BOUMRAR Louisa

Par Robert Kosmann

Née le 4 janvier 1955 à Issy-les-Moulineaux (Seine, Hauts-de-Seine) ; dactylo puis ajusteuse chez Renault à Billancourt, éducatrice de jeunes enfants ; syndicaliste CFDT, militante féministe et antiraciste.

Son père, Mohamed Boumrar, d’origine kabyle algérienne, travaillait comme ouvrier spécialisé aux usines Renault à Billancourt. Sa mère, Hélène, née Hubert, éleva ses six enfants en faisant des ménages après le décès du père en 1961. Trois de ses frères travaillaient également à Billancourt. Louisa Boumrar effectua ses études primaires à Meudon (Hauts-de-Seine) et, après l’obtention du BEPC, en 1969, elle effectuat une année au lycée de Versailles (Yvelines). N’étant pas autorisée à redoubler, elle fut dirigée « vers la vie active » à l’âge de 16 ans, décision prise en raison de sa participation au mouvement lycéen en faveur de Gilles Guiot, en 1971.

Louisa Boumrar fut embauchée chez Renault à Billancourt le 9 septembre 1971 et suivit un stage de six mois de dactylo à l’usine « O ». Après le Certificat de formation professionnelle des adultes (CFPA) obtenu la même année, elle fut employée comme dactylo au « Service Achat » à Billancourt (1971-1975). Déjà politisée par ses années au lycée et surtout indignée par l’assassinat de Pierre Overney par un gardien de l’usine à Billancourt, en février 1972, elle prit sa carte à la CFDT à la fin de cette même année par l’intermédiaire d’une militante féministe, Emmanuelle Dupuy qui était également militante de la CFDT. En parallèle Louisa Boumrar fut une membre actif du Mouvement pour la libération de l’avortement et la contraception (MLAC) qui s’était créé au sein de l’usine en même temps qu’un « Groupe femmes Renault ». Ce militantisme syndical et féministe occupa la période 1972-1978 jusqu’à son départ de l’usine. Elle fut un temps sympathisante des « groupes Taupes » organisés par la Ligue communiste révolutionnaire. Louisa Boumrar, qui avait été initiée au travail d’’atelier au lycée, revendiqua une formation d’ajusteuse. En 1975, à l’occasion de « l’année internationale de la femme » la direction Renault ouvrit, avec difficulté, l’accès à un stage de formation d’ajusteur aux femmes, initiative qui ne se renouvela pas. Après un stage de huit mois à Billancourt, Louisa Boumrar obtint un CFPA dans cette spécialité : les deux seules femmes de la promotion sortirent premières de la formation. Louisa Boumrar devint rapidement P1 (1975) puis P2 en 1976. Après sa formation, elle fut employée dans l’Île Seguin au dépannage des machines à souder sur les chaines d’assemblage (dépt. 77) et eut à se défendre contre l’ambiance patriarcale qui régnait, tant dans la hiérarchie qu’auprès de ses collègues de travail. Elle rencontra dans le syndicat un militant grec exilé. Elle démissionna de l’usine pour partir en Grèce, en 1978, après la chute de la dictature des colonels.

Revenue en France en 1981 elle tenta de se faire réembaucher chez Renault, sans résultat. Employée comme dactylo facturière dans une petite entreprise, elle fut licenciée le 8 mars 1984 pour « fait de grève ». Elle attaqua ensuite l’entreprise aux prud’hommes et gagna son procès. Adhérente à l’Association de solidarité avec les travailleurs immigrés (ASTI) en 1982, elle y travailla un an en tant que permanente en 1989-1990. Elle entama ensuite une formation d’éducatrice de jeunes enfants, en 1991, tout en travaillant en crèche, et finit sa carrière en 2015 dans cette profession qu’elle exerçait à Issy Les Moulineaux.

Sur le plan personnel, Louisa Boumrar se maria en novembre 1977 à Meudon avec Vassili Delivorias, ils eurent un garçon en décembre 1978, se séparèrent dès 1980 avant de divorcer officiellement en 1998.

En 2001, Louisa Boumrar fut candidate aux élections municipales de Meudon sur une liste de gauche locale (« Les citoyens prennent leur place ») qui obtint un score de 12%.

En 2014, satisfaite de pouvoir travailler avec des enfants, elle rappelait avec fierté son parcours d’ouvrière professionnelle : seules deux femmes furent employées comme ouvrières professionnelles chez Renault après-guerre. Elle se réclamait également d’un parcours familial dont elle était fière : née « d’un père immigré algérien maîtrisant peu le français », elle se félicitait que son fils, « né en 1978, obtint une maîtrise d’histoire/géographie et soit devenu professeur des écoles de la République ». Elle était aussi adhérente de l’ATRIS (Association des Travailleurs Renault de l’Ile Seguin) qui visait à faire vivre la mémoire du million de travailleurs employés à Billancourt, dont elle assura la vice-présidence en 2004.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article171290, notice BOUMRAR Louisa par Robert Kosmann, version mise en ligne le 2 mars 2016, dernière modification le 2 mars 2016.

Par Robert Kosmann

SOURCES : Arch. interfédérales et confédérales de la CFDT. ─ Arch. du « Groupe femmes Renault » (arch. privées Emmanuel Dupuy). – Mehdi Lallaoui, Retour sur l’Ile Seguin, Au nom de la mémoire, 2006 – Gilbert Hatry (dir.), Notices biographiques Renault, Paris, Éditions JCM, 1990. ─ Film « Retour sur l’Ile Seguin », Mehdi Lallaoui, Mémoires Vives Productions/ATRIS, 2003. ─ « Le cœur en losange  », France 2, avril 2008. « Les ouvriers de Boulogne-Billancourt », entretien Laure Pitti/Louisa Boumrar-Delivorias, dans l’émission L’histoire et moi, France Inter, 28 août 2004. - « Des souvenirs à la chaîne » Interception, France Inter fév.2005. ─ Entretien avec Louisa Boumrar en février 2014.

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