BONNET Jacques [BONNET Pascal, Louis, Jacques]

Par Tangi Cavalin

Né le 30 décembre 1906 à Arles (Bouches-du-Rhône), mort le 19 janvier 1988 à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) ; prêtre du diocèse d’Aix-en-Provence ; aumônier régional JOC/F (1937-1949) ; aumônier national d’Action catholique ouvrière (1950-1959), secrétaire national de la Mission ouvrière (1957-1963).

Fils d’un employé du chemin de fer d’Arles, Jacques Bonnet grandit dans une atmosphère de piété religieuse entretenue par sa mère qui le prépara dès l’enfance au sacerdoce. Il fut ordonné prêtre en juin 1929. Nommé vicaire dans le port industriel de Port-de-Bouc, alors terrain d’affrontement entre le Parti communiste et la droite maurassienne, il fut responsable du patronage Frédéric Mistral sur lequel il s’appuya pour recruter les premiers membres de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) locale. Son ascension dans la carrière ecclésiastique fut rapide et sa personnalité haute en couleur, son humour caustique ainsi que sa diplomatie l’imposèrent rapidement auprès des militants et des prêtres du diocèse. Dès 1934, il devint vicaire de la cathédrale Saint-Sauveur à Aix-en-Provence et, en juillet 1937, bénéficiant du soutien de Mgr Clément Roques pour les mouvements d’Action catholique spécialisée, il fut mis à la disposition de la direction des œuvres qui coordonnait l’ensemble des activités apostoliques du diocèse. Il accéda en même temps à la responsabilité d’aumônier régional de la JOC, fonction qui l’amena à côtoyer, au-delà des limites de son diocèse d’origine, l’ensemble des aumôniers du sud-est, en particulier ceux de Marseille.

Mobilisé en septembre 1939 comme lieutenant dans les chasseurs alpins, il reprit ses fonctions d’aumônier diocésain et régional JOC/F à l’été 1940, auxquelles s’ajouta, en 1941, celle de conseiller ecclésial du Mouvement populaire des familles (MPF). Représentatif d’un catholicisme social ouvert, influencé par la pensée du philosophe aixois Maurice Blondel, dont il vulgarisa les thèses sur L’Action pour les militants ouvriers chrétiens, lecteur du journal démocrate-chrétien, L’Aube, qu’il diffusa, Jacques Bonnet adopta, à l’égard du régime de Vichy, une attitude critique, qui s’opposait à celle de son évêque, Mgr Florent du Bois de la Villerabel. Refusant d’assister à la cérémonie religieuse donnée en l’honneur du maréchal Pétain lors de sa visite à Aix en 1941, il manifesta son soutien et fournit des appuis aux jeunes catholiques qui s’engageaient dans des actions de résistance, ce qui lui valut, à la Libération, de voir son nom inscrit sur la liste des prêtres que le nouveau gouvernement aurait souhaité voir promouvoir à l’épiscopat dans le cadre d’une épuration qui, finalement, n’eut pas lieu.

Devenu chanoine (1942) et directeur des œuvres (1945), Jacques Bonnet organisa, dans la maison diocésaine des « Genêts », située sur la route du Tholonet, des rencontres entre laïcs, aumôniers MPF et les acteurs du mouvement missionnaire, comme le dominicain Jacques Loew*, docker à Marseille, ou René Voillaume* à qui il allait faciliter l’implantation (1947) de la première fraternité ouvrière française à Aix. Mais, surtout, ayant constaté l’implication du MPF dans les combats ouvriers aux côtés de non-chrétiens et parfois même de membres du Parti communiste, il s’efforça de repenser le rapport entre prêtres et laïcs. Cette tâche lui apparut d’autant plus urgente qu’un nombre croissant de militants du MPF, en particulier dans la région marseillaise où ils pesaient peu face aux communistes, supportaient de plus en plus mal la tutelle cléricale. Alphonse Garelli*, que Jacques Bonnet avait formé à la JOC et qui était alors permanent du MPF, était représentatif de cette évolution. Pour éviter une déconfessionnalisation brutale, il défendit dans la revue des aumôniers Liaison-Lettre pratique (juillet-août 1945) et dans Masses ouvrières (octobre 1945), la nécessité d’un renouvellement de l’action sacerdotale. Il prônait que le prêtre devait renforcer la formation spirituelle des militants à qui était reconnue, par ailleurs, la responsabilité de leurs engagements sur le terrain.

