BONTE Florimond, Paul, Denis, Louis, Joseph

Par Yves Le Maner, complété par Claude Pennetier

Né le 22 janvier 1890 à Tourcoing (Nord), mort le 19 novembre 1977 à Fleury-Mérogis (Essonne) ; instituteur de l’enseignement catholique, métreur en Bâtiment, puis publiciste ; successivement militant démocrate-chrétien, socialiste, communiste ; l’un des fondateurs du Parti communiste dans le Nord ; secrétaire de la Fédération communiste du Nord (1923), secrétaire de la Région Nord du PC (1924-1929 puis 1931-1933) ; membre du comité central (1926-1961) et du bureau politique du PC ; directeur du Prolétaire, de L’Enchaîné, puis rédacteur en chef de l’Humanité (1929-1931) et son correspondant à Moscou (1933-1934) ; directeur des Cahiers du Bolchevisme (1934) ; député de la Seine (1936-1940) ; délégué à l’Assemblée consultative provisoire à Alger (1943-1944) ; député de la Seine aux deux Assemblées nationales constituantes (1945-1946), puis à l’Assemblée nationale (1946-1958) ; directeur de France-Nouvelle (1945-1956), fondateur et directeur de Liberté.

L’itinéraire intellectuel de Florimond Bonte vers le communisme fut très différent de ceux suivis par la plupart des dirigeants historiques du PCF de la première génération.

Bien qu’il fut né à Tourcoing, l’un des grands fiefs du guesdisme où le socialisme s’était développé de bonne heure, il ne reçut aucun héritage idéologique de ses parents. Son père, ancien ouvrier tisserand devenu employé aux écritures, dans une maison tourquennoise et sa mère, ancienne ouvrière tisserande devenue concierge, étaient profondément croyants. Fl. Bonte fit ses études primaires chez les frères, puis secondaires au collège du Sacré-COEur à Tourcoing où son oncle, l’abbé Bonte, était professeur. Il y étudia de la sixième à la première et dut interrompre à la suite d’un accident au football. Il affirmait, dans son autobiographie, avoir le niveau de bachelier es sciences. Animé d’une solide foi catholique, Florimond entra au grand séminaire à l’âge de dix-huit ans. Ainsi, contrairement à la plupart des militants de sa génération, il ne connut pas le travail précoce en usine ni la misère des courées ou des corons. Adolescent, c’était déjà un intellectuel. Par d’abondantes lectures, et notamment par l’étude d’ouvrages historiques, il se forgea une idéologie mêlant la révolte à la foi qu’il avait étayée par une analyse personnelle des textes bibliques et des pères de l’Église. Depuis l’âge de quinze ans (1905), il avait adhéré au courant du socialisme personnaliste incarné par Marc Sangnier et, pendant les trois années qui précédèrent son entrée au séminaire (1908), il participa activement aux travaux du Cercle d’études sociales de Tourcoing où il fit la connaissance de J.-B. Denis* avec qui il resta par la suite toujours en relations. Il fit à cette époque ses premières années de militant en vendant à la criée Le Sillon et Le Pèlerin et en participant à des réunions contradictoires avec les Jeunesses socialistes. Il entra, dira-t-il dans son autobiographie de 1934, en opposition avec la jeunesse réactionnaire, participant à des mouvements sociaux comme une grève chez Leclerc-Oupire en 1906, les revendications des ouvriers chaisiers d’Halluin. Il entra ainsi en relation avec les ouvriers socialistes sont il aurait adopté « toutes les opinions générales » en dehors de la religion. Ce fut pendant la même période qu’il s’initia aux textes socialistes, à l’occasion de la controverse entre Jules Guesde et M. Sangnier.

La condamnation du mouvement sillonniste par le Pape Pie X en 1910 l’affecta profondément, et plus encore peut-être, la soumission de Sangnier à cette décision. Cependant, contrairement à ce qu’il indique dans ses mémoires (De l’aube à la lumière), sa conversion au socialisme fut bien postérieure. Devenu instituteur à l’école catholique de la rue de la Paix à Roubaix à sa sortie du séminaire, il opta par la suite pour le métier paternel d’employé de commerce et milita au syndicat chrétien des employés du commerce et de l’industrie de Roubaix-Tourcoing. Il qualifiait curieusement, en 1934, ce syndicat (futur composant de la CFTC) d’« autonome » et de « seul syndicat d’employés existant à cette époque à Roubaix ».À la veille de la guerre, il appartenait à la Jeune République de Sangnier et, en avril 1914, il portait encore la contradiction à Jules Guesde et à Jean Lebas dans une réunion socialiste organisée à Wattrelos : il condamnait à cette occasion « la lutte des classes », repoussait « le monopole de l’enseignement », rejetait « l’étatisme, l’État patron », défendait « la propriété privée » et « répliqua fièrement » à certaines interruptions anti-cléricales qui fusaient de l’auditoire (Journal de Roubaix, 25 avril 1914). Il professait à la même époque des idées ouvertement patriotiques et, lors de son incorporation en 1910, il s’était inscrit au peloton des élèves officiers à Belfort d’où il sortit sous-lieutenant à sa libération en 1913. En avril 1914, il épousa Marie-Thérèse Garent une ouvrière giletière, fille d’un menuisier, dont il eut deux enfants ; elle mourut prématurément en 1919 en donnant naissance à sa fille Marguerite. F. Bonte devait se remarier en 1922 avec Clara Germain, une confectionneuse, fille d’ouvriers qui tenaient en 1934 une petite bonneterie de détail. Elle lui donna un enfant et, sympathisante communiste, elle l’épaula dans l’ensemble de sa carrière politique.

