RONTCHEWSKI Rémy, Marie, Vladimir

Par Françoise Olivier-Utard

Né le 30 septembre 1909 à Montjoi (Tarn-et-Garonne), mort le 20 mars 1996 à Strasbourg (Bas-Rhin) ; professeur de philosophie ; membre de l’Union progressiste ; président du Mouvement de la Paix du département du Bas-Rhin de 1953 à 1966, militant du SNES.

Son père, Vladimir Rontchewsky, était Russe, né à Tsarkoié-Sélo en 1880 et mort en 1958 à Mouleydier (Dordogne). Il était arrivé à Cannes en 1895 avec sa mère, émigrée vivant de sa fortune personnelle. Vladimir avait épousé Marguerite Comte, née en 1880 à Cannes, morte en 1958 à Mouleydier (Dordogne), dont il eut trois enfants. Dans les années 1930, il avait obtenu un emploi aux usines d’automobiles Mathis de Strasbourg, comme agent commercial chargé des relations internationales, du fait de ses connaissances en langues étrangères.

Rémy Rontchewsky n’alla jamais à l’école. Il eut un précepteur. Il s’inscrivit à la faculté des lettres de Strasbourg pour y étudier la philosophie et eut Emmanuel Lévinas comme camarade et ami. Il devint professeur de philosophie au collège de Bouxwiller (Bas-Rhin) puis à Neufchâteau (Vosges). Mobilisé comme lieutenant en 1939, il fut fait prisonnier par les Allemands à Hatten (Bas-Rhin), mais, n’étant pas Alsacien de naissance, il ne fut pas libéré en juillet 1940 comme ses camarades alsaciens et passa la guerre dans un Oflag en Allemagne.

À la Libération, il fut reçu à l’agrégation de philosophie (session spécilale de décembre 1945) et fut nommé en 1946, après un court passage à Forbach (Moselle), au lycée Kléber de Strasbourg, où il exerça en classe préparatoire jusqu’à sa retraite, en 1974. Il fut pendant de longues années secrétaire de la section syndicale du SNES de son établissement. Passionné de cinéma, il anima, dès 1946 et au-delà de 1975, plusieurs ciné-clubs à Strasbourg, dont celui de la Fédération des Œuvres laïques du Bas-Rhin, et à Obernai.

Élevé dans la religion catholique, profondément chrétien, il n’était pas pratiquant et affirmait ses distances vis-à-vis de la hiérarchie catholique. Compagnon de route du PCF, il adhéra à l’Union progressiste en 1955, en même temps que Charles Sadron et Frédéric Klaiber.

L’expérience du camp de prisonniers l’avait résolument tourné vers le pacifisme. Il participa d’abord au Mouvement de soutien des intellectuels en faveur de la paix, puis aux Conseils communaux de la paix et de la liberté, qui se transformèrent en Mouvement de la Paix. Il fut l’un des membres fondateurs de la section départementale du Bas-Rhin, qui se lança dans la grande campagne de l’Appel de Stockholm. Ainsi le 19 novembre 1948, il participa à l’organisation des Assises de la Liberté et de la Paix tenues au restaurant La Ville de Paris à Strasbourg. Il n’hésitait pas à se déplacer en Alsace pour tenir des meetings sur la paix, comme à Colmar le 28 mai 1950, avec Jacques Duclos, dans la salle des Catherinettes.

Élu président du Mouvement de la paix du Bas-Rhin en juin 1953, il conserva cette fonction jusqu’en 1966. Il prépara les assises nationales du Mouvement de la paix dans le Bas-Rhin en 1951. Il participa à l’organisation d’une grande réunion publique contre l’usage des armes bactériologiques en Corée, tenue dans la salle de l’Aubette le 30 novembre 1952. Le 18 janvier 1953, il organisa une réunion publique du comité de défense des époux Rosenberg à la salle de la Marseillaise, qui réunit 180 personnes. Un grand débat eut lieu le 12 juin 1953 en faveur des époux Rosenberg, avec des représentants du PCF, du MRAP et de la SFIO, dans la salle de l’Aubette. Il put y annoncer que la somme de 26.500 francs avait été recueillie, « Ceci pour faire connaître à ceux que ça intéresse l’origine des fonds. » Une motion fut proposée et adoptée à l’unanimité. Une voix au fond de la salle s’écria : « Il n’y a que la police qui s’est abstenue ! » Une manifestation, interdite, devant le consulat américain, donna lieu à 16 arrestations. Une soirée de deuil fut décidée le 29 juin, jour de l’exécution des Rosenberg, à laquelle participèrent plusieurs universitaires strasbourgeois, dont Paul Ricœur, ainsi que le directeur de l’école privée juive Aquiba. En 1954, au cours d’une cérémonie commémorant le bombardement de Lingolsheim (Bas-Rhin) par l’aviation américaine, il fit l’apologie du régime soviétique, ce qui provoqua quelques remous dans l’assistance. Le 27 janvier 1955, il assista à une réunion publique à Strasbourg organisée par la Jeune République en vue de son adhésion à la Nouvelle Gauche et participa au débat. Il félicita Mendès-France pour certaines de ses actions, mais se demanda si, organisant une mystique autour de lui, on n’en avait pas fait à tort un homme providentiel à qui on avait mis une auréole. Rontchevsky aurait dû parler le 2 juin 1956 à Mutzig (Bas-Rhin) de la paix en Algérie, mais cette réunion publique fut interdite par arrêté préfectoral en raison de la présence dans les casernes de la petite ville d’un millier de rappelés en partance pour les opérations de « maintien de l’ordre ». Le 8 décembre 1956, le comité départemental du Mouvement de la Paix adopta une motion regrettant l’effusion de sang en Hongrie, invitant les comités de paix à s’associer aux initiatives de solidarité en faveur du peuple hongrois et demandant le retrait des forces soviétiques de Hongrie : le rapport du préfet ne mentionne pas quelle fut la position du président départemental à ce sujet.

Militant de la section strasbourgeoise de la Ligue des droits de l’Homme, il s’opposa en 1981 à tout soutien à Solidarnosc. À la fin de cette année, il s’indigna du tableau noir fait du « socialisme réel » par un autre ligueur, rentré récemment d’un colloque universitaire en Pologne.

L’action locale le motivait et il était partout présent aux manifestations, mais il se désintéressait de tous les congrès nationaux ou internationaux.

Sa silhouette, reconnaissable à son large béret, ses chaussettes blanches, son vélo et son chien, était familière aux militants strasbourgeois. Ses interventions étaient vigoureuses, portées par une voix forte et une verve parfois cinglante.

Il avait épousé en octobre 1930 Gabrielle Berster, née le 9 juin 1910, morte en janvier 1981 à Strasbourg. Le couple eut deux enfants.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article172574, notice RONTCHEWSKI Rémy, Marie, Vladimir par Françoise Olivier-Utard, version mise en ligne le 3 juin 2015, dernière modification le 10 octobre 2022.

Par Françoise Olivier-Utard

SOURCES : Documents du Mouvement de la Paix. — Archives du Comité d’histoire sociale CGT - Alsace. — Arch. Dép. Bas-Rhin, 544 D 9, 544 D 10, 544 D 40,1743 W 5. — Arch. Dép. Haut-Rhin, 1756 W, 13 OD 132. — Humanité d’Alsace-Lorraine du 2 juillet 1953. — Entretien avec sa belle-fille, 4 mai 2000. — État civil de Montjoi. — Notes de Léon Strauss.

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