MUTHULAR D’ERRECALDE Jean-Maurice [Pseudonyme dans la Résistance : Lucas, DIRIART Jean]

Par Jean-Marie Guillon

Né le 10 mai 1909 à Paris (Texas, États-Unis), fusillé le 12 août 1944 à Signes (Var) ; avocat ; capitaine de l’armée américaine, membre de la mission interalliée « Michel ».

La Garde-Freinet (Var), stèle du col de Vinon à la mémoire de François Pelletier et Jean-Maurice Muthular d’Errecalde
La Garde-Freinet (Var), stèle du col de Vinon à la mémoire de François Pelletier et Jean-Maurice Muthular d’Errecalde

Jean-Maurice Muthular d’Errecalde était un avocat new yorkais d’ascendance basque. De petite noblesse, il portait le titre de baron. Il était marié à Édith d’Errecalde. Il avait été recruté par la section des opérations spéciales de l’Office of Strategic Services (OSS). Il avait le grade de lieutenant (First Lieutenant dans l’armée américaine). Il fut parachuté dans la nuit du 14 juin 1944 avec deux instructeurs, « Christophe » et Léon Pacaud (Adrien) entre La Motte d’Aigues et Cucuron (Vaucluse), dans le cadre de la mission « Lincoln ». Il était envoyé par le Special Projects Operations Center (SPOC) auprès de la mission interalliée Michel dirigée par le capitaine Henri Chanay pour avoir plus d’informations sur la situation très confuse qui régnait en Provence – la région R2 – depuis le 6 juin et le conflit qui avait éclaté entre le commandement régional des Corps francs de la Libération (CFL) et des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et le commandement régional de l’Organisation de Résistance de l’Armée (ORA). Il portait des instructions pour la dispersion de la mobilisation maquisarde et le regroupement des armes. Il fut hébergé par le Dr Régis, directeur de l’hôpital psychiatrique d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il prit contact avec divers chefs régionaux de la Résistance, notamment le capitaine Robert Rossi (Levallois), commandant régional CFL/FFI, et le chef régional Résistance-Fer Georges Dusser (Eiffel). Se retrouvant au cœur des dissensions entre les diverses forces résistantes, se trouvant peut-être en désaccord avec Henri Chanay, il entendit repartir assez rapidement à Alger afin de porter lui-même les informations, comme il le précisa dans un message envoyé le 18 juillet. Il fut pour cela envoyé à Saint-Tropez (Var) dans l’attente d’une liaison clandestine par vedettes rapides. Il arriva à Saint-Tropez le 15 juillet et prit contact avec François Pelletier (Ruben), l’officier chargé de cette mission. Son agent de liaison, « Françoise », portait avec elle les documents qu’il devait amener à Alger, en particulier un message d’Eiffel du 8 juillet sur les opérations à faire sur le réseau ferré pour isoler la région et une correspondance de Rossi sur ses démêlés avec le capitaine Jacques Lécuyer (Sapin), chef régional ORA R2. Logé à l’hôtel Aïoli dans l’attente du départ, il serait allé chercher un aviateur américain abattu par la Défense anti-aérienne à Hyères (Var) le 19 juillet et l’aurait ramené à Saint-Tropez. Il fut rejoint par Maurice Deydier Seignon de Possel (Noël), autre officier parachuté par Alger qui s’était mis au service de la section IV de la Sipo-SD de Marseille. Arrivé le 23 juillet à Saint-Tropez, de Possel passa la soirée avec lui, puis le retrouva le lendemain pour déjeuner. Il avait fourni son signalement à Ernst Dunker (Delage), le pivot de la section IV, arrivé lui aussi la veille avec deux de ses hommes. Il fut arrêté avec Seignon de Possel, après le repas, et conduit dans le bâtiment de la Kriegsmarine de Saint-Tropez. Dunker fit arrêter ensuite François Pelletier et son radio. Ils furent tous menés au siège de la Sipo-SD au 425 de la rue Paradis, à Marseille. Seignon de Possel demanda à ce que François Pelletier et d’Errecalde (Lucas) soient exécutés le plus vite possible afin qu’ils ne parlent pas de lui. Jean-Maurice Muthular D’Errecalde porte le no 31 du rapport « Antoine », mais son parachutage ainsi que sa mission étaient signalés dans le rapport « Catilina », ces deux rapports, rédigés par Dunker, faisant le bilan des arrestations opérées entre juin et juillet 1944. La liaison par vedette qui devait le conduire en Corse était prévue le 24 au soir. « Françoise », son agent de liaison, avait été envoyée à Saint-Tropez le prévenir de l’arrestation d’Henri Chanay, le 21 juillet, mais elle n’avait pu le joindre et, quand elle revint, le 25, c’était trop tard.
D’Errecalde (Lucas) croyait être traité en prisonnier de guerre. Il se pensait protégé par sa nationalité et regrettait d’avoir laissé son uniforme chez le Dr Régis. Interrogé et torturé au siège de la Sipo-SD, il fut emprisonné aux Baumettes, où il fut frappé à nouveau, à coups de trique et de nerf de bœuf, le 7 août, après une attaque aérienne alliée sur Marseille. Selon son codétenu Ernest Quirot, D’Errecalde (Lucas), très croyant, passait une partie de ses journées à prier. Il a été fusillé avec huit résistants, dont François Pelletier et Henri Chanay, après un jugement sommaire sur place, le 12 août, au fond du vallon isolé, dans les bois de Signes où, le 18 juillet, dans les mêmes conditions, vingt-neuf autres résistants avaient été exécutés. Leurs corps ont été exhumés le 17 septembre 1944. Un monument funéraire a été inauguré le 18 juillet 1946 dans ce lieu, connu désormais comme le « Vallon des fusillés » et devenu nécropole nationale en 1996. Sa dépouille a été inhumée au cimetière américain de Luynes, près d’Aix-en-Provence. Une stèle a été inaugurée le 2 mars 1969 au col de Vignon, hameau de La Mourre, à La Garde-Freinet (Var), à sa mémoire et à celle de François Pelletier.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article171366, notice MUTHULAR D'ERRECALDE Jean-Maurice [Pseudonyme dans la Résistance : Lucas, DIRIART Jean] par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 8 mars 2015, dernière modification le 8 avril 2020.

Par Jean-Marie Guillon

La Garde-Freinet (Var), stèle du col de Vinon à la mémoire de François Pelletier et Jean-Maurice Muthular d'Errecalde
La Garde-Freinet (Var), stèle du col de Vinon à la mémoire de François Pelletier et Jean-Maurice Muthular d’Errecalde

SOURCES : NARA, série 684, boîte 128, E 190, Record Group 226 (OSS). – Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, thèse d’histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1977. – Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, thèse d’histoire, Université de Provence (Aix-Marseille I), 1989. – Antoine Pelletier, Autrement qu’ainsi, Paris, Éd. Quintette, 1991. – Renseignements Arthur Layton Funk et Guillaume Vieira.– Témoignages. 

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