LEROY Albert, André [dit Bernard ou Léon dans la Résistance]

Par Jean-Paul Nicolas

Né le 14 mai 1913 à Boisemont (Eure), abattu en mission par les Allemands le 10 avril 1944 à Paris, Porte de Saint-Cloud ; Interrégional FTP dans les départements de l’Eure, de Seine-Inférieure, de l’Oise puis de la Seine ; communiste ; ouvrier papetier syndicaliste avant 1939.

Fils d’Albert, Charles Leroy cantonnier et de Marie Albertine Barbé, Albert Leroy était domicilié à Gisors (Eure) au moment de son incorporation au 39e RI de Rouen, du 15 octobre 1934 au 12 octobre 1935.
Albert Leroy épousa le 22 février 1936 Edmonde Ferrandier à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Inférieure, Seine-Maritime). Il s’était établi sur la rive gauche de Rouen pour travailler dans l’industrie papetière. Entré au Parti communiste en 1937 à Grand-Couronne, il fut très tôt secrétaire de cellule et délégué du syndicat CGT à la papeterie industrielle Sonopa.
Mobilisé dès septembre 1939, Albert Leroy fut fait prisonnier en juin 1940. Il s’évada en France en sautant au démarrage du train qui l’emmenait en Allemagne et retourna dans son village d’Inval à deux kilomètres de Gisors. Là, il travailla comme chaufournier (c’est-à-dire au four à chaux) dans une carrière dont les propriétaires étaient proches d’une famille résistante de Gisors : les Pierson. Dans son village il vécut pendant deux ans une vie « légale » de contremaître carrier, avec son épouse au foyer et ses deux petites filles Christiane et Marcelle. Dans cette période il était en liaison avec le Parti communiste, hébergeant des militants clandestins, leur trouvant des planques dans la région rurale de Gisors, leur procurant des papiers d’identité, transportant le matériel d’édition du Parti. Ainsi la région de Gisors était devenue progressivement une base arrière du Front national de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France en particulier pour les clandestins de la région parisienne. Aussi, c’est Albert Leroy qui accueillit à Inval en mai 1942 Simone et Auguste Gillot (futur membre du CNR) et qui assura leur hébergement à Gisors car le Parti les envoyait vers la Normandie pour diriger le Front national dans l’Eure. Son engagement attesté dans les FTP se situe le 12 mai 1942.
A la suite, le 15 août 1942, d’un incendie volontaire de meules de blé destiné exclusivement à l’armée d’occupation provoqué par le groupe d’Albert Leroy, ce dernier fut interpelé par la police allemande le 8 septembre 1942 sur son lieu de travail à la carrière d’Inval. Prétextant d’aller se rhabiller pour suivre la SD, il s’échappa et rentra dés lors dans l’illégalité totale. Fuyant son lieu de travail et son département pour la Seine-Inférieure, connu sous le nom de Léon, il participa à six faits de guerre connus dans la région rouennaise d’octobre 1942 à avril 1943. Parmi ces attentats, l’exécution d’un officier allemand devant la gare de Rouen, le mitraillage d’un trolley-bus chargé de soldats allemands rue Saint-Gervais, le déraillement d’un train de permissionnaires à Préaux sur la ligne Rouen-Amiens. Dans ces actions, il agissait souvent en compagnie de l’interrégional militaire FTP André Duroméa ainsi que Joseph Daguenet, François Floc’h, Marcel Aubruchet. Dans cette période, il avait ses planques favorites sur la rive gauche de Rouen où il avait vécu et travaillé avant 1939 : notamment dans une cité ouvrière de Saint-Etienne-du-Rouvray, la Cité des Familles, chez des anciens voisins de confiance.
En mai 1943, Albert Leroy fut muté dans l’Oise et passa de chef de groupe à chef de détachement pour devenir cadre militaire interrégional des FTP. Dans l’Oise il fut contacté par Gustave Avisse depuis Amiens pour renforcer un véritable commando de FTP qui réussirent à sauver, avec la complicité d’une infirmière, l’interrégional militaire Julien Lefranc qui, blessé et capturé par la police, se trouvait à l’hôpital d’Amiens. Albert Leroy, ce 4 juin 1943, s’était accompagné d’un autre combattant se trouvant avec lui dans l’Oise :Louis Valette, résistant particulièrement actif dans plusieurs départements et notamment en Seine-Inférieure.