Mobilisé le 1er août 1914, il fut affecté comme lieutenant au 45e régiment d’Infanterie. Blessé à Montmirail lors de la bataille de la Marne, en septembre 1914, il fut soigné pendant plusieurs mois à l’hôpital de la Roche-sur-Yon. Renvoyé au front en août 1915 comme lieutenant commandant de compagnie au 412e R.I., il participa aux batailles de Craonne et de la Pompelle avant d’être fait prisonnier à la butte du Mesnil, en Champagne, en janvier 1916.
Il lut, pendant sa détention, le Capital dans l’édition populaire de Karl Kautsky, Franz Mehring dans die Neue Zeit, Réforme et Révolution de Rosa Luxemburg. Il eut également des contacts avec des officiers russes prisonniers qui lui auraient donné ses premières leçons de marxisme. Enfin, il se lia au Parti indépendant (sans doute l’USPD) et prit une part active, pendant la révolution de 1918, à certaines délibérations du Conseil des ouvriers et soldats dans la région de Giessen.

Rapatrié à la fin de novembre 1918, il se retrouva à Limoges où il adhéra immédiatement à la section socialiste, c’est sans doute par erreur qu’il donna, dans un questionnaire de 1949, l’année 1917 comme date d’adhésion au... Parti communiste ! Il fit alors ses débuts de journaliste dans le Populaire du Centre, sous le pseudonyme de Pierre Flory, car il était toujours sous les drapeaux. Ce quotidien socialiste soutenait alors la tendance minoritaire et Bonte y prit abondamment parti pour la Révolution d’octobre et par les thèses léninistes. Démobilisé en juillet 1919, il travailla quelque temps comme métreur à Limoges puis regagna le Nord où il s’inscrivit à la section socialiste de Wattrelos que dirigeaient alors le maire de la commune, Henri Briffaut* et son adjoint, Florimond Lecomte ; quelques semaines plus tard, Fl. Bonte devenait le secrétaire de cette section qui allait jouer un rôle très actif tout au long du processus de scission au sein de la Fédération socialiste du Nord. Il exerçait alors le métier de métreur dans une grande entreprise de charpenterie et de menuiserie de Roubaix, profession qu’il revendiqua officiellement jusqu’en 1923. Ce fut également à la fin de l’année 1919 qu’il participa à la fondation de la Fédération du Nord de l’Association républicaine des anciens combattants (ARAC) et qu’il entra en contact, à cette occasion, avec l’instituteur d’Hellemmes, Clotaire Delourme*, premier porte drapeau du communisme dans le Nord. Ce dernier proposa à sa section, en janvier 1920, de créer un hebdomadaire, intitulé Le Prolétaire en vue de défendre les principes prônés par l’Internationale communiste et ce, au nom de quelques sections de la banlieue lilloise gagnées aux thèses bolcheviques.
Un comité de rédaction de cinq militants se forma alors avec Delourme, Bonte, Émile Mayer, Jean Dewoldre et François Dumortier ; malgré de grosses difficultés financières, le premier numéro du Prolétaire parut le 14 février 1920 et connut bientôt une audience régionale. Délégué au congrès de la Fédération SFIO du Nord qui eut lieu à Lille en janvier 1920, Bonte était porteur d’un mandat de la section de Wattrelos qui s’était prononcée à l’unanimité par le retrait immédiat de la IIe Internationale et pour l’adhésion de l’IC. Bonte et Delourme fondèrent dans le courant de l’année 1920 le Comité de la IIIe Internationale du département du Nord et ils figurèrent tous deux parmi les signataires de la résolution d’adhésion à la IIIe Internationale, publiée dans le Bulletin Communiste du 4 novembre 1920. Pendant l’année 1920, Bonte et Delourme assurèrent pratiquement à eux seuls la rédaction du Prolétaire qui cessa de paraître, faute d’argent, le 10 juillet, mais put reprendre dès le 10 octobre 1920 grâce à de lourds sacrifices personnels consentis par certains militants et notamment par J. Hentgès*. Consacrant la totalité de ses loisirs à la propagande, Fl. Bonte anima des dizaines de meetings et de conférences dans tous les centres ouvriers du département, recevant parfois l’aide de militants parisiens et notamment de Paul Vaillant-Couturier dont il combattra plus tard les thèses au sein du PC. L’année 1920 fut également pour l’intellectuel Florimond Bonte celle des premiers contacts avec les anciens en lutte : il prit la parole dans la plupart des réunions organisées pendant les grands mouvements de grève qui animèrent alors la région Nord. On le vit dans le bassin minier, parmi les métallurgistes en grève pour soutenir leurs camarades du Havre, à la porte des usines textiles de Roubaix et il intervint à plusieurs reprises dans les dépôts de la région lilloise au cours de la grève des cheminots de mai 1920, faisant preuve de dons oratoires et de talents d’agitateur qu’il avait rodés pour la première fois lors du conflit de la firme textile Leclercq-Dupire à Wattrelos, à la fin de l’année 1919.

