SALINAS Roger, Maurice

Par Gérard Boëldieu

Né le 10 octobre 1917 à Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), mort le 21 mai 1986 au Mans (Sarthe) ; instituteur dans la Sarthe ; adhérent à la SFIO puis au Parti socialiste ; militant syndical du SNI et mutualiste ; militant de l’éducation populaire en campagne au sein des Foyers ruraux.

Roger Salinas dans les années 1970
Roger Salinas dans les années 1970

Enfant unique de Bernard, Marius, Baptiste Salinas et d’Aurélie Boyer, tous les deux originaires du département de l’Aude, lui né à Limoux le 9 avril 1886, elle à Coursan en 1885, Roger Salinas, du côté paternel, appartenait à la deuxième génération de nationalité française issue de Thomas Salinas, son grand-père donc, un immigré espagnol né en 1865 à Auch (Gers). Journalier agricole dans diverses exploitations viticoles dans les environs de Carcassonne, celui-ci avait épousé à Limoux une française, Marguerite Denis née le 29 avril 1864 dans cette ville, fille d’un cordonnier. Au début du XXe siècle, installé à Malves-en-Minervois, le couple avait, outre son fils, Bernard, une fille, Juliette, née en 1891 à Carcassonne.

Après avoir lui aussi, jusqu’à son service militaire, effectué d’octobre 1907 à septembre 1909 au 1er régiment de hussards, travaillé dans les vignes, le père de Roger Salinas entra en 1910 en tant que cantonnier dans la Compagnie des chemins de fer de l’État. De 1910 à 1927, excepté d’août 1914 à mai 1916, quand il fut mis à la disposition de l’autorité militaire au 16e escadron du Train, il résida à La Brohinière, lieu-dit de la commune de Montauban-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), où se situait la gare sur la ligne ferroviaire de Paris (Montparnasse) à Brest ; ensuite, de 1927 à 1931, à Clisson (Loire-Inférieure), toujours dans les fonctions de cantonnier ; enfin, à partir de 1931 et jusqu’à sa retraite, au Mans (Sarthe) où il passa à l’entretien du matériel. En 1920, il fut au nombre des cheminots grévistes. Il votait socialiste et se déclarait volontiers athée. Sa femme, catholique, abandonna toute pratique religieuse.

En 1933, Roger Salinas entra à l’École normale d’instituteurs de la Sarthe. Sa carrière d’enseignant débuta en 1936 à La Ferté-Bernard où il avait été nommé instituteur-stagiaire. De 1938 à 1945 il fut absent de la Sarthe du fait de son service militaire, de la mobilisation et de sa captivité dans un camp allemand proche d’Osnabrück, pendant toute la durée de la guerre. Revenu le 1er mai 1945, il fut peu après, détaché au Centre d’apprentissage professionnel du Mans alors en gestation. Mais très affaibli, atteint de tuberculose, il obtint un congé de longue durée pour l’année scolaire 1946-47. Le 28 décembre 1946, à Tennie où elle était institutrice depuis 1945, Salinas épousa Solange Moreau, née le 14 mai 1922 à Grosley-sur-Risle (Eure), fille d’un employé de la SNCF au Mans, ancienne normalienne de la Sarthe de 1940 à 1944, une des toutes premières institutrices bachelières en vertu des réformes du gouvernement de Vichy sur la formation des instituteurs. L’année scolaire suivant son congé, Salinas enseigna à Conlie, non loin de Tennie où sa femme était toujours en poste. En 1948, le couple passa en poste double dans le canton du Grand-Lucé d’abord à Montreuil-le-Henri de 1948 à 1952, ensuite, et durablement, à Courdemanche où, directeur d’école, il fut aussi secrétaire de mairie (aidé par sa femme) et correspondant de quotidiens locaux. Il appartint à la section cantonale des Anciens combattants et prisonniers de guerre du Grand-Lucé.

Peu après son retour de captivité, Salinas adhéra à la SFIO. Il n’y exerça aucune responsabilité au plan départemental, de même par la suite au Parti socialiste. En 1950-1951, au nom de la défense laïque, il contesta le rapprochement entre la SFIO et le MRP. Lors de la campagne contre le réarmement allemand et la bombe atomique, il assista à la réunion organisée le 31 mars 1952 au Grand-Lucé par les Combattants de la Paix, et dont l’orateur principal était le communiste Pierre Combe. Candidat à Courdemanche aux élections municipales de 1977, il ne fut pas élu.

