Par André Balent
Né le 11 octobre 1898 à Montpellier (Hérault), mort le 13 novembre 1980 à Montpellier (Hérault) ; représentant de commerce ; militant du Parti communiste de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales ; résistant (Front national ; FTPF) ; vice-président du CDL des Pyrénées-Orientales.
Charles Robert était le fils d’Antoine Robert, tuilier, et de Fanny, Émilie Goudard, âgés respectivement de quarante-six et trente-neuf ans en 1898. À sa naissance, ses parents n’étaient pas mariés. Il fut légitimé par leur mariage à Montpellier le 26 mars 1904.
Charles Robert fut mobilisé à la fin de la Grande Guerre. Revenu à la vie civile, il se maria à Montpellier le 3 décembre 1919 avec Joséphine Élias. Le couple n’eut pas d’enfants. Avant la Seconde Guerre mondiale, il exerçait la profession de représentant de commerce. Georges Sentis lui attribue (1942) la profession d’employé municipal.
D’après Georges Sentis, Charles Robert aurait adhéré au Parti communiste peu après le congrès de Tours. Il était secrétaire de la section de l’ARAC de Montpellier en 1937. Toutefois, en 1945, une notice individuelle établie par la préfecture des Pyrénées-Orientales, indiquait que, avant 1940, il n’appartenait à aucun parti. Il est vrai, qu’à la Libération, son appartenance au PCF était toujours passée sous silence. Cependant, les responsabilités importantes qui lui furent confiées pendant la clandestinité aussi bien dans le cadre du Front national que des FTPF ne laissent aucun doute quant à son affiliation au PC, au moins dans la clandestinité après 1940.
Militant communiste clandestin de l’Hérault, il fut associé à la mise en route du Front national dans son département natal. Au début de 1942, il aurait eu des responsabilités dans le FN de l’Aude signalées par Georges Sentis mais ignorées par Lucien Maury, l’historien de la résistance audoise. Au printemps 1942, la Région Aude-Hérault du FN n’était guère implantée qu’à Montpellier, Sète, Béziers et Carcassonne. À la préfecture de l’Aude, le FN avait effectué au printemps de 1942 un peu de propagande avec des papillons et il semblait prêt à l’ « action directe », si l’on en croit un rapport provenant du PC cité par Jacques-Augustin Bailly. Il participa à la réunion interrégionale du Front national de Montpellier regroupant la « région FN » de l’Aude-Hérault, celle du Tarn-Aveyron et celle des Pyrénées-Orientales.
Cette réunion se déroula à la suite de contacts pris par Georges Marrane qui organisait le FN en zone sud. Elle rassembla entre autres Vincent Badie, député radical de l’Hérault ayant voté « non » le 10 juillet 1940, Jean Milhau artiste peintre communiste. Cette réunion décida de la mutation de Charles Robert dans les Pyrénées-Orientales, où entre décembre 1941 et février 1942, le FN ne groupait que quelques militants peu structurés le plus souvent communistes, à Thuir principalement. Charles Robert qui arriva à Perpignan le 6 mai 1942 avait une autre mission, celle de susciter la création de groupes de FTPF dans les Pyrénées-Orientales. Dès son arrivée, il s’efforça de trouver sympathisants dont l’objectif était de les transformer en adhérents actifs. Cette tâche n’était guère aisée car elle interférait avec les difficultés rencontrées afin de maintenir une organisation clandestine du PC (Voir en particulier Dapère Julien, Houat René, Rigole Firmin). Le ralliement en bloc des anciens du PSOP (Voir Cortale Fernand, Delcamp Georges, Masnou Émile qui avaient établi le contact avec Julien Dapère après la manifestation perpignanaise du 14 juillet 1942 permit à Robert de constituer la base des FTPF catalans et de leur fournir des cadres qui faisaient jusqu’alors défaut. La principale tâche de Robert fut pendant longtemps d’assurer la liaison entre les Pyrénées-Orientales et l’ « interrégion » dont la direction était à Montpellier. Il mit en place le « triangle » de direction du FN des Pyrénées-Orientales (Charles Robert, André Sola, Joseph Crouzières). Cette direction fonctionna jusqu’au mois de mars 1944. Le Front national regroupa des adhérents le plus souvent isolés. L’organisation demeura très en retrait, avec un seul groupe avéré (« comité de défense populaire, avec douze membres, créé le 12 juin 1942 à Toulouges (Farré Ulysse). L’implantation de ce mouvement dans le département, comme, également, dans d’autres départements comme l’Aude, demeura très en retrait. En 1943-1944, il y avait un groupe à Perpignan animé par l’infirmier André Sola et un autre à Thuir, impulsé par Sauveur Quintane. Du printemps à l’automne 1943 (au moins), Robert fut épaulé par Jean Milhau, un artiste héraultais que dépêcha, afin de l’épauler la direction interrégionale du FN. Charles Robert s’efforçait de diffuser la presse clandestine (Front national de novembre 1943, Les Lettres françaises, d’août 1943, La Voie des combattants organe régional des anciens combattants du FN de février 1944. Il rédigea et tira un tract pour le Premier Mai 1943. En avril 1944, il diffusa le n°1 du Patriote catalan, organe régional du FN. En octobre 1943, il avait participé à Montpellier à une réunion unitaire de la Résistance.
