THOMAZEAU Marcel

Par Alan Bernigaud, Gérard Leidet

Né le 14 octobre 1922 à Sainte-Lumine de Coutais (Loire-Inférieure, Loire-Maritime) ; tourneur de feuille, lithographe puis dirigeant de presse régionale ; militant communiste de Loire-Inférieure puis de Marseille (Bouches-du-Rhône), depuis 1942 ; résistant déporté ; secrétaire particulier de Marcel Paul.

Marcel Thomazeau était le fils de Félicien Thomazeau et de Marie Hervouet, ouvriers agricoles dans une région nantaise qu’il qualifiait lui-même de « pas très ouverte au progrès ». Il était le deuxième enfant d’une fratrie de dix. Après avoir obtenu son certificat d’études en 1934, alors qu’il devait parcourir douze kilomètres à pied chaque jour pour aller à l’école, il fut engagé dans une imprimerie comme tourneur de feuille puis devint lithographe. Là il fréquenta une certaine « aristocratie ouvrière » qui lui donna sa première éducation sociale et politique.

En novembre 1937, des grèves paralysèrent une partie du pays et l’imprimerie dans laquelle Marcel Thomazeau travaillait n’y échappait pas. Il prit part, alors, au mouvement, mais cela lui valut d’être immédiatement licencié. En effet, à l’époque, la loi Astier interdisait aux apprentis de faire grève, mais le jeune homme participa quand même au mouvement. Les manifestations finies, il se fit engager sur les chantiers navals et rencontra de nouveau des ouvriers qui consolidèrent ses convictions politiques. Syndiqué à la CGT, Marcel Thomazeau adhéra en outre à la Jeunesse Ouvrière Chrétienne (JOC) : « non parce que j’étais catholique, mais parce que dans ce pays de c…, le seul moyen d’aller faire du sport ou assister à des conférences, était d’entrer à la JOC », pensait-il.

Vers la fin de la guerre civile en Espagne, des républicains qui avaient fui le franquisme arrivèrent dans la région nantaise : « J’ai été ouvert à mes premières batailles politiques lors de la guerre d’Espagne », dira-t-il ensuite avant d’expliquer que lorsque l’Église se rangea du côté du Général Franco, il quitta la JOC et rejoignit des militants socialistes et communistes qui, ensemble, avaient fondé le comité d’aide à l’Espagne républicaine en 1938.

Au début de la guerre, en septembre 1939, Marcel Thomazeau n’avait pas encore 17 ans. Après un bref séjour à Toulouse, il revint à Nantes et se fit embaucher avec des amis communistes par l’entreprise allemande Henkel. Le patron – un ancien communiste – pointait pour eux afin qu’ils touchent leur salaire sans toutefois se rendre régulièrement au travail : « Nous avons pu fonder le premier groupe de Résistance de la région et l’ironie du sort était que nous étions ainsi financés par les Allemands. Autre avantage de cette entreprise, nous avions des ausweise (laissez-passer) pour accéder à l’aéroport de Nantes ce qui fut très pratique lorsque nous avons commencé des actes de sabotage », relata l’ancien résistant. Bientôt les membres de son groupe se procurèrent des pistolets et de la dynamite, puis se formèrent au maniement des armes avec l’aide de jeunes espagnols qui avaient fui le franquisme quelques années auparavant : « Nous avons fait sauter à plusieurs reprises des lignes électriques et des ponts, en même temps que d’autres actes de sabotage ». Plusieurs membres du groupe allaient ensuite abattre le plus haut gradé nazi de la région, le colonel Hotz ; mais si cette action fut marquante pour la Résistance, elle entraîna l’exécution immédiate d’une cinquantaine d’otages et une accentuation de la répression des autorités allemandes.

En 1942, Marcel Thomazeau faisait partie du triangle de direction des Jeunesses communistes de Loire-Inférieure avec Pierre Le Floch et Marcel Brégeon. Arrêté avec une centaine de militants communistes, il fut condamné par la section spéciale de la cour d’appel de Rennes le 11 février 1943 à sept ans de travaux forcés pour faits de Résistance. Plusieurs dizaines de membres du réseau furent condamnés à mort immédiatement, dont son frère Félicien Thomazeau, accusé au « Procès des 42 » et fusillé au Bèle le 13 février 1943.

Il avait croisé sa femme lorsque celle-ci fut arrêtée par deux policiers, fin juillet 1942, à son domicile de Chantenay (Loire-Inférieure). Elle fut libérée en août 1942, quand il était emprisonné, et retourna vivre chez ses parents.

