SOUQUET Jacques, Jean, Julien [« Empereur », pseudonyme de Résistance]

Par André Balent

Né le 26 août 1896 à Céret (Pyrénées-Orientales), mort à Céret (Pyrénées-Orientales) le 2 octobre 1977 ; ingénieur des TPÉ ; une des figures de la Résistance de Céret (MUR, membres de réseaux de passages vers l’Espagne et de renseignement) ; membre du CLL de Céret ; maire de Céret (août-octobre 1944- mai 1945).

Jacques Souquet
Jacques Souquet
collection André Balent

Jacques Souquet était le fils de Pierre Souquet cultivateur domicilié à Céret, rue du Barri et de Rose Pomarole son épouse. Tous deux étaient âgés respectivement de trente–trois et trente-deux ans en 1896. D‘après sa petite-fille, il s’agissait d’ « une famille très pauvre ». Il était apparenté à Joseph Parayre, sénateur socialiste des Pyrénées-Orientales (1935-1940) et à la militante enseignante Lucette Justafré dont la mère, née Souquet, était propriétaire de Grand Café très fréquenté par les artistes d’avant-garde qui peu avant la Première Guerre mondiale, firent de Céret une de leurs villes favorites.

Il suivit ses études primaires à Céret à l’école libre des « Frères » pourtant fréquentée — si nous suivons ce que raconte Michel Sageloli dans ses mémoires citées dans les sources — par les garçons de la bourgeoisie locale. Le registre matricule du recrutement militaire indique que son degré d’instruction était de niveau 3, c’est-à-dire qu’il avait reçu « une instruction primaire plus développée » sans toutefois avoir obtenu le brevet de l’enseignement primaire.

Mobilisé le 8 avril 1915, il fut incorporé le 12 avril et arriva au corps, le 122e régiment d’infanterie (RI) de Rodez (Aveyron) le lendemain. Soldat de 2e classe il fut envoyé au front le 10 décembre 1915. Son régiment participa en 1915 à l’offensive de Champagne et en 1916 à la bataille de Verdun (Meuse). Il fut muté le 22 avril 1916 à la 3e compagnie du 78 RI (régiment de Guéret, Creuse) qui combattait alors également à Verdun. Du 28 avril au 24 juin 1916, il participa à la bataille de Verdun. Puis après un repos avec son régiment à Soissons (Aisne), du 13 au 27 juillet, il fut muté au Chemin des Dames (Aisne) dans un secteur alors calme du front. Le 3 octobre, 78e RI participa à son dernier combat en France à Soissons. Le régiment fut ensuite muté en novembre 1917 sur le front italien, en Vénétie. Du 10 février au 8 mars 1918, il participa aux combats sur le Piave, à Pederobba (Vénétie). Du 23 avril au 11 septembre, il participa contre les Austro-Hongrois à de durs affrontements sur l’Altopiano d’Asiago, dans les Alpes vénitiennes (province de Vicenza). Finalement, du 27 octobre au 8 novembre 1918, Souquet fut engagé avec son unité sur le Piave, à Feltre et nouveau à Pederobba. Son régiment demeura en Italie du Nord jusqu’en juillet 1919. Il fut démobilisé le 19 septembre 1919. Dans son Carnet dont de courts extraits sont consultables sur Internet, il révéla des talents de cartographe, avec par exemple une carte manuscrite des positions de son unité à Verdun. Sa participation aux combats d’Asiago et du Piave lui valut une citation : « Signaleur de bataillon a toujours rempli ses fonctions avec calme et courage notamment sur l’Altipigno (sic pour « Altipiano d’Asiago ») et pendant la dernière offensive au-delà du Piave ». Il fut décoré de la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Il revint ensuite s’installer à Céret où il se maria le 21 novembre 1923 à Céret avec Angèle, Thérèse, Catherine Figuères. Il eut un fils et une fille. Sa petite-fille, Camille Montacié née Mach, professeur d’histoire-géographie, adhérente du PS, fut conseillère municipale du 3e arondissement de Paris. Elle occupa les fonctions de premier adjoint de cet arrondissement de 2008 à 2014.

Sa carrière professionnelle de fonctionnaire se déroula au Service vicinal des Pyrénées-Orientales puis au service des Ponts–et-Chaussées lors de la disparition des services vicinaux départementaux et leur fusion avec cette administration de l’État prévue par la loi du le 15 octobre 1940 et effective au 1er janvier 1941. Agent voyer du service vicinal, il termina sa carrière comme ingénieur des travaux publics de l’État. Le 11 juin 1921, il fut nommé à Perpignan (Pyrénées-Orientales) où il résida successivement rue du 14 juillet puis rue Oliva.. Le 13 janvier 1925, il devint agent voyer cantonal à Olette (Pyrénées-Orientales). Le 27 septembre 1927, il fut muté à Arles-sur-Tech (Pyrénées-Orientales), puis le 11 mars 1933 à Céret, sa ville natale. Il y termina sa carrière.

