BONNAFOUS Max, Jean-Marie, Antoine

Par Justinien Raymond

Né le 21 janvier 1900 à Bordeaux (Gironde), mort le 16 octobre 1975 à Nice (Alpes-Maritimes) ; universitaire ; militant socialiste puis néo-socialiste ; préfet ; ministre de Vichy.

Max Bonnafous fit ses études secondaires dans sa ville natale : il y eut comme condisciple Louis Genevois. Au sortir des khâgnes de Bordeaux et du lycée Henri IV à Paris, il entra à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm en 1920. Titulaire de la licence de lettres-philosophie (1921), il adhéra bien vite aux Étudiant socialistes révolutionnaires fondés en janvier 1919 par J. de Saint-Prix et M. Ollivier, et à la 5e section socialiste de Paris, animée par Marcel Déat*. Agrégé de Philosophie en 1924, nommé professeur au lycée de Charleville (Ardennes) en 1925, il obtint un poste au lycée de Galata-Seraï puis fut chargé de cours à la faculté de Constantinople avant d’obtenir le poste de directeur de l’institut de sociologie à la faculté de Stamboul (devenu Istamboul) en 1928-1929. Collaborateur du journal Stamboul, conférencier, il présidait l’union des professeurs français de Constantinople.
Max Bonnafous s’intéressa à la sociologie politique sous la bienveillante autorité de Bouglé. À la fin de 1924, devant le groupe d’études socialistes de l’ENS animé par Georges Lefranc*, il fit une conférence sur « Socialisme et démocratie ». En 1925, il publia un petit volume préfacé par Alexandre Varenne* et intitulé Le scrutin d’arrondissement et la politique : ce devait être le premier tome d’une bibliothèque d’éducation économique, sociale et politique ; il n’eut pas de suite mais connut trois éditions. Max Bonnafous y réfutait les arguments des défenseurs du scrutin d’arrondissement, notamment ceux de l’abbé Lemire et il concluait en faveur de la représentation proportionnelle, seul moyen de traduire les grands courants d’idées.
Max Bonnafous fit son apprentissage d’homme politique comme candidat du Parti socialiste SFIO aux élections municipales de 1925 dans le quartier de la Sorbonne (Ve arr. de Paris) : un radical l’emporta au second tour de scrutin. De 1926 à 1929, il enseigna la philosophie au lycée de Galata-Seraï, à Constantinople. C’est à son retour en France, en 1929, qu’il fut chargé par le Comité français pour l’édition des Œuvres de Jaurès, de collationner et de présenter les textes. Le premier tome parut en mai 1931 salué en ces termes par Léon Blum : Max Bonnafous « a organisé ce travail vraiment accablant avec une intelligence, une patience, une clairvoyance que l’on ne saurait trop louer... Le tri (des textes) a été fait avec une scrupuleuse probité de l’esprit ». Le dernier tome paru, le neuvième, vit le jour en 1939 : il contenait les discours et articles de 1914. Il restait encore quelques textes d’histoire à publier.
En 1931, Max Bonnafous fut nommé maître de conférence de sociologie politique (chaire de science sociale) à la Faculté des lettres de Bordeaux. Il allait y devenir l’ami d’Adrien Marquet* qui a pu contribuer à l’engager dans la voie politique qu’il allait suivre lui-même. La minorité « participationniste » du Parti socialiste apparut bientôt comme sensible au mirage fasciste. Au XXXe congrès de la SFIO tenu à Paris, salle de la Mutualité (14-17 juillet 1933), ses porte-paroles, Déat, Marquet et Montagnon défendirent un « socialisme » qui « épouvanta » Léon Blum et que résumait la conclusion de Marquet : « Ordre, Autorité, Nation. » À ces discours publiés à l’automne 1933, Max Bonnafous donna dix pages de préface et trente-cinq pages de commentaire. Il y répondait aux articles de Léon Blum dénonçant l’orientation nouvelle. « Quand Léon Blum nous raille, nous appelant « hautains professeurs d’énergie », quand il s’étonne de notre impatience à agir, quand il nous prête, très généreusement je ne sais quel romantisme puéril, il ne nous comprend pas, ou il feint de ne pas nous comprendre... Ceux que vous appelez « néosocialistes » ne peuvent plus se satisfaire de ces formes d’action que vous proposez. Pour diriger le bateau, ils préfèrent s’embarquer et ramer. Cette « prise directe » qui correspond à un besoin de leur tempérament, leur apparaît aussi, dans les circonstances présentes, comme une nécessité ». Max Bonnafous ajoutait : « Nous ne voulons pas, un beau jour, être obligés de choisir entre deux routes, dont l’une mène au ralliement honteux et l’autre à l’exil. »