Ce fut dans cette prodigieuse tourmente qui précéda la scission qu’il rencontra pour la première fois un autre propagandiste débutant, Maurice Thorez* dont il allait être par la suite l’un des fidèles parmi les fidèles.
Délégué par sa section au congrès fédéral du Nord, réuni à la Bourse du Travail de Lille le 19 décembre 1920, il figura évidemment parmi les 462 mandats en de la motion Cachin-Frossard qui devança nettement la motion Longuet-Paul Faure (247 voix) et celle de Léon Blum* (23). Il vit se réaliser à Tours la scission qu’il avait pratiquement souhaitée afin, pensait-il, de pouvoir donner un acte de naissance purement révolutionnaire au nouveau parti, débarrassé des démons du réformisme que personnifiaient dans le Nord J.-B. Lebas* et Roger Salengro*. À son retour dans le Nord au début de janvier 1921, il chercha à structurer la majorité, conscient de l’importance des atouts qui conservaient les tenants du « Vieux Parti » qui s’appuyaient sur les gros bataillons des ouvriers du textile de la région lilloise restés fidèles à Amsterdam. A l’issue de la conférence fédérale de Lille du 30 janvier 1921, qui entérina la scission, la Fédération SFIC du Nord fut officiellement constituée et le Prolétaire en devint l’organe de presse départemental et bientôt régional. Arthur Pierpont*, secrétaire général provisoire, avait à ses côtés Delourme (secrétaire adjoint), J. Hentgès (trésorier) et Tiber (trésorier adjoint) ; bien qu’il n’appartint pas au bureau, Bonte faisait figure d’« éminence grise » de la jeune Fédération. Quelques semaines plus tard, en mars 1921, se tint le premier congrès de la Fédération communiste du Nord, à la Bourse du Travail de Roubaix. Florimond Bonte y fut élu à la commission administrative fédérale avec Boudère (?), Bachelet, Brodel, Brunet, Capelle, Corbeau, Davroux (?), Delaune, Duhayon, Dewoldre, Guironnet, Hentgès, Jerram, Kimpe, Laboureau, Moniot, Musmeaux, Nuttin, Pierpont, Sandras, Sarot, Turquin et Tellier ; on trouve dans cette liste la quasi totalité des militants qui allaient faire vivre, à divers titres, la Fédération pendant l’entre-deux-guerres (parmi les absents figure notamment Ramette, alors débutant). Déjà pratiquement militant professionnel, Fl. Bonte entreprit alors une double carrière au sein du PC : celle de cadre de l’organisation et celle de journaliste, de responsable de presse. Ses origines et sa formation intellectuelle ne lui permirent jamais d’accéder à des responsabilités syndicales, mais il joua, comme membre des CSR, néanmoins un rôle de tout premier plan pendant la période qui précéda la scission de la CGT. Il tenta en particulier de prendre le contrôle des syndicats du textile de la concentration Lille-Roubaix-Tourcoing restés presque unanimement fidèles aux leaders socialistes (Lebas, Huyghe). Armé d’une plume déjà acérée et brillante, il écrivait dans le Prolétaire du 12 juin 1921 : « L’orientation se dessine, l’hésitation n’est plus possible. Il faut choisir Amsterdam ou Moscou. Amsterdam c’est le manque d’espoir en une vie régénérée, c’est l’épuisement par le narcotique de réformes jamais réalisées, c’est la transformation du syndicat en une société de Secours mutuel, c’est la ruine du syndicalisme. Moscou c’est la confiance qui revient, c’est l’enthousiasme qui pénètre les masses par l’agitation perpétuelle, ce sont les effectifs qui grossissent, c’est le rassemblement des forces du prolétariat pour les luttes à visages découverts, c’est l’unité ouvrière réalisée pour le triomphe de la Révolution. Amsterdam ou Moscou - Réforme ou Révolution - Il faut choisir. » Malgré ce vibrant plaidoyer, les ouvriers du Nord choisissent massivement le refus de l’intégration à l’IC, inversant ainsi le rapport de force établi lors de la scission du Parti socialiste SFIO. Fl. Bonte épaula Henri Van den Neste* à qui avait été confiée la tâche de mettre en place les CSR dans le département du Nord et fut personnellement à l’origine, dans les premiers mois de l’année 1922, de la création de plusieurs syndicats affiliés à la CGTU dont l’existence resta par la suite toujours assez précaire. Considéré comme l’un des principaux leaders communistes du Nord, candidat aux cantonales de 1921 à Roubaix, Bonte faisait l’objet d’une étroite surveillance policière ; inscrit au carnet B depuis 1919 (il avait pris la parole, alors qu’il était toujours militaire, dans une réunion tenue à Bruyère-sous-Laon pour conseiller aux soldats de se livrer à des manifestations pour obtenir leur démobilisation immédiate et il avait fait hisser le drapeau rouge sur le clocher), il fit l’objet d’une enquête du ministère de la Guerre après ses articles, parus dans le Prolétaire, contre l’intervention française en Pologne en 1920 et après ses déclarations sur le même sujet lors du congrès de la Fédération socialiste du Nord, le 15 septembre 1920. Finalement, le 18 février 1922, il fut cassé de son grade d’officier de réserve par le tribunal militaire de Lille, pour « activité antimilitariste ».

Bénéficiant de la rapide ascension de Thorez, Fl. Bonte devint secrétaire de la Fédération communiste du Nord et, l’année suivante, il devint, aux côtés de Maurice Thorez, secrétaire de la Région Nord (1re région du PC) qui regroupait les départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme (ce dernier département en fut détaché en 1930). Rédacteur en chef du Prolétaire depuis 1921, il s’était déjà taillé une solide réputation de publiciste prolixe, volontiers sectaire, souvent féroce, notamment contre les socialistes, et plus particulièrement contre Roger Salengro. La violence de ses articles dans le Prolétaire contre l’occupation de la Ruhr par les troupes franco-belges entraîna l’interdiction du journal par un arrêté du ministre de l’Intérieur en date du 21 mai 1923. Tel Phénix renaissant de ses cendres, l’organe fédéral du parti pour le Nord reparut dès la semaine suivante sous le titre symbolique de L’Enchaîné, Bonte en demeurant le directeur-rédacteur en chef. La périodicité du titre varia au gré des ressources financières de la région : d’abord hebdomadaire comme le Prolétaire, il devint quotidien à partir du 1er octobre 1926. À cette date L’Enchaîné fonctionnait avec dix-sept rédacteurs répartis dans les trois départements de la région et tirait à 30 000 exemplaires. L’expérience ne dura que quelques mois et le journal reprit sa publication hebdomadaire jusqu’à sa disparition par interdiction ministérielle en 1939.

