinaire « Langues vivantes » piloté par Danielle Bailly et responsable du sous-groupe Espagnol dans le cadre du Conseil national des programmes. Il écrivit aussi des articles sur le sujet dans L’Ecole et la Nation.

Parallèlement, Joseph Rozenkier continuait de militer activement au PCF dans les cellules de son lieu de résidence, à Deuil-la-Barre dans le Val d’Oise (1960-1988), à Epinay-sur-Seine en Seine Saint-Denis depuis 1988, et dans celle de son lieu de travail du lycée Romain Rolland d’Argenteuil, de 1966 à 1996. Il collabora à la section de Politique extérieure du Comité central de 1974 à 1996, travaillant notamment au collectif Amérique latine (dirigé par Georges Fournial), en charge du Pérou. En 1961, il avait été membre fondateur de France-Cuba, puis en 1974 membre fondateur de France-Amérique latine et membre de son comité directeur à plusieurs reprises, association dont il anima aussi le comité local d’Argenteuil pendant 20 ans. Il écrivit de nombreux articles dans la presse communiste et dans les publications de l’Association nationale France-Amérique latine : FAL info, FAL magazine.

Il participa aussi à des activités locales du Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples, du Mouvement de la Paix, du Secours Populaire. Son épouse partagea avec lui l’animation du Ciné-Club et
du Cercle Hispanique et milita activement à la FCPE-95.

Après avoir pris sa retraite, Joseph Rozenkier militait toujours à Epinay dans diverses structures et associations. Il y créa le comité local de France-Amérique latine en 2011, était membre puis président du conseil syndical de la copropriété des Épiscopes, siégeait dans les instances de « Démocratie locale » (comité de quartier, ses groupes de travail « Patrimoine », « Prévention de la délinquance », « Culture »), fonda en 2014 « Ciné Mémoire Epinay » dont il était membre du bureau. Il était aussi membre des Ami(e)s de la Commune de Paris et militait toujours au PCF en 2015.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article171219, notice ROZENKIER Joseph par Alain Dalançon, version mise en ligne le 3 mars 2015, dernière modification le 26 février 2017.

Par Alain Dalançon

Joseph Rozenkier
Joseph Rozenkier
Assises langues vivantes 1979 (coll. Irhses)
Intervention au congrès SNES 1981
Congrès SNES Rouen 1973

ŒUVRES : Ouvrages : Pour les langues vivantes, préface de J. Petite, Bibliothèque du SNES, 1980. — Coauteur de Le prof mène l’enquête : guide de l’enquête psycho-sociologique à l’usage des personnels de l’Éducation Nationale, INRP, 1987. — Collaboration à J’enseigne, Unité et Action, 1990.
Parmi les articles sur les Langues vivantes : L’Ecole et la Nation, n°245, nov.1974 et n°304, juil.1980.
Parmi les articles sur le Pérou : La Nouvelle Critique, sept.1974, article traduit et publié au Portugal durant la « Révolution des œillets », donnant son titre au recueil : Armée, Nation, Révolution (cadernos D. Quixote, n°23, Lisboa, dezembro de 1974). — France Nouvelle, du 13 sept. 1975. — l’Humanité, 6 juil. 1976. — Cahiers du Communisme, mars 89. — FAL-Magazine, mars 1997.

SOURCES : Arch. IRHSES (L’Université syndicaliste, c.r. des congrès, secteurs pédagogiques et contenus, Paris-Snes S3 de Versailles). — Renseignements fournis par l’intéressé.

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