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En revanche, la formation de compagnies de FTPF que supervisa Charles Robert connut davantage de succès (Voir aussi, en particulier, Rius Sébastien) et déboucha sur la formation de maquis.
Charles Robert remplaça André Sola à la tête du Front national de Perpignan après que ce dernier eut été arrêté le 29 mars 1944.
Charles Robert assista, le 10 août 1944, à la réunion clandestine constitutive du comité départemental de Libération des Pyrénées-Orientales à Perpignan. Il représentait le Front national à cette réunion houleuse (Voir Camille Fourquet). Il devint à partir de ce jour le vice –président du CDL. Après la Libération de Perpignan (19-20 août 1944), il participa aux délibérations, parfois problématiques, de cet organisme en particulier lorsqu‘il fallut choisir entre deux préfets, Jean Latscha ou Marcel Égretaud dépêché à Perpignan par Jacques Bounin, commissaire de la République à Montpellier. Comme d’autres membres du CDL, il fut logé pendant plusieurs semaines au Grand Hôtel, proche de la préfecture. Il assista avec Camille Fourquet et Jacques Pizard, des Pyrénées-Orientales, à l’assemblée générale des CDL d’Avignon (octobre 1944) et à celle de Paris (19 novembre 1944). Lorsque le préfet Latscha entreprit de mettre en œuvre les ordonnances des 21 avril et 3 novembre 1944 du GPRF concernant le rétablissement des conseils généraux dans l’attente d’un renouvellement général de ces assemblées, la candidature de Charles Robert (avec l’étiquette du Front national et non celle du PCF, son affiliation partisane n’apparaissant jamais depuis son arrivée dans les Pyrénées-Orientales) fut un moment envisagée par le CDL dans le canton de Vinça dont le siège était détenu par un radical « Camille-Pelletan » Jean Peyrevidal, démis d’office en février 1940 de son mandat par Vichy pour contrebande (depuis 1937 au moins et après 1940) et contrefaçon puis déporté en Allemagne non, semble-t-il, pour faits de résistance mais toujours pour contrebande) et marché noir. Toutefois, le préfet Latscha pensait que Robert, bien que doté « d’une forte personnalité », manquait d’assises dans ce canton et doutait de la pertinence de cette proposition. De fait, il ne se présenta pas en septembre 1945 et le candidat communiste André Gendre l’emporta sur Peyrevidal, de retour d’Allemagne.
Charles Robert devint (18 juillet 1945) un des membres du conseil d’administration du Républicain des Pyrénées-Orientales et du Midi, organe quotidien du CDL, alors que le contrôle de cet organe de presse commençait à lui échapper après l’affaire des élections municipales de Perpignan (avril-mai 1945). À l’occasion de ce scrutin, le CDL affronta la SFIO départementale et son leader, Louis Noguères et finit par se discréditer et disparaître. Ce dernier développa une violente campagne de presse contre Camille Fourquet et Charles Robert dès le 14 avril 1945, les accusant d’être des « écumeurs de la Résistance ». Le 20 juin 1945, Robert et Fourquet intentèrent conjointement une action en justice contre Noguères, l’accusant de diffamation à leur égard.