Chaud partisan et promoteur dans sa région de la « bolchevisation », Fl. Bonte fut élu au comité central du PC lors du congrès de Lille, en 1926, mais il assistait vraisemblablement aux réunions depuis 1924. Il est très possible qu’il accéda au bureau politique peu après, fort du soutien de Thorez et ce malgré plusieurs oppositions personnelles qu’il s’était attirées du fait de son caractère emporté et aussi de son « indépendance d’esprit ». Toujours en 1926, il fut avec Thorez, candidat aux élections législatives partielles du 12 décembre, organisées dans le Nord après le décès de trois titulaires. En 1927, la carrière de Bonte au sein de l’appareil du parti faillit être brisée : il fut en effet question de le traduire devant la commission de contrôle politique en vue d’une éventuelle exclusion. Plus que par des rivalités au sein du noyau dirigeant, cette menace provenait des « déviations » qui étaient apparues dans la Région Nord autour de Jerram et qui s’amplifieront plus tard avec la nomination de Jacob* au secrétariat régional. En ce qui concerne Bonte, il est connu aujourd’hui qu’il se prononça à la réunion du comité central du 11 janvier 1928 contre la ligne de « classe contre classe ». Dans son autobiographie, il reconnaissait avoir défendu au congrès de Saint-Denis de « 1928 » (qui eut lieu en réalité en 1929 : il doit confondre avec la réunion du C.C. de janvier 1928) au nom de la région du Nord le désistement, au second tour de scrutin, pour le candidat socialiste en l’associant à la dénonciation de la social-démocratie. Battu, il appliqua fermement la tactique classe contre classe. Quoi qu’il en soit, la procédure contre Bonte n’aboutit pas et il est certain que son exclusion aurait vraisemblablement entraîné le départ de nombreux militants fidèles à celui qui était alors le véritable leader régional. À nouveau battu aux législatives d’avril 1928 (dans la 8e circonscription de Lille), il fit partie, cette même année, de la délégation française au 6e congrès de l’Internationale à Moscou.

A cette occasion Bonte qui participe aux discussions sur la question française fit siennes les critiques émises contre les erreurs réformistes. En approuvant avec netteté la politique classe contre classe il se démarquait des prises de position qu’il avait pu prendre avec la fédération du nord tout en essayant de s’expliquer. S’il se prononça en faveur d’une direction homogène avec un bureau politique « resserré » il réclama une meilleure circulation de l’information, se référant significativement à la lettre. Optimiste, il considérait que l’ère des crises internes était dépassée mais souhaitait également que les rangs du CC soient moins fourni et qu’un secrétariat administratif soit instauré pour améliorer l’efficacité du travail de direction. Il estima devoir répondre aux critiques qui visaient la politique des communistes de la région Nord à l’égard des socialistes. Il reconnut avoir eu des doutes sur la nouvelle tactique électorale : « nous avons craint que cette tactique électorale n’amène une rupture entre nous et les ouvriers socialistes, nous avons craint de revenir à la première période, au moment où les ouvriers communistes se battaient contre les socialistes révolutionnaires et les confondaient avec les chefs SFIO. » Tout en se défendant de distinguer socialistes de gauche et de droite, il se félicita du travail opéré par l’extrême gauche socialiste et son journal l’Étincelle que le PCF soutenait. « je considère que ce groupe de l’Étincelle n’a pas encore joué tout son rôle, tout ce que nous attendions de lui. Ce groupe a, dans notre région du Nord, donné à des camarades un certain nombre d’arguments, il est, à l’intérieur de la social-démocratie un instrument de désagrégation de cette social-démocratie. »

Réélu au CC au congrès de Saint-Denis en avril 1929, rentré en grâce auprès de la direction du parti, il fut chargé de la reprise en main idéologique de la région Nord après la démission forcée de Jacob. Sa qualité de membre du CC lui valut de faire l’objet d’un mandat d’amener, en juillet 1929, peu après l’arrestation de Thorez et de la quasi-totalité du CC ; il réussit à s’enfuir en Belgique et regagna la France quelques semaines plus tard après l’annonce de l’abandon des poursuites contre lui.

