BONINI Ange

Par Maurice Moissonnier

Né le 28 octobre 1897 à Turin (Italie) ; outilleur puis typographe et employé de bureau ; militant communiste en Italie et en France, dans la région lyonnaise en particulier.

Ange Bonini naquit dans un foyer ouvrier assez exceptionnel. Son père, ouvrier électricien, syndiqué, socialiste dès 1898, athée, avait adhéré au Parti communiste italien dès 1921. Sa mère, simple ménagère, athée elle aussi et autodidacte, avait donné à son fils la passion de la lecture. On pratiquait à la maison aussi bien le français que l’italien et le jeune Bonini lut dans son adolescence tant en italien qu’en français une foule d’écrits : J’accuse de Zola, Je ne puis me taire de Tolstoï, l’Insurgé de Vallès, les souvenirs de Louise Michel sur la Commune, mais aussi ceux de V. Hugo, Erckmann et Châtrian, Dickens, Anatole France, Romain Rolland, Gorki. Il se souvient en outre de la lecture de brochures d’Elisée Reclus, de pamphlets divers, d’extraits du Capital et aussi de l’Avanti et de l’Humanité. Quelques maîtres de l’école primaire jouèrent dans sa formation un rôle non négligeable telle cette institutrice qui prodiguait aux enfants, à la demande des parents athées, pour lutter contre l’emprise religieuse, une « éducation morale et civique ».
Ange Bonini entra en apprentissage en suivant une école professionnelle du soir jusqu’à l’âge de dix-sept ans c’est-à-dire jusqu’en 1915, début de la guerre en Italie. En 1912, à quinze ans, il avait donné son adhésion aux Jeunesses socialistes, à la Maison du Peuple de Turin et à la CGT italienne et il participa à sa première manifestation en 1909 à l’occasion de la protestation contre l’exécution de Francisco Ferrer. Aux Jeunesses socialistes, il suivit quelques cours théoriques donnés en 1913 par Zaverio (secrétaire syndical des Cuirs et Peaux), en 1914 par Benito Mussolini (sur la Commune) et Angelo Tasca, plus tard, en 1919 par les députés Pajetta et Fioba (sur le Manifeste du Parti communiste). De son propre aveu, c’est cependant la pratique qui a le plus contribué à sa formation. Son orientation vers le communisme fut surtout le fruit de sa haine de la guerre et de sa sympathie pour Octobre 1917. En 1915 il participa aux heurts contre les zélateurs du « Mai radieux » et soutint la tendance zimmerwaldienne. Après la guerre, en 1920, il trouva du travail à l’Office de Savigliano à Turin, qui employait près de 2 000 ouvriers et il y créa le groupe communiste dont il devint le secrétaire. A cette époque, il lisait régulièrement l’Avanti, l’Avanguardia, l’Humanité et l’Ordine Nuovo de Gramsci, occasionnellement Il Grido Del Popolo. Il fit partie de la fraction communiste élue à Turin à la majorité à la commission exécutive du Parti socialiste : il y avait là Gramsci, Togliatti, Terracini et Santhia. Il fut délégué par les socialistes turinois à Imola et, à cette occasion, Gramsci lui présenta Henri Barbusse venu en observateur. Il fut aussi élu à la présidence de la Maison du Peuple Borgo Vittoria.
Lorsqu’en septembre 1920 eut lieu le soulèvement de Turin avec occupation des usines, il organisa la défense de tout le secteur sud de la ville. À ce moment, sur le plan syndical, il était délégué auprès de la Fédération de la métallurgie de la CGT italienne et membre du conseil exécutif de la Bourse du Travail de Turin. Arrêté, poursuivi, il réussit à quitter l’Italie et s’installa à Lyon où il commença sa carrière militante française. Il assuma des responsabilités à l’intersyndicale de la MOI, au syndicat des métaux unitaire où il s’occupa d’une coopérative ouvrière de mécanique, il fut délégué du personnel à l’usine Gendron, délégué, en 1938 des syndicats à l’Office national d’émigration et délégué CGT chez Pétrier et Tissot. Dans le domaine politique il fut, entre 1927 et 1931, secrétaire de la cellule Villette - Paul Bert du PC français, responsable du groupe de langue de la main d’œuvre étrangère et, lorsqu’éclata la guerre civile espagnole, responsable d’un comité de soutien à l’Espagne républicaine, ce qui l’amena à participer au ravitaillement des camps du Vernet, de Saint-Cyprien et de Rivesaltes. Il restait cependant en contact avec les communistes italiens et, en 1926, il avait contribué à la préparation du congrès clandestin du PCI tenu à Lyon.
Pendant l’Occupation il milita à la MOI, au Front national et, à la Libération, dans les rangs des FTP.
Après la guerre, il connut, entre 1946 et juin 1948, des moments difficiles en raison de licenciements successifs dus à son activité politique. De 1959 jusqu’en 1962, date de sa retraite, il fut délégué du personnel et secrétaire de la section syndicale CGT de l’usine Bernard.
De son action en France, les souvenirs qu’il garda touchent aux grands moments de l’action ouvrière à Lyon et aux grands déchirements du monde ouvrier lyonnais : manifestation de 1927 pour Sacco et Vanzetti, luttes physiques avec les anarchistes à l’Alcazar de Lyon, lutte contre les anarcho-syndicalistes et leur chef de file Argence*, incidents de février 1934 au parc Bonneterre, grève insurrectionnelle de 1944 et lutte armée à la libération de Lyon. Dans une correspondance, il fait encore preuve d’une étonnante chaleur. Ce qui frappe c’est la vigueur de ses professions de foi dans l’internationalisme prolétarien et cette remarque à propos du Parti Communiste : « Le Parti, pour moi, n’est pas le Parti de Lénine, de Staline, de Thorez, de Togliatti, c’est mon Parti ! »

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17160, notice BONINI Ange par Maurice Moissonnier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 20 avril 2018.

Par Maurice Moissonnier

SOURCE : Questionnaire rempli pour une enquête de l’Institut Maurice Thorez.

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