Max Bonnafous suivit les élus exclus de la SFIO et fut un des dirigeants du Parti socialiste de France devenu Union socialiste républicaine qu’ils constituèrent. Du 9 février au 8 novembre 1934, durée du cabinet Gaston Doumergue issu de l’affaire Stavisky et de l’émeute du 6 février, il fut chef du cabinet d’Adrien Marquet, ministre du Travail, aux côtés du maréchal Pétain et de Pierre Laval. Aux élections législatives de 1936, dans la 4e circonscription de Bordeaux, il se présenta sous l’étiquette USR contre Philippe Henriot, député sortant, notable de la droite fascisante. Sur 16 833 inscrits, il recueillit 3 279 voix, derrière Ph. Henriot, 5 563, devant Rodel, républicain indépendant, 1 546, Pé, SFIO, 1 463, Vincent, communiste, 953. Au second tour, seul en liste contre le député sortant réélu par 6 473 suffrages, Bonnafous en recueillit 6 379 voix. Il se représenta en septembre contre son vainqueur invalidé, recueillit moins de voix, comme son rival, mais fut battu. Jusqu’en 1940, Bonnafous fut professeur à l’École nationale de la France d’Outre-Mer.
En 1940, la débâcle survenue, Bonnafous reprit son poste de chef du cabinet d’Adrien Marquet devenu ministre de l’Intérieur du maréchal Pétain. Il allait donc être associé à une cascade de proclamations et de mesures d’inspiration totalitaire : révocation le 17 juillet, des agents des services publics, français par naturalisation ; proclamation le 23 juillet, de Marquet, à la radio : « Un ordre nouveau va naître en Europe, la France doit s’y intégrer » ; promulgation, le 13 août de la loi interdisant les sociétés secrètes ; dissolution, le 19 août, du « Grand Orient » et de la « Grande Loge de France ».
Marquet ayant été remplacé par Peyronton, ancien Résident général en Tunisie, Max Bonnafous fut nommé, en septembre 1940, préfet de Constantine, puis en décembre 1941, préfet des Bouches-du-Rhône et préfet régional de Marseille. En 1942, il fut appelé par Pierre Laval au secrétariat d’État à l’Agriculture et au Ravitaillement, en remplacement de Leroy-Ladurie, démissionnaire. Convaincu dès 1943 de la victoire des alliés, il prit quelques dispositions en faveur de Résistants dont il se prévaudra à la Libération, et à la fin de l’année, il démissionna quand l’occupant imposa Darnand au « maintien de l’ordre » et Philippe Henriot à l’Information.
Arrêté à la Libération, frappé d’indignité nationale comme Ministre de Vichy, il fut relevé de l’indignité comme ayant rendu des services à la Résistance et son procès aboutit à un non-lieu. Il renonça à toute activité, vécut retiré à Bougival puis à Nice où, veuf, il épousa Gaby Morlay, actrice autodidacte, arrivée jeune à la célébrité, qu’il perdit en 1964. Il se remaria avec une amie de Gaby Morlay qui veilla sur ses dernières années.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17171, notice BONNAFOUS Max, Jean-Marie, Antoine par Justinien Raymond, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 26 juillet 2020.

Par Justinien Raymond

SOURCES : Arch. Nat., F17/ 23567. — L. Genevois et G. Lefranc : Notice biographique dans le Bulletin des Anciens Élèves de l’ENS — E. Ginestous Histoire de Bordeaux, op. cit. — Les Cahiers d’Information du militant, publication mensuelle des Syndicats des Instituteurs, n° 16, mai 1936, p. 19. — Le Monde, 22 octobre 1975. — M. Ollivier, « Un Bolchevik dangereux », manuscrit inédit. — Notes de Jacques Girault.

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