BONNARD Yves, René, dit "Yvon"

Par Gilles Pichavant

Né le 4 novembre 1917 à Sotteville-les-Rouen (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), mort le 10 janvier 1993 à Saint-Étienne du Rouvray (Seine-Maritime) ; auxiliaire puis agent manipulant aux PTT, puis employé communal puis cadre communal ; syndicaliste CGT de Seine-Maritime ; communiste ; résistant, déporté.

Julienne et Yvon Bonnard

Fils de Paul Eugène Bonnard, contremaitre aux chemins de fer, et de Rachel Albertine Cavelier, ouvrière dans une usine textile, Yvon Bonnard fut un excellent élève à l’école primaire. En conséquence, il fut l’un des premiers jeunes issus d’un milieu populaire à entrer au lycée Corneille de Rouen. Il y resta jusqu’en classe de seconde, mais la mort de son père ayant créé une situation difficile dans la famille, il dût travailler pour gagner sa vie.

En 1934, Yvon put entrer comme bouliste dans l’usine où travaillait sa mère. Mais quelques mois plus tard, il fut licencié pour, disait-il, avoir osé regarder le patron dans les yeux — chose qui était interdite — alors que celui-ci visitait son service. Il s’ensuivit pour lui, de nombreux mois de chômage, sans percevoir aucune indemnités. C’est dans cette situation qu’il participa à de nombreux meetings d’organisations de gauche, se rapprocha du comité de chômeur, du comité Amsterdam-Pleyel très actif à Sotteville, et de la Jeunesse communiste dont il devint l’un des responsables régionaux en Haute-Normandie pendant le Front-Populaire.

Fin 1935, il obtint un poste très précaire d’auxiliaire aux PTT, puis réussit un concours des PTT, et intégra la Recette principale de Rouen en mai 1936 comme Agent manipulant. Il se syndiqua à la CGT, mais n’y eut pas d’activité militante.

Son départ au service militaire fut retardé à cause d’une pleurésie. Il le commença au début 1939, et fut envoyé au 117e régiment d’infanterie basé au Mans, affecté à une "section spéciale d’engins" ; en fait il s’occupa d’un canon antichar de 37mm. A la déclaration de guerre, son régiment fut envoyé dans l’est de la France. En début juin 1940, il était à proximité de Soisson, et subit plusieurs violentes attaques de char allemands. De décrochages en décrochage, le régiment se retrouva encerclé sans munitions, à Bray-sur Seine (Seine-et-Marne), au milieu d’une foule de réfugiés. C’est là qu’Yvon Bonnard fut fait prisonnier, son officier s’étant suicidé plutôt que de se rendre. Par un heureux hasard il fut démobilisé, et en septembre, reprit son travail à la recette principale de Rouen.

Courant octobre 1940, il rencontra André Pican à Darnétal (Seine-Inférieure, Seine-Maritime) à l’initiative de celui-ci qui travaillait à reconstituer clandestinement le parti communiste et la jeunesse communiste dans la région rouennaise. Yvon Bonnard eut deux rencontres, en tête à tête, avec lui dans la période, et commença un travail de reprise de contact avec les anciens adhérents de la JC et du PCF dans la région rouennaise, tout en commençant un travail de propagande dans la commune de Sotteville et à la recette principale des PTT de Rouen. Il croisa Valentin Feldmann et Gaston Lemercier*, et travailla avec Robert Pierrain, avec qui il organisa le 1er mai 1941 à Sotteville. celui-ci fut marqué par l’installation de petits drapeaux rouges en ville, et la distribution de nombreux tracts locaux, édités spécialement.

En octobre 1941, à la suite d’un sabotage de la ligne de chemin de fer à Barentin, une 2e rafle fut organisée par la police française en Seine-Maritime, une première ayant eu lieu juste après le déclenchement de l’invasion de l’union soviétique à l’Est. La police, de conserve avec l’occupant, avait décidé de ratisser large dans les milieux syndicaux, ainsi que chez les anciens adhérents du PCF et de la JC, à partir de listes établies avant guerre. Le 22 octobre 1941, Yvon Bonnard fut arrêté à son domicile par des policiers français accompagnés par deux feldgendarmes, et conduit au commissariat de Sotteville, où il retrouva une quarantaine de militants, majoritairement des syndicalistes cheminots. Perquisitionnant chez lui, la police ne trouva rien. Il avait eu le temps d’avaler un feuillet comportant une liste de noms. Très tôt le lendemain matin, tous furent conduits en camions bâchés à la caserne Hatri de Rouen. Yvon y subit un interrogatoire musclé par le commissaire de Sotteville, qui lui porta des coups.

Yvon Bonnard fut, ensuite, interné au camp de Royallieu à Compiègne. En septembre 1943 il fut déporté à Buchenwald. Le transport fut particulièrement pénible puisque, suite à une évasion avant la gare de Laon, les déportés furent concentrés dans un wagon sur deux, après avoir dû se dénuder. Yvon Bonnard faillit mourir étouffé, et ne dût la vie qu’au soutien de deux camarades, Yves-Pierre Boulongne* et Floréal Barillet*. Arrivé au camp, on attribua à Yvon Bonnard le matricule KL21760. Le 11 avril 1945, il participa à la libération du camp de Buchenwald avec la brigade d’action libératrice.

De retour de déportation il ne réintégra pas les PTT, mais, peut-être après une période comme permanent du parti communiste, il intégra la fonction publique territoriale, à la Mairie de Saint-Étienne-du-Rouvray. Dans les années qui suivirent Yvon Bonnard fut, au moins jusqu’en 1947, l’un des secrétaires de la fédération de Seine-Inférieure du parti communiste, mais il n’aurait plus eu de responsabilités départementales au début des années 1960. A cette date il n’était plus membre du comité fédéral, mais restait adhérent du Parti communiste dans la section de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Inférieure, Seine-Maritime).

Militant du syndicat des municipaux de Saint-Étienne-du-Rouvray, Yvon Bonnard fut membre de la CA de l’UD-CGT de Seine Maritime au moins de 1964 à 1970. En 1969, il participa au 37e congrès confédéral national de la CGT où il intervint dans la 3e séance.

Le 25 novembre 1966, il reçut une médaille au titre de membre ou ancien membre de la CA de l’UD CGT de Seine-Maritime ayant plus de 30 années de fidélité à la CGT, à l’occasion de son 25e congrès.

Il fut président départemental de l’Amicale des vétérans du Parti communiste français dans les années 1980 et 1990. Dès la fin des années 50 il fut président départemental de la FNDIRP et de l’ANACR en Seine-Maritime. Il fut aussi vice-président du Comité d’organisation du Concours de la Résistance et de la Déportation.

Mort le 10 janvier 1993 à Saint-Étienne du Rouvray, un hommage lui fut rendu , le 14 janvier, au crématorium de Rouen, en présence de 500 personnes

Marié avec Julienne Bonnard, militante syndicale des PTT, comme lui ancienne auxiliaire des PTT avant guerre et militante de la JC, et ancienne déportée comme lui. La ville de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) donna leurs noms à une rue dans le quartier des Cateliers.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17177, notice BONNARD Yves, René, dit "Yvon" par Gilles Pichavant, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 3 mars 2019.

Par Gilles Pichavant

Julienne et Yvon Bonnard

SOURCE : Interview d’Yvon Bonnard en 1982, par le service des archives départementales de Seine-maritime, écoute en accès libre en salle de lecture. — Arch. de l’Union départementale CGT de Seine-Maritime, déposées aux Arch. Dép. de Seine-Maritime. — site Web http://www.ville-saintetiennedurouvray.fr/Les informations dieppoises, 31 juin 1947, fonds ancien de Dieppe. — Compte rendu in extinso du 37e congrès national de la CGT publié dans le supplément au n° 884 de Le Peuple, du 1er au 15 mai 1970. — Fondation pour la mémoire de la Déportation, Livre mémorial. — Association française Buchewald Dora et Kommandos, Yvon Bonnard. — L’Humanité, le 12 Janvier, 1993 — Renseignements et documents communiqués par Christèle Rahami en octobre 2018. — témoignages de Daniel Lallier.

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