À partir de 1949, confronté à l’écart grandissant des affiliations syndicales ou politiques des ouvriers catholiques, il plaida dans les réunions nationales d’aumôniers pour une stricte séparation entre le MPF, désormais considéré comme une organisation parmi d’autres, et un nouveau regroupement des catholiques diversement engagés (de la CFTC à la CGT). Il souscrivit à la vocation d’une Action catholique ouvrière (ACO) qui devait être seulement apostolique. S’opposant aux aumôniers du Nord, tenants du maintien d’un lien préférentiel entre le MPF et la nouvelle ACO, il s’imposa dans ces débats comme le représentant d’une tendance incontournable. Son point de vue rejoignit celui de la hiérarchie, soucieuse de préserver les distinctions en vigueur entre le temporel et le spirituel. Lors de la fondation de l’ACO en mars 1950, il devint aumônier national du nouveau mouvement sur la requête de Mgr Guerry*, qui allait être responsable de la commission épiscopale du monde ouvrier (CEMO).

Bonnet s’employa dès lors, à l’échelle nationale, à faire accepter ce regroupement des ouvriers chrétiens auprès des laïcs et des prêtres, entreprise dans laquelle il se heurta à la diversité de leurs attitudes. En octobre 1952, l’Assemblée des cardinaux et archevêques (ACA), inquiète de l’engagement des prêtres-ouvriers dans le mouvement syndical, ajouta à son mandat d’aumônier national celui de « coordonnateur » de l’ensemble des efforts d’évangélisation des ouvriers. Ainsi, toute la mission ouvrière en France fut progressivement réorganisée autour de l’ACO et, lorsque les prêtres-ouvriers furent contraints par Rome de quitter le travail en usine en mars 1954, la recherche de formules de remplacement lui incomba. Il obtint, à ce titre, l’assentiment de l’ACA, en mars 1957, pour créer un secrétariat national de la mission ouvrière (SNMO) dont la compétence s’étendit jusqu’aux instituts religieux. Il ne parvint cependant pas à dissuader Mgr Feltin de l’opportunité de demander au Vatican, en mai 1959, une autorisation du travail à plein temps pour les prêtres. La réponse romaine, négative, lui apparut comme une atteinte à sa fonction de coordonnateur, alors que ses divers mandats nationaux touchaient à leur fin.

Nommé « Prélat de Sa Sainteté » par Jean XXIII en février 1960, il vit son mandat au SNMO maintenu jusqu’à l’été 1963. À cette date, il rejoignit le diocèse d’Aix-en-Provence avec le titre de vicaire général, responsable de la zone apostolique de l’étang de Berre où il s’attacha à la création d’un secteur de mission ouvrière. En 1978, il fut relevé, à sa demande, de ses fonctions d’archidiacre et de curé de Meyreuil et s’installa au foyer Saint-Jean d’Aix-en-Provence.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17217, notice BONNET Jacques [BONNET Pascal, Louis, Jacques] par Tangi Cavalin, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 28 juin 2012.

Par Tangi Cavalin

SOURCES : Archives du Centre national de l’Église de France, fonds SNMO. — Archives du diocèse d’Aix-en-Provence. — Archives du diocèse de Cambrai, fonds Guerry. — Collection du bulletin religieux du diocèse d’Aix (successivement Semaine religieuse d’Aix, Vie diocésaine (d’Aix) puis Église d’Aix et d’Arles). — André Latreille, De Gaulle, la Libération et l’Église catholique, Paris, Le Cerf, 1978. — Joseph Debès, Naissance de l’Action catholique ouvrière, Paris, Les Éditions ouvrières, 1982. — Roger de la Pommeraye, Aux frontières du royaume, Paris, Le Centurion, 1992. — Jean-Claude Pouzet, La Résistance mosaïque, Marseille, Éditions Jeanne Laffite, 1990. — Geneviève Dermenjian, « Dans le combat ouvrier. Le MPF dans les Bouches-du-Rhône, 1941-1951 », Les Cahiers du GRMF, 13, 2004.

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