Dans ce contexte de répression et de crise interne, la direction du PC et l’Internationale avaient besoin d’« hommes forts » pour redresser la situation. Appelé à Paris à la fin du mois d’août 1929, le CC le chargea de prendre la direction de l’Humanité. Ce fut un véritable « coup d’État ». Cette nomination hâtive mettait à profit l’incarcération de Paul Vaillant-Couturier*. Le 2 septembre 1929, Florimond Bonte, accompagné d’une vingtaine de militants musclés, investissait les locaux de l’Humanité et expulsait par la force les militants indésirables et notamment Delnoy, Digne, Guitard, Altman et Lucie Leiciague*. Marcel Cachin, qui tentait de s’interposer, s’inclina devant l’ordre écrit du BP que Bonte avait en poche. Il s’agissait donc de la résolution par la force d’un conflit entre la direction du parti et le triumvirat Cachin-Barbusse-Vaillant-Couturier qui était parvenu à faire remonter le tirage à 200 000 exemplaires, mais qui était accusé d’avoir fait du quotidien du PC un « journal de petits bourgeois et d’intellectuels ». L’IC suivait de près l’action de la nouvelle direction communiste française et son action à l’Humanité. Chargé de « combattre l’opportunisme » à la rédaction du journal, Bonte fut doté de pouvoirs quasi-dictatoriaux par le BP : il commença par limoger l’équipe de Vaillant-Couturier et « bolchevisa » l’Humanité. Paradoxalement, la nomination de Bonte fut assez mal accueillie dans le Nord. Cette promotion semblait avoir eu une motivation annexe, à savoir briser les velléités d’indépendance idéologiques que manifestait la région Nord sous l’impulsion de Bonte, ce dernier ayant dû tenir compte des volontés de la base. Le but recherché fut loin d’être atteint : le mécontentement contre la politique de la direction du parti reprit de plus belle et certains militants, notamment dans le Valenciennois, demandèrent le départ de Bonte du comité de rédaction de L’Enchaîné et de la direction de l’Humanité, jugeant Vaillant-Couturier plus apte à ce poste. Fl. Bonte devait rester rédacteur en chef de l’Humanité du 2 septembre 1929 au 17 juillet 1931, date à laquelle il fut remplacé par Pierre Laurent. Son règne à la direction du quotidien communiste coïncida avec l’application la plus stricte de la tactique « classe contre classe » qui entraîna la baisse du tirage à 160 000 exemplaires en 1931. Pendant son passage à la direction de l’Humanité, Fl. Bonte fit l’objet de multiples poursuites en justice : inculpé de « complot contre la sûreté intérieure de l’État » le 21 octobre 1929, le « Frère Florimond », ainsi que le surnommaient alors ses adversaires en raison de ses premières amours militantes, fut appréhendé à l’issue d’une manifestation à Lens (Pas-de-Calais), le 6 avril 1930, mais fut relâché au bout de quelques heures. Le 31 juillet de la même année, il fut arrêté à titre préventif, en compagnie de Simonin (secrétaire de la Fédération unitaire de l’Alimentation), de Desnots (membre du CC) et de Dumay (secrétaire de la Fédération des marins), alors qu’il préparait la journée d’action du 1er août 1930 (les rapports de police signalent qu’il utilisait alors le pseudonyme de Merlan dans ses communications téléphoniques et télégraphiques). Le départ de Bonte de la direction de l’Humanité aurait été motivé, outre la baisse du tirage, par des divergences de vues passagères (critique tardive de la tactique « classe contre classe » ?) qui seraient survenues entre l’intéressé et la direction du parti et plus particulièrement avec Thorez. Prétextant une « forte poussée prolétaire » dans le Nord (grèves du textile) et l’incarcération du secrétaire régional en titre, A. Ramette*, Bonte fut nommé secrétaire de la région et reprit la direction de L’Enchaîné ; Raoul Calas*, secrétaire de la région languedocienne, lui fut adjoint. La Région regroupait alors le Nord et le Pas-de-Calais, comprenait 21 rayons, 224 cellules et comptait plus 3 000 adhérents. Ayant fait acte d’allégeance idéologique à Thorez, Bonte fut réélu au CC lors du congrès de Paris en mars 1932.

Après un nouvel échec aux législatives d’avril, toujours dans la 8e circonscription de Lille, il partit pour Moscou en décembre 1932. Pourtant il affirmait dans son autobiographie, après avoir signalé sa participation en 1933 à des luttes de rues contre la garde mobile, avoir fait cette année là l’objet d’une contrainte par corps de six jours à la prison de Loos-les-Lille pour amendes non payées. Il se rendit à Moscou au printemps de 1933. Il y séjourna près de deux ans (1933-1934) comme correspondant permanent de l’Humanité ; il participa alors aux réunions des instances dirigeantes de l’IC soit qu’elles traitent des problèmes idéologiques et de propagande, soit qu’elles discutent de la situation française - de l’automne 1933 au printemps 1934. Il semble avoir été assez proche d’André Marty qui suivait de près l’activité idéologique du parti - ses éditions et sa presse. (réunion du 25 mars 1933 ou du 3 octobre, et 23 octobre-sur les éditions et la presse) - réunions du 3 juillet de la commission politique et du secrétariat du 11 février 1934) - Il participe également, quelques jours plus tards, le 17 février à la grande réunion du présidium consacré à la France. Cette expérience lui fut utile dans les nouvelles fonctions qu’il occupa à son retour en France.