Roger Salinas adhéra au Syndicat national des instituteurs (SNI) dès son séjour à l’École normale. Après la scission de 1947-1948, il y milita au sein de la tendance “autonome”, majoritaire dans la section de la Sarthe jusqu’en 1971. Élu au bureau départemental en novembre 1951, il le quitta de son plein gré en décembre 1957, ayant demandé à être libéré de ses fonctions syndicales. En 1963, après Ernest Moreau puis Victor Claude, éphémères successeurs de Robert Dernelle, sur les instances de Constant Plouzeau, Salinas accepta d’être porté au poste de secrétaire général de la section. Il exerça cette fonction pendant sept ans, jusqu’à sa démission, pour raison de santé, en novembre 1970, deux ans avant sa retraite. Lors des congrès nationaux du SNI à partir de 1964, il signait les textes d’orientation générale de la direction sortante. Délégué au congrès de 1965, il intervint sur le rapport de Robert Rembotte : « Les caractéristiques de la fiscalité directe actuelle et ses incidences sur les revenus réels des salariés ; conséquences à en tirer quant à l’action revendicative générale dans la perspective d’une réforme démocratique de la fiscalité ». Il estima que le SNI dans les rencontres intersyndicales sur la fiscalité devait défendre son programme.

Dans ce laps de temps, il représenta ses collègues à la Commission administrative paritaire départementale (élu en 1965 puis en 1970), de même au Conseil départemental de l’enseignement primaire (élu en 1967 puis en 1970). Il fut aussi membre de droit du Comité départemental d’action laïque. Il ne figura pas parmi les instances départementales de la Fédération de l’Éducation nationale.

Une fois à la retraite, Salinas présida, de 1972 à 1984, la section sarthoise de la Mutuelle générale de l’éducation nationale, avec à ses côtés Constant Plouzeau au poste de secrétaire général de 1972 à 1992. En tant que membre-fondateur, il siégea au conseil d’administration du comité de l’Association pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) de la Sarthe.

À Montreuil-le-Henry, Roger Salinas répondit favorablement au président du Foyer rural, un cultivateur, qui lui avait demandé d’animer cette structure. De ce moment date son engagement durable au service de l’éducation populaire en campagne dans le cadre des Foyers ruraux. Créés à la Libération dans le sillage des Foyers paysans de culture et d’émancipation intellectuelle mis en place avant-guerre par François Tanguy-Prigent, les Foyers ruraux, sous l’égide du ministère de l’Agriculture, visaient à créer les conditions du « maintien des jeunes au village » en s’efforçant de répondre à leur demande de loisirs sur place. Il s’agissait aussi d’ouvrir les agriculteurs au monde et à la modernité, de combler l’écart culturel et matériel entre les villes et les campagnes. Dans ce cadre et avec cette perspective, Salinas œuvra aux niveaux communal, départemental et national.

À Courdemanche, sollicités par des jeunes, Salinas et son épouse fondèrent en 1952-53 un Foyer rural dont la spécificité fut l’animation théâtrale. Lancé avec 20 à 30 participants, ce Foyer rural compta très vite 200 à 300 adhérents. Sa troupe de théâtre amateur connut le succès. Le premier téléviseur installé à Courdemanche le fut vers 1954-55 (« une semaine avant celui du patronage du curé », se souvient-on, tant la concurrence était rude) dans la salle du Foyer rural, à l’intention des enfants le jeudi après-midi et de la population lors des grands événements.

Avec Charles Didierjean, ancien instituteur dans le canton voisin de La Chartre, pionnier des Foyers ruraux dans le sud-est de la Sarthe, Salinas contribua, en 1951, à la restructuration de la Fédération sarthoise des Foyers ruraux, demandée par les dirigeants nationaux. Il y remplit la fonction de secrétaire général jusqu’en 1976, celle de président ensuite. Fondée en 1949 par un chef de service à l’Inspection académique et un scieur de la forêt de Bercé, cette fédération départementale qui comptait 10 foyers ruraux à ses débuts, en regroupait 21 (nombre rarement dépassé par la suite) dont 19 actifs, en 1974. Soutenue par le Conseil général et les organisations agricoles locales, patronnée par l’Inspection académique, elle organisa des voyages annuels en France ou à l’étranger (Pays-Bas, Suisse, Bavière, sources du Danube, Alpes du Nord, plaine du Pô, Belgique, Pays Basque français et espagnol…). En liaison avec les écoles publiques proches des Foyers ruraux, elle établit un cinéma itinérant et un circuit de conférences avec projection de films, des stages-photos, des soirées-débats, des séances de découverte des milieux ruraux, etc. Elle s’efforça de s’adapter aux mutations du monde rural et agricole, mais comme bien d’autres fédérations, elle fut confrontée à nombre d’insuffisances voire de carences souvent évoquées lors des assemblées générales : en moyens financiers par suite de promesses rarement concrétisées de la part des pouvoirs publics ; en locaux, et ceux mis à disposition étaient rarement adaptés aux besoins ; en animateurs qualifiés. Salinas ne put obtenir de l’Inspection académique le détachement d’un instituteur.

Membre du bureau de la Fédération nationale des Foyers ruraux dès avant 1956, Salinas en devint en 1966 vice-président chargé des « relations européennes ».

Ce thème signifiait concrètement pour lui l’instauration de jumelages entre localités et foyers ruraux de part et d’autres des frontières. Dans le cadre de la politique de rapprochement franco-allemand, il réussit, par l’intermédiaire d’un ouvrier allemand qu’il avait connu pendant sa détention en camp et avec lequel il correspondait, à jumeler Courdemanche avec Issum (RFA) à la frontière germano-néerlandaise. S’en suivirent des échanges entre jeunes agriculteurs. En mars 1963, soit peu après la signature du traité de l’Élysée, il co-fonda le Comité Maine-Basse-Saxe, dont il fut le premier président jusqu’en mars 1969.

Les obsèques civiles de Salinas eurent lieu le 23 mai 1986 à Courdemanche. Il était père d’un garçon et d’une fille.

Sa veuve, restée à Courdemanche, décédée au Grand-Lucé le 31 juillet 2013, continua l’œuvre d’éducation populaire. Le théâtre amateur du Foyer rural, qui fêta son cinquantenaire en janvier 2003, fonctionnait toujours en 2015. Particulièrement remarquée fut, en juillet 1999, sa prestation lors de l’inauguration des jardins à la française du château du Grand-Lucé. Son fils, Bernard Salinas (1948-2009), qui fut instituteur spécialisé, co-fonda et présida le Foyer rural de Chemiré-le-Gaudin (canton de La Suze) de 1986 à 2009.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172571, notice SALINAS Roger, Maurice par Gérard Boëldieu, version mise en ligne le 27 avril 2015, dernière modification le 11 mars 2022.

Par Gérard Boëldieu

Roger Salinas dans les années 1970
Roger Salinas dans les années 1970

ŒUVRE : « Brève histoire de la Fédération départementale de la Sarthe », contribution (rédigée en septembre 1983) à Les Foyers ruraux 1946-1996, 50 ans d’éducation populaire pour le développement rural, brochure de la Fédération nationale des Foyers ruraux, 1996.

SOURCES : Arch. dép. de l’Aude : état civil de Limoux et de Malves-en-Minervois ; listes nominatives de Malves-en-Minervois aux recensements de 1901 et 1906 ; fiche matricule militaire de Bernard Marius Baptiste Salinas, 104 NUM/RW557 (le tout consulté sur le site internet des Archives). — Arch. dép. Sarthe : listes nominatives du Mans aux recensements de 1926, 1931, 1936 ; 1278 W 336 (rapports des Renseignements généraux sur l’action des Combattants de la Paix dans la Sarthe). — Mairie de Grosley-en-Minervois (Eure). — Bulletin départemental (Sarthe) de l’enseignement primaire (puis de l’Éducation nationale). — L’Instituteur syndicaliste, organe de la section sarthoise du SNI. — FEN-72, organe de la section de la Sarthe, juin 1986 (notice nécrologique p. 6). — L’École libératrice. — Bulletin et plaquette du cinquantenaire (1997) de la section sarthoise de la MGEN. — Presse quotidienne locale (Le début de la notice nécrologique parue dans Le Maine Libre du 23 mai 1986, relatif aux origines géographiques et au début de la carrière d’instituteur de Salinas, est erroné). — Entretien avec Solange Salinas le 30 mars 1999. — État civil. — Notes de Jacques Girault.

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