La procédure au tribunal de grande instance de Perpignan donna lieu à une bataille de procédure avec vingt renvois successifs fomentés par Noguères et son avocat, Léon-Jean Grégory, ou justifiés par son absence. L’audience eut finalement lieu le 20 juin 1949 et le jugement du 20 juillet 1949 débouta les plaignants. Fourquet et Robert firent appel. Le 8 novembre 1949, la cour d’appel confirma le jugement de Perpignan donnant une fois de plus raison à Noguères. Entre temps, l’hebdomadaire parisien Samedi-Soir du 28 juin 1949 évoqua cette procédure dans un article (« Match d’endurance entre le Mousquetaire Noguères et deux taureaux essoufflés », p. 11) et accusa sans preuves Robert et Fourquet d’avoir détourné un camion d’or de la Banque de France de Perpignan, « recyclant » une affaire rocambolesque ne reposant que sur la rumeur et aucun fait précis étayé par des preuves et qui avaient fait sensation après la Libération à l’automne 1944. Cet article, peut-être inspiré par Noguères, avait pour objet de discréditer encore davantage les deux hommes qui signèrent une lettre commune destinée à la rédaction de l’hebdomadaire.
Charles Robert fut un responsable de l’ARAC des Pyrénées-Orientales. À ce titre, il participa, le 29 décembre 1946, à un meeting de soutien à Barthélemy Panchot contre qui avait été ouverte une information judiciaire. Il prit la parole, au nom de l’ARAC, aux côtés de Fernand Cortale et d’André Tourné, deux anciens FTPF, militants communistes.
Charles Robert avait entre-temps quitté les Pyrénées-Orientales et était revenu à Montpellier. En 1960, notamment, il témoigna auprès du comité départemental de la Résistance des Pyrénées-Orientales dont le correspondant n’était autre que Camille Fourquet qui recueillait les souvenirs des acteurs de la Résistance départementale.
Par André Balent
SOURCES : Arch. Dép. Hérault, 5 Mi 58/18, état civil de Montpellier, registre des naissances (1898), acte de naissance et mentions marginales ; 9 M 248. — Arch. Dép. Pyrénées-Orientales, 49 W 41 (CDL et conseil général, 1944-1945). — Le Travailleur du Languedoc, 1937. — Le Travailleur catalan, 4 janvier 1947. — Samedi soir, — Jacques-Augustin Bailly, La Libération confisquée. Le Languedoc 1944-1945, Paris, Albin Michel, 1993, pp. 77-79. — Gérard Bonet, L’Indépendant des Pyrénées-Orientales. Un siècle d’histoire d’un quotidien, 1846-1950, Perpignan, Publications de l’Olivier, 2004, 764 p. [pp. 435, 540, 614, 619]. — Olivier Chauveau, "Le Républicain du Midi journal du Comité départemental de Libération des Pyrénées-Orientales 1944-1945", Bulletin du Centre d’histoire contemporaine du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier (université Montpellier III), 1992, pp. 3-17. — Ramon Gual et Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra Nostra, 1998, pp. 479, 554 [ill.], 803 [ill.], 804, 808, 809 [ill.], 825. — Camille Fourquet, Le Roussillon sous la botte nazie. Années 1940 à 1944, tapuscrit inédit, s.d., [1965], 207 p. [pp. 39, 89, 116, 131-133, 159 sq., 207-208] (photocopie, archives André Balent). — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronique des années noires, Prades, Terra Nostra, 1994, p. 118, pp. 331-332. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales, II, Le difficile combat vers la libération nationale Novembre 1942-août 1944, Perpignan, Marxisme / Régions, 1985, 175 p. [en particulier, pp. 57 sq.]. — Georges Sentis, Les communistes et la Résistance dans les Pyrénées-Orientales. Biographies, Lille, Marxisme/Régions, 1994, 182 p. [p. 177].