Marcel Thomazeau purgea sa peine d’abord en prison, puis au bagne de Fontevraud avant d’être ensuite déporté à Blois, où il partagea la cellule de Marcel Paul. Les deux détenus devinrent amis, et il aida Marcel Paul en communiquant les documents écrits par ce dernier en prison à des gardiens qui les transmettaient à l’extérieur. Il ne resta que quelques mois à Blois avant d’être envoyé au camp de concentration de Compiègne, puis déporté définitivement à Mauthausen, enfin à Gusen II « dans des conditions aussi effroyables qu’inhumaines », indiqua-t-il avec émotion. Il fut libéré le 5 mai 1945.

Après sa libération du camp, en juillet 1945, il ne pesait plus que 34 kilos et avait contracté une tuberculose pulmonaire. Les autorités ne l’autorisèrent pas à rentrer en France par crainte d’une crise sanitaire. Il fut alors envoyé dans un sanatorium, situé dans la Forêt Noire, afin de s’y faire soigner. Le 2 janvier 1946, Marcel Thomazeau arriva enfin à Paris où il fut accueilli par son ami Marcel Paul, devenu Ministre de la Production industrielle depuis novembre 1945.

Le ministre communiste l’hébergea puis en fit son secrétaire particulier l’obligeant ainsi à effectuer des déplacements chaque semaine à Limoges afin de recueillir les doléances des citoyens de Haute-Vienne, sa terre d’élection - Marcel Paul fut député de la Haute-Vienne de 1945 à 1947 - pour les faire remonter à Paris. Lorsque les ministres communistes furent écartés du gouvernement Blum en décembre 1946, le PCF proposa à Marcel Thomazeau de devenir député à l’occasion des législatives qui suivirent, mais il refusa ne se sentant pas une âme d’élu. Il fut alors propulsé directeur du journal Le Travailleur du Limousin en 1947, puis un an plus tard, il devint dirigeant de l’Écho du centre. Il y resta douze années. Désireux de quitter la région, Marcel Thomazeau prit la direction du journal Liberté à Lille, en 1960. Mais, ne supportant plus « le climat humide du Nord », il demanda au parti de pouvoir poursuivre son engagement à Marseille. Ce fut chose faite en 1965 lorsque qu’il entra à la direction de La Marseillaise. Il y poursuivit sa vie professionnelle jusqu’en 1984, date à laquelle il prit sa retraite, à l’âge de soixante-deux ans.

Au début des années 2000, Marcel Thomazeau assista par hasard à une rencontre durant laquelle un ancien déporté témoignait de son parcours et de ses épreuves face à des collégiens participant au Concours national de la Résistance et de la Déportation. Ce fut une révélation et l’ancien Résistant et déporté à Mauthausen et Gusen II, décida de faire de même en allant dialoguer avec les nouvelles générations « pour que jamais personne n’oublie ».

Issu d’une famille modeste, Marcel Thomazeau qui ne voulut jamais être mis en lumière et fut tour à tour jeune apprenti rebelle, ouvrier, résistant, déporté, militant communiste ou encore dirigeant de presse avait un dernier combat à mener. Pendant près de quinze ans, il aura transmis, chaque année, à plusieurs centaines de collégiens des Bouches-du-Rhône, son parcours dans la Résistance durant l’occupation, et son expérience de l’enfer des camps, car disait-il, « ces enfants ont leur avenir devant eux. […] Quand on voit le contexte actuel, il y a beaucoup de ressemblance, notamment la peur des autres… » précisait-il. Il continua ainsi ce qui fut finalement le combat de sa vie : la lutte contre le fascisme et la nazisme.

Marcel Thomazeau s’était marié le 11 février 1941 à Rezé (Loire-Atlantique) avec Jeanne Sie, dont il divorça en octobre 1946, et avec qui il eut un garçon. Il se maria en secondes noces le 12 octobre 1953 à Limoges (Haute-Vienne) avec Geneviève Bart, dont il divorça en mai 1963 ; le couple eut un garçon et une fille. Puis il se remaria le 8 novembre 1963 à Lambersart (Nord) avec Anne-Marie Andres, avec qui il eut deux garçons et une fille.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article171959, notice THOMAZEAU Marcel par Alan Bernigaud, Gérard Leidet, version mise en ligne le 28 avril 2015, dernière modification le 15 octobre 2021.

Par Alan Bernigaud, Gérard Leidet

SOURCES : Guy Haudebourg, Nantes 1943. Fusillés pour l’exemple, La Crèche, Geste éditions, 20014. — Site de la FMD. — « Marcel Thomazeau. Une vie sous le signe de la Résistance », Alan Bernigaud (La Marseillaise, le 17 février 2016. – Entretien de Gérard Leidet avec le militant, 5 mai 2016. — Notes de Guy Haudebourg, de Claude Pennetier et de Michèle Abours. — État civil.

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