Florimond Bonte fut affecté à la cellule de l’Imprimerie nationale à Paris et il donna pendant quelques semaines des cours d’« auto-défense » à l’école du rayon du XVe arrondissement. Nommé permanent appointé au secrétariat du parti au début de l’année 1935, il y fut chargé d’épauler J. Duclos à la propagande. Il supervisa la publication et l’édition du matériel de propagande et assura pendant une année (1935) la direction des Cahiers du Bolchevisme. Le congrès de Villeurbanne (janvier 1936) lui rendit « un hommage particulier pour son dévouement et les qualités techniques qu’il déploie comme collaborateur des services centraux de la propagande ». A l’issue du congrès, il fit porter l’essentiel de ses efforts sur la réalisation du Front populaire. Il semblerait que Bonte se soit rallié précocement à l’idée d’un front commun avec les socialistes et ce vraisemblablement au lendemain de l’échec cuisant enregistré par le PC dans le Nord aux législatives de 1932. En effet, en décembre 1932, en tant que secrétaire régional, il prit l’initiative d’un échange de lettres avec J.-B. Lebas*, secrétaire de la Fédération socialiste du Nord, en vue d’un rapprochement entre les deux formations. Mais il limitait alors ses propositions à la thèse qui venait d’apparaître à la direction du parti, à savoir l’organisation d’une grande controverse publique sur le problème de l’unité ouvrière. En 1936, il prit une part active aux travaux du Comité national de coordination socialistes-communistes et au Comité national de rassemblement populaire. Candidat aux élections législatives d’avril-mai 1936 dans la 2e circonscription du XIe arrondissement de Paris, il fut élu au second tour avec 9 212 voix contre 7 852 à Besset, député sortant, après avoir bénéficié du désistement du candidat socialiste. À la Chambre, Bonte s’inscrivit à la commission du suffrage universel et à celle des Affaires étrangères dont il fut élu secrétaire. Assurant, avec Ramette, une sorte de permanence du CC sur les bancs de l’Assemblée, il fut appelé à intervenir fréquemment en séance publique, notamment lors des débats sur la sécurité collective et le désarmement général. Ce fut également lui qui exprima l’opposition du PC aux accords de Munich en novembre 1938. En mai de cette même année, il avait effectué une tournée de conférence aux États-Unis sous le couvert de l’Ambassade de France. Malgré son intense activité parlementaire, il accomplit une importante œuvre sociale dans le XIe arrondissement, secondé par sa femme, en assurant en particulier la mise en place de structures d’accueil pour l’enfance et de groupements sportifs.

Resté fidèle à son parti lors de la signature du Pacte germano-soviétique, Fl. Bonte fut exclu de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, avec Gabriel Péri*, le 29 août 1939. Il se rendit alors en Belgique avec Ramette pour assister à une réunion extraordinaire de l’IC en présence de Thorez et de Clément (alias Fried), délégué de l’IC. Ce fut à lui, ainsi qu’à Ramette, deux fidèles de Thorez qu’échut la création du « Groupe Ouvrier et Paysan » à la Chambre des députés, le 27 septembre 1939 après la dissolution du PC le jour précédent. Bonte en fut nommé secrétaire général et Ramette président. À sa création, le nouveau groupe comprenait 43 de 75 députés communistes. Le 1er octobre 1939, Bonte et Ramette adressaient à Édouard Herriot, alors président de la Chambre, une lettre promise à la célébrité ; selon le Populaire, le leader radical en « tombe à la renverse »... Les signataires demandaient à Herriot d’intervenir auprès du gouvernement pour que le Parlement soit appelé à délibérer d’urgence car la France devait « se trouver incessamment en présence de propositions de paix » dues aux initiatives diplomatiques de l’URSS. Bonte et Ramette concluaient : « Nous voulons de toutes nos forces une paix juste et durable et nous pensons qu’on peut l’obtenir rapidement, car en face des fauteurs de guerre impérialistes et de l’Allemagne hitlérienne en proie à des contradictions internes, il y a la puissance de l’URSS qui peut permettre la réalisation d’une politique de sécurité collective susceptible d’assurer la paix et de sauvegarder l’indépendance de la France. » (voir texte intégral, in J. Fauvet, Histoire du Parti communiste, op. cit., pp. 41-42).). Cette lettre sur la base des informations fournis par les télégrammes de l’Ic a été rédigé par Ramette même si elle fut également signée par Bonte et Berlioz. (cote 495, 184,4) Diffusée parmi les journalistes parlementaires, la « lettre à Herriot » déclencha une campagne de presse d’une violence inouïe car elle faisait état d’informations transmises directement de Moscou à la direction du PCF sans que le gouvernement français en ait été averti. L’IC trouva cependant qu’elle manquait de fermeté en faisant une concession à un discours pacifiste : « Considérons lettre de Ramette à Herriot comme une erreur Communistes français ne peuvent prendre initiative ni responsabilité pour la conclusion de la paix par gouvernements bourgeois France Angleterre Allemagne parce que ce serait une paix impérialiste source des nouvelles guerres ».La conséquence immédiate de cette missive explosive fut de lancer la répression contre les militants du défunt PCF : le Groupe Ouvrier et Paysan fut déclaré illégal et, dès le 5 octobre, des mandats d’amener furent lancés contre ses membres, dont Bonte qui parvint à s’enfuir. Quelques jours plus tard, il fut contacté par Georgette Cadras, sœur de Félix Cadras* qui lui transmit une consigne de « mission politique suicide » émanant de Benoît Frachon* qui assurait alors avec Duclos la direction réelle du parti en état de clandestinité. Malgré le mandat lancé contre lui, Bonte fut chargé de lire un discours du GOPF désormais illégal à la rentrée parlementaire du 30 novembre 1939. Il parvint à entrer subrepticement au Palais Bourbon, mais des députés s’aperçurent rapidement de sa présence et Herriot lui demanda de sortir. Il commença à lire son discours, mais, après une véritable échauffourée, il fut entraîné hors de l’hémicycle et amené au quai des Orfèvres. À propos de cet épisode, Maurice Thorez devait le 13 février 1943 porter ce jugement sur Florimond Bonte (signature de Jean) : « Très courageux, s’est rendu à la Chambre le 30 novembre 1939, pendant la guerre, sur l’ordre du comité central, le but étant, par suite de l’arrestation certaine, de redresser l’attitude de nos députés face au tribunal. Bonte s’est montré batailleur et a rempli la tâche que le C.C. lui avait confiée ». Bonte tenta alors de se prévaloir de son immunité parlementaire, mais celle-ci fut immédiatement levée à la demande du général Hering, gouverneur militaire de Paris, agissant sur recommandation du gouvernement, et il fut incarcéré le soir même à la Santé. Son procès, ainsi que celui des 29 autres députés restés fidèles au PC commença le 20 mars 1940 devant le 3e tribunal militaire de Paris. Dans un télégramme envoyé à Tréand et Fried, Dimitrov appelle le PCF à populariser sa conduite courageuse (23 mars 1940, 495 184 3 81). Le 3 avril 1940, il fut condamné à cinq ans de prison et 5 000,00 F d’amende.
Le 1er octobre 1940, un an après la fameuse lettre à Herriot, il écrivit de la prison du Puy une longue missive au garde de Sceaux, au Maréchal Pétain et à Pierre Laval. « Nous avions raison de réclamer la paix » affirmait-il. « Nous avons droit à l’annulation de notre procès. Nous avons droit immédiatement à la liberté ». « Les hommes les plus responsables de la débâcle et leurs complices les plus proches ont été emportés dans son tourbillon. Notre peuple les connaît. Il les renie. Il les hait. Il les réprouve. Il les poursuit de ses malédictions. Mais, contraste qui heurte et qui blesse la conscience populaire. Trois mois après la signature de l’armistice les victimes de ces gouvernements indignes restent enfermés derrière les fils de fer barbelés des camps de concentration et (....) les portes verrouillées des prisons d’État. »
Transféré à la prison d’Angers pendant la débâcle (en compagnie de F. Billoux et d’E. Fajon), il connut en quelques mois les cellules de treize prisons (l’Île de Ré, Bordeaux, Tarbes, Toulouse, Le Puy, etc.). Finalement, il fut embarqué à Marseille le 25 mars 1941 pour l’Algérie où il fut d’abord détenu à la prison militaire d’Alger avant d’être transféré à Maison Carrée. Libéré le 5 février 1943 sur intervention du général de Gaulle, trois mois après le débarquement anglo-américain, Fl. Bonte fut nommé à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger, ville dans laquelle il fonda un hebdomadaire, La Liberté, dont il devint directeur rédacteur en chef. Avec F. Billoux, il anima la délégation du CC du PCF à Alger et fit notamment partie, le 28 mars 1944, de la délégation reçue par De Gaulle pour envisager l’entrée des communistes au GPRF, entrée qui fut effective le 4 avril.
En août 1944, il était considéré par Billoux et Marty comme un militant d’une « fermeté absolue, avant, pendant le procès, en 1940, en 1941, en 1942 et depuis la Libération. ». Marty notait cependant que pendant son séjour dans les prisons françaises il lui était arrivé de penser que l’Allemagne dominerait l’Europe, l’URSS et l’Asie.