Le 29 juillet 1943 il fut arrêté à Creil ou Compiègne selon les sources, et emprisonné à Saint-Quentin où il fut torturé mais réussit à donner des nouvelles à son entourage par une infirmière qui avait ses entrées dans la prison. Ses camarades envisageaient de le faire évader de Saint-Quentin, lorsqu’il fut transféré à la maison d’arrêt de Rouen Bonne-Nouvelle. La police de Rouen s’intéressait beaucoup à lui. Il fut à nouveau torturé.
A Rouen, il rencontra, dans la prison, les FTP du maquis de Barneville prisonniers depuis le 24 août 1943 dont six furent fusillés par la suite le 8 novembre 1943. Avec eux, un plan d’évasion n’était pas envisageable car ils étaient incarcérés collectivement avec de possibles mouchards. Albert Leroy et Christian Sénard, FTP de Barneville, enfermés dans des cellules individuelles mirent au point un projet d’évasion associant le jeune instituteur Paul Le Goupil et un quatrième prisonnier condamné à mort. Leur plan n’aboutit qu’à l’évasion réussie de deux hommes le 28 octobre 1943 : Albert Leroy et Christian Sénard. Ils échappèrent ainsi, de justesse, au peloton d’exécution du Madrillet Grand-Quevilly.
Albert Leroy, sur l’avis favorable des dirigeants qui connaissaient son courage comme André Duroméa, fut réintégré dans les FTP, chose rare en milieu résistant où l’on avait pour règle de se méfier des évasions simulées en complicité avec l’occupant.
Après cette évasion à Rouen, Albert Leroy reprit du service dans le département de la Seine, XIIIe arrondissement, où il devint FFI adjoint au commandant militaire sur la R3 de la Région parisienne.
Suite à une trahison dans l’organisation, alors qu’il avait rendez-vous avec des cadres FFI le 10 avril 1944 à la Porte de Saint-Cloud, Albert Leroy fut abattu d’une rafale de mitraillette à la sortie du métro Pont de Saint-Cloud. Le 10 Avril était un lundi de Pâques et la Saint Albert.
Albert Leroy était porteur des papiers de son frère jumeau (ils les avaient échangés) ce qui créa une confusion administrative momentanée à propos de son décès.
Inhumé d’abord au cimetière de Pantin, on transféra le corps du « héros d’Inval » à Gisors puis à son village le 22 septembre 1944 où se déroulèrent ses funérailles saluées par la ville de Gisors. Auguste Gillot fit son éloge au nom du PCF. Son cercueil était décoré de l’emblême de la faucille et du marteau.
La ville de Gisors donna le nom d’Albert Leroy à une rue principale de cette cité de l’Eure. Plus récemment en 2004, la mairie du XVIe arrondissement, vota la pose d’une plaque commémorative « en hommage au sous-lieutenant FTPF Albert Leroy, fusillé par les nazis le 10 avril 1944, située 6, place de la Porte de Saint-Cloud, Paris XVIe ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article171616, notice LEROY Albert, André [dit Bernard ou Léon dans la Résistance] par Jean-Paul Nicolas, version mise en ligne le 6 avril 2015, dernière modification le 7 novembre 2022.

Par Jean-Paul Nicolas

Cadre FTP abattu en mission. Paris avril 1944.

SOURCES : Archives départementales de Seine-Maritime, témoignages oraux de Christian Sénard(1991), Gustave Avisse, André Duroméa (1982-84). — Archives DSM cote 54W5335 dossier 8171 affaire grotte Barneville. — Procès de Louis Alie, Rouen, décembre 1944. — Cote 13P20 SHA Vincennes : livre de marche de la 1° Compagnie FTPF de Seine-Inférieure. — Renseignements obtenus auprès de Marcelle Leroy, (fille d’Albert) ainsi que de Marcel Larmanou, maire de Gisors. — Simone et Auguste Gillot Un couple dans la Résistance Editions Sociales 1975 . — André Duroméa raconte Editions Messidor 1987.— Témoignage de Paul Le Goupil IR Buchenwald N°53354.

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