Entre les deux guerres, Jacques Souquet, sympathisant de la gauche ne s’engagea pas dans les rangs d’un parti politique. Nous ignorons s’il était affilié à un syndicat. Nous savons qu’il suivait avec intérêt l’intense vie culturelle de sa ville natale groupant à la fois des personnalités locales et des artistes de renom qui, pour certains, s’y établirent.

Ce fut dans l’action clandestine de la Résistance que Jacques Souquet s’illustra. Il s’engagea tout d’abord dans le mouvement Combat. Joseph Rous [de Puyvalador], deuxième chef départemental de Libération-Sud, affirma dans le discours qu’il prononça aux obsèques de Jacques Souquet que ce dernier avait adhéré à ce mouvement de résistance, ce qui est infirmé par toutes les autres sources. Par la suite après la fondation des MUR, il en devint l’adjoint au chef (Edmond Barde, de Palalda) pour l’arrondissement de Céret. Il participa également aux activités de l’AS créée à Céret en 1943 et placée sous l’autorité de Pierre Mau. Bientôt, cas rare dans l’histoire de la Résistance, toutes les tendances politiques, mouvements et réseaux de Céret agirent de concert ayant décidé de taire leurs éventuels désaccords. La ville jouait un rôle essentiel d’étape pour les réseaux de renseignements et de passages clandestins vers l’Espagne. Ces derniers permirent l’évasion vers l’Espagne de nombreux fugitifs parmi lesquels 340 réfractaires au STO (Voir en particulier Jacques Piquemal, François Dabouzi). Jacques Souquet fut, un agent de la filière d’évasion et de renseignements utilisée par plusieurs réseaux. Il fournit ainsi les plans des travaux de défense allemands sur la frontière espagnole entre le Perthus et Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales).

Au début de 1944, il fut l’un des membres du Comité d’entente de la Résistance cérétane, organisme unitaire regroupant toutes les tendances et mouvements, non comunistes et communistes. Firent aussi partie de cet organisme qui prépara la Libération de la ville et d’une partie du Vallespir : Edmond Barde, de Palalda, mais en contact permanent avec les Cérétans (Libération sud, socialiste) ; Jean Coste ; Pierre Mau (Combat puis Libération sud, AS, socialiste puis communiste) ; François Mas (Libération-sud, AS, socialiste) ; Adrien Malart (Combat, AS) ; Noël Figuères (Libération-sud, socialiste) ; Pierre Fons (Combat, AS) ; Pierre Berdaguer (FTPF, communiste) ; Férréol Matheu (Front national, communiste).

Avec Jean Jorda et Robert Benabencq d’Arles-sur-Tech, il fut un de ceux qui assurèrent le ravitaillement et l’armement du « maquis 44 », organisé de façon unitaire par l’AS et les FTPF cérétans et avec le renfort de guérilleros issus du maquis (AGE) du Canigou dans les Hautes Aspres près de Saint-Marsal (Pyrénées-Orientales). Le décret pour l’attribution de la Croix de guerre avec palme (5 janvier 1955) signale qu’il participa les 4 janvier et 8 avril 1944 au transport d’explosifs pris aux Allemands et qu’il a camouflé trente-six ouvriers dans ses chantiers des Ponts-et-Chaussées, leur évitant ainsi le STO. Son action dans la Résistance lui valut la médaille militaire et la Croix de guerre avec palme (7 janvier 1955) et la médaille de la Résistance (décision du 31 juillet 1968).

Jacques Souquet fut désigné comme président du Comité local de Libération de Céret (19 août 1944) qui intervint après le combat du Pont de Reynès (Voir Gandia Lorenzo Rafael) auquel participèrent des éléments du maquis 44 commandés par Adrien Malart et des guérilleros de l’AGE. À ce titre, il dirigea la municipalité provisoire de Céret qui fut officiellement installée par un arrêté du préfet Jean Latscha (14 octobre 1944) qui prenait acte des propositions du CDL (Voir Fourquet Camille). Le poste de maire était attribué à Jacques Souquet. La majorité des membres du conseil municipal étaient tous issus de la Résistance. Seuls cinq élus de 1935 intégraient la nouvelle municipalité. L’un d’eux, Jean Coste (SFIO) avait été un des résistants de la première heure. Il fut désigné 4e adjoint au maire. Henri Guitard, élu radical de 1935 aux côtés d’Onuphre Tarris maire, adhérent à la SFIO en 1944, n’avait pas été un résistant actif, mais il accédait au poste de premier adjoint. Jean Guisset (SFIO) et Adrien Malart, deux résistants cérétans très actifs devinrent respectivement deuxième et troisième adjoints. À la tête de la municipalité cérétane, Jacques Souquet para au plus pressé alors que la guerre n’était terminée et que les problèmes de ravitaillement étaient prégnants. Il dut s’occuper en particulier de la défense du tribunal d’instance de Céret.

Le 18 mai 1945, ne s’étant pas présenté aux élections municipales, Jacques Souquet présida à l’installation du conseil nouvellement élu et à l’élection de son successeur, le communiste Gaston Cardonne qui obtint 21voix sur 22 votants.

Sympathisant de gauche, Jacques Souquet demeura en dehors de la vie politique active. Nous ignorons s’il adhéra à un parti. Il avait refusé de participer à nouveau à l‘action municipale, préférant se consacrer à ses activités professionnelles (dont, par ailleurs, sa ville bénéficia, selon Michel Sageloli).

Il prit sa retraite dans sa ville natale où il mourut en 1977. Il adhérait à plusieurs associations d’anciens combattants. Il était, en particulier, un membre de la section cérétane des des Combattants volontaires de la Résistance. Ses obsèques religieuses, en l’église Saint-Pierre, rassemblèrent une foule importante. Parmi les discours, remarquons celui de Joseph Rous [de Puyvalador]*, résistant et déporté, et celui de son vieil ami, le maire et conseiller général de Céret, Michel Sageloli (1899-1990)

Une rue de Céret porte son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172109, notice SOUQUET Jacques, Jean, Julien [« Empereur », pseudonyme de Résistance] par André Balent, version mise en ligne le 4 avril 2015, dernière modification le 2 juin 2016.

Par André Balent

Jacques Souquet
Jacques Souquet
collection André Balent
Jacques Souquet. Carte de combattant volontaire de la Résistance
Jacques Souquet. Carte de combattant volontaire de la Résistance
Collection André Balent
Jacques Souquet, soldat en Italie, mars 1918.
Jacques Souquet, soldat en Italie, mars 1918.
Archives de Camille Montacié, petite-fille de Jacques Souquet (site référencé dans les sources)

ŒUVRE : Carnet souvenirs 1916-1918, manuscrit inédit [sa guerre au 78e RI], références dans SOURCES

SOURCES : Arch. dép. Pyrénées-Orientales, 1 R532, f° 1444. — Arch. com. Céret, état civil, acte de naissance et mentions marginales ; registre des procès-verbaux des séances du conseil municipal. — L’Indépendant, Perpignan, 4, 5, 7 octobre 1977, avec, en particulier un article de Joseph Rous [Puyvalador]* et des extraits d’un discours de Michel Sageloli*. — Yves Duchâteau, La Mecque du cubisme 1900-1950, le demi-siècle qui a fait entrer Céret dans l’histoire de l’Art, Céret, Alter ego éditions, 2011, 361 p. [en particulier p. 337]. — Camille Fourquet, Le Roussillon sous la botte nazie. Année 1940-1944, tapuscrit inédit, s.d. [1965], pp. 193-194 [copie, Archives André Balent] en particulier pp. 193-194, le rapport de Jacques Souquet sur le combat du Pont de Reynès. — Ramon Gual & Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, II b, De la Résistance à la Libération, Prades, Terra nostra, 1998, pp. 514, 518, 580, 587, 828, 830 (photocopie de la copie de l’extrait du Journal officiel, du 7 janvier 1955, attribution de la de la médaille militaire, de la Croix de guerre avec palme à Jacques Souquet), 831. — Jean Larrieu, Vichy, l’occupation nazie et la Résistance catalane, I, Chronologie des années noires, Prades, Terra nostra, 1994, p. 240. — Michel Sageloly [Sageloli], Le XXème siècle à Céret où je suis né au Moyen-Âge, Céret, Presses du Courrier de Céret, 2000, 191 p. [en particulier, pp. 112-115]. — Jacques Souquet, courts extraits de son Carnet souvenirs 1916-1918, sur le site référencé ci-après. — site http://www.europeana1914-1918.fr, consulté le 3 avril 2015, documents et synthèse de sa participation à la Première Guerre mondiale par la petite-fille de Jacques Souquet, Camille Montacié.

ICONOGRAPHIE : Gual & Larrieu, op. cit., 1998, p. 580 ; p. 586, banquet de la victoire du « maquis 44 » au mas Cremat (commune de Prunet-et-Bellpuig), photo de groupe peu après la Libération ; photographie de groupe de résistants cérétans, Céret, 6 juin 1945.

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