Rentré à Paris en septembre 1944, Fl. Bonte y retrouva sa femme, membre du Comité de Libération de la capitale et maire adjoint du XIe arrondissement ; pendant l’absence de son mari, elle avait été condamnée à la peine de mort par contumace pour faits de Résistance, recherchée en vain par la Gestapo et deux de ses enfants avaient en outre été incarcérés par l’occupant. Il continua à siéger à l’Assemblée consultative provisoire transférée au Palais du Luxembourg et fut élu à la 1re Assemblée nationale constituante le 21 octobre 1945 dans la 3e circonscription de la Seine en tête de la liste communiste. Réélu à la 2e Constituante le 2 juin 1946, il retrouva son siège à l’Assemblée nationale le 10 novembre 1946, mandat qu’il détint jusqu’en 1958, date à laquelle il s’inclina nettement devant le candidat gaulliste Malleville, et il ne put reprendre son siège lors de la consultation de 1962. À l’Assemblée, il appartint à la commission des Affaires étrangères et intervint régulièrement dans les débats d’orientation générale, notamment lors de la question du réarmement de l’Allemagne, en 1950. Il se fit souvent remarquer par sa violence verbale à la tribune et par ses formules à l’emporte-pièce, ainsi en décembre 1947, lorsqu’il traita E. Herriot de « républicain en peau de lapin » après l’exclusion de Raoul Calas* de l’Assemblée. Outre son mandat de député, il siégea au conseil municipal de Paris pendant une quinzaine d’année.
Réélu au CC du PC à la Libération, Fl. Bonte siégea ès qualité au bureau politique jusqu’en 1947, bien que le parti se soit refusé à le reconnaître officiellement : cette situation provoqua une brève polémique entre l’Humanité et Le Monde qui écrivait, le 3 juillet 1947 : « Nous devons en conclure que MM. Bonte et Cogniot ne sont pas membres du bureau, tout en l’étant, sans l’être. » De 1945 à 1947, il fut en fait le responsable de la presse au sein de la direction du PC avant d’être remplacé à ce poste par Kriegel-Valrimont*. Dès le 5 septembre 1944 La Liberté, privée de son article, devint le quotidien communiste du Nord, édité à Lille, Bonte en étant le premier rédacteur en chef avant de transmettre le témoin à son vieux « complice », Arthur Ramette*. En 1945, il créa la revue France-Nouvelle dont il fut le directeur-rédacteur en chef jusqu’en 1956. Ses prises de position pendant la guerre froide lui attirèrent, en juin 1949, la levée de son immunité parlementaire pour délit de presse à la demande du gouvernement, mais il fut tenu compte de la contribution qu’il avait fournie, ainsi que sa famille, à la lutte contre l’occupant et la décision fut rapportée. Fl. Bonte fut longtemps un admirateur inconditionnel de Staline qu’il qualifiait dans France-Nouvelle du 11 octobre 1952 de « grand maître incontesté de la Science, génial architecte de la société nouvelle ». Mais, en mars 1956, au lendemain du XXe congrès du PCUS, il demanda, lors d’une réunion du CC du PCF que soit réexaminée l’attitude des communistes français face au stalinisme. Longtemps considéré comme l’un des meilleurs spécialistes de politique étrangère à la direction du parti, il siégea au CC jusqu’en 1961, date à laquelle il ne fut pas réélu. Nommé à la commission centrale de contrôle financier, il n’y siégea que quelques mois et décida, à l’âge de soixante-douze ans, de prendre sa retraite politique. Il se consacra alors à ses fonctions de vice-président de l’Association française pour la défense et l’assimilation des émigrés. Mais il occupa l’essentiel de ses loisirs à rédiger ses souvenirs sur le mouvement ouvrier dans le Nord 1919-1929, inédits de 1 200 pages dactylographiées à composer également de la musique légère et notamment des valses-musettes pour l’accordéon, très appréciées des connaisseurs !

