SANTARELLI Jérôme, Charles

Par Hélène Chaubin

Né le 25 mars 1912 à Viggianello (Corse-du-Sud), mort le 14 février 2008 à Ajaccio (Corse-du-Sud) ; instituteur ; militant communiste ; résistant membre du Front national corse ; président de l’ANACR de Corse-du-Sud.

Jérôme Santarelli est issu d’une famille corse très modeste. Faute de ressources suffisantes, son père avait été contraint d’aller travailler à Toulon (Var) à l’Arsenal maritime. Jérôme Santarelli, désireux de vivre en Corse, se présenta au concours de l’école normale d’instituteurs d’Ajaccio. Il y fut reçu en 1930 et obtint le brevet supérieur. À vingt-et-un ans, il entra comme élève - officier de réserve (EOR) à l’école militaire de Saint- Maixent (Deux-Sèvres) et termina son service militaire comme sous-lieutenant au 159° RIA de Briançon.

À son retour, il fut nommé instituteur dans un hameau de Sartène, à Serragia. Il était membre du Syndicat national des instituteurs SNI. Il adhéra au Parti communiste en 1936 et fut candidat en 1937 aux élections cantonales à Olmeto (Corse, Corse-du-Sud). En 1938, il obtint un poste à Sartène. Il y fut responsable de la section communiste jusqu’au début de la guerre.
Mobilisé de septembre 1939 à juin 1940, il rejoignit le 10° Bataillon du 373° Régiment d’infanterie, cantonné à Santa Manza sur la côte est de Bonifacio, l’un des points récemment fortifiés de la côte corse car on y envisageait un débarquement des forces italiennes. En raison de son appartenance politique, malgré l’appui du vice-recteur de la Corse, il ne retrouva pas son poste de Sartène après la démobilisation et fut nommé à Porto-Vecchio. La LFC (Légion française des combattants) demanda que les enseignants communistes soient révoqués ou mutés. Jérôme Santarelli fut alors muté à Serragia. Il était étroitement surveillé et peu après le débarquement italien de novembre 1942, il quitta Serragia pour vivre dans la clandestinité avec l’appui d’amis de la vallée de l’Ortolo où il trouva souvent refuge dans une grotte comme son ami Charles Tramoni, communiste lui aussi, futur maire de Sartène. Tous deux étaient membres du Front national. Les deux amis rédigeaient des tracts pour diffuser les nouvelles défavorables aux pays de l’Axe. Après janvier 1943, ils cherchèrent à établir des contacts directs avec les habitants du Sartenais et à entretenir l’esprit de résistance. La Corse du sud était devenue le foyer le plus ardent de la résistance aux occupants.Les patrouilles étaient fréquentes car il y avait alors dans l’île 85 000 militaires italiens pour une population de moins de 200 000 habitants. Les accrochages entre Italiens et résistants étaient fréquents. Les actions de sabotage -surtout sur les lignes téléphoniques- provoquaient des ripostes, venues surtout des « Chemises noires », et le Front national recrutait des hommes qui réclamaient des armes. Elles arrivèrent d’Algérie parachutées ou bien transportées soit par des sous-marins anglais soit par le célèbre « Casabianca » rescapé de la flotte française de Toulon. Acheminer et cacher les armes était périlleux. Le Front national en confia l’organisation à Jean Nicoli et Jérôme Santarelli pour le sud de la Corse. Tous deux faisaient partie du Comité départemental du Front national. Ils furent arrêtés ensemble à Ajaccio le 27 juin 1943 alors qu’ils préparaient une réception d’armes sur la côte des Agriates. Traduits devant le Tribunal militaire de la VII° Armée qui siégeait à Bastia, ils furent jugés le 28 août. Jean Nicoli qui avait été identifié fut condamné à mort et exécuté le 30 août à Bastia. Jérôme Santarelli fut condamné pour espionnage à trente ans de réclusion alors que les Italiens n’avaient réussi ni à découvrir son identité ni à définir son rôle dans les rangs de la Résistance. Sa peine, comme toutes les peines d’emprisonnement prononcées par ce tribunal, étaient exécutables en Italie. C’est le 3 septembre 1943 que Jérôme Santarelli fut transféré en Italie - le jour même de la signature secrète de la capitulation italienne -. Il fut incarcéré dans les Abruzzes à Lanciano puis à Chieti. Avec l’avancée des forces alliées en Italie et l’intervention allemande, les prisonniers tombèrent aux mains des Allemands qui utilisaient les prisonniers comme main d’œuvre, par exemple pour les terrassements. Mais ils avaient à l’égard des Corses une attitude relativement indulgente. Quand ils firent retraite, ils entrainèrent les prisonniers mais Jérôme Santarelli put s’enfuir en juin, rejoindre un groupe de partisans italiens, puis, à Farindola, non loin de Pescara, une unité britannique. De là, par Naples et par Alger, ce fut en septembre 1944, avec des moyens militaires français, le rapatriement dans la Corse libérée depuis octobre 1943.

Jérôme Santarelli reprit son métier d’instituteur dès la rentrée de 1944, à Ajaccio et ses activités de syndicaliste au SNI. Il put se marier et eut un fils. Il s’inscrivit à la section communiste d’Ajaccio et jusqu’en 1960, en fut le secrétaire. Il resta toujours un militant communiste très actif : comme membre du Comité fédéral de 1950 à 1962, puis de 1976 à 1985, et de nouveau à partir de 1987. Il fut aussi membre entre 1962 et 1976 et de 1985 à 1987 de la Commission de contrôle financier.

Un autre aspect important de son militantisme a été consacré à la mémoire de la Résistance et de ses valeurs : il fut membre à partir de 1957 du conseil d’administration de l’Union française des anciens combattants et président de l’ANACR de Corse du sud de 1981 à 2005. Il en resta jusqu’à sa mort le président d’honneur. Jérôme Santarelli s’engagea dans les débats sur l’interprétation de la Résistance corse proposée par les nationalistes. Il défendait l’idée de la volonté des Corses de rester Français. Cela lui valut en 1988, un attentat contre son domicile d’Afa. Jérôme Santarelli était très respecté et cet attentat ne fut pas entièrement approuvé dans les milieux nationalistes.

En 2012, son nom a été donné à une école inaugurée à Ajaccio dans le quartier des Salines où il avait exercé.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article171596, notice SANTARELLI Jérôme, Charles par Hélène Chaubin, version mise en ligne le 17 mars 2015, dernière modification le 26 mars 2021.

Par Hélène Chaubin

SOURCES : Archives du Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, IHTP, Paris, enquêtes d’Hélène Chaubin correspondante en Corse. ̶ Arch.Dép. Corse du sud, série W, affaires italiennes, police. ̶ Archives italiennes : Ufficio Storico dello Stato maggiore dell’Esercito, Tribunal militaire VII° Armée, Sentenze. ̶ Entretiens avec Jérôme Santarelli en 2000/2001. ̶ Sias Virgilio, Il controspinaggio italiano in Sardegna e Corsica, 1943, Oristano, éditions S’alvure, 1991, 154 p. ̶ Chaubin Hélène, La Corse à l’épreuve de la guerre, 1939-1943, éd. Vendémiaire, Paris, 2012, 287 p. ̶ Notes de Jacques Girault.

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