Homme d’appareil, Fl. Bonte fut aussi un homme de plume prolifique : outre une abondante collaboration à la presse communiste française, il laisse un grand nombre d’ouvrages consacrés à ses souvenirs personnels (le Chemin de l’honneur, De l’ombre à la lumière) et à divers problèmes parmi lesquels la politique internationale arrive au premier rang.

Florimond Bonte est mort à Fleury-Mérogis le 19 novembre 1977 à l’âge de quatre-vingt-sept ans, après avoir été hospitalisé pendant plusieurs années.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article17244, notice BONTE Florimond, Paul, Denis, Louis, Joseph par Yves Le Maner, complété par Claude Pennetier, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 18 février 2022.

Par Yves Le Maner, complété par Claude Pennetier

ADN : cote 1874 W 147 dossier 4582. Fourni par Francis Calvet.
Caricature par la propagande anticommuniste au début des années 1950.

ŒUVRE : Collaboration aux journaux communistes du Nord de la France (le Prolétaire, l’Enchaîné, Liberté) et à tous les titres de la presse nationale du PC — Fl. Bonte est l’auteur de nombreuses brochures de propagande et de livres édités, en ce qui concerne l’après-guerre, par les Éditions sociales : Contrefaçon socialiste du guesdisme à la politique de soutien, 1926. — La guerre de demain (aérienne, bactériologique et chimique), Lille, 1929. — Le Front rouge contre la guerre, 1932. — La mission de la France en Europe, 1944. — Politique extérieure de la France et indépendance nationale, 1944. — À l’échelle de la Nation, 1945 (réplique au livre de Léon Blum : A l’Échelle humaine). — Les fossoyeurs de la France, 1946. — Le Chemin de l’honneur, 1950. — Certitude de victoire, 1951. — Le militarisme allemand et la France, 1961. — Le dossier Heusinger, 1962. — Désarmer ou périr, 1963. — Dix millions de crimes, 1964. — De l’ombre à la lumière, 1965. — Les antifascistes allemands dans la résistance française, 1965. — Qu’est-ce que la guerre atomique, 1968. — Dans le feu des combats, 1970. — Victor Hugo, le chevalier de la Paix, s.d.

SOURCES : Fonds Florimond Bonte, Arch. dép. de Seine-Saint-Denis (289 J), inventaire en ligne. — RGASPI, 495 270 69. — Arch. Dép. Nord, M 35/8, M 37/75, M 154/190A, M 154/191 et M 154/195A. — Arch, J. Maitron. — Le Prolétaire, 2 janvier 1921. — Bulletin communiste, 4 novembre 1920 et 29 février 1924 — L’Enchaîné, 17 juillet 1931. — Le Monde, 22 novembre 1977. — Le Crapouillot, numéro spécial, Dictionnaire des contemporains. — P. Wecksteen, « la formation du Front populaire à Lille à travers la presse locale (janvier 1934-mai 1936) », in Revue du Nord, n° 203, octobre-décembre 1969. — F. Bonte, « la lutte pour l’adhésion à l’Internationale communiste dans le département du Nord », in Cahiers Maurice ThoreZ, n° 19, 3e trimestre 1970, n° 105-III et n° 27, spécial 1978, p. 246. — P. Milza, « Les problèmes financiers du journal l’Humanité de 1920 à 1939 », in Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, octobre-décembre 1973, n° 553-567. — M. Gillet, « L’évolution du PC de 1921 à 1934 dans la région du Nord Pas-de-Calais », in Revue du Nord, n° 221, avril-juin 1974, n° 233-238. — Biographie de Fl. Bonte par J.-M. Donegani, in Universalia, 1978, Encyclopédia Universalis, Paris. — J. Fauvet, Histoire du Parti communiste français, op. cit. — Y.-M. Hilaire et collaborateurs, Atlas électoral Nord-Pas-de-Calais, Lille III, 1972. — J. Jolly, Dictionnaire des Parlementaires, op. cit. — Archives Komintern, Moscou, RGASPI 495 270 69 : Autobiographie du 21 novembre 1934 ; Note de Jean (Thorez) du 13 février 1943 ; Réponse au questionnaire du 5 novembre 1949 ; 495 32 24 ; 495 4 252 ; 495 2 178 ; 495 3 407.

ICONOGRAPHIE : Photographie dans l’Humanité du 7 avril 1930. — Liberté, 22 novembre 1977 (